JESUS-CHRIST MISERICORDIEUX

JESUS-CHRIST MISERICORDIEUX

Réflexion sur l’Évangile de la femme adultère[1]

(Jubilé de la miséricorde)

Texte de méditation Jean 8, 1-11[2]: Quant à Jésus, il s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? ». Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre». Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? ». Elle répondit : « Personne, Seigneur». Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus».

Notre intention : découvrir le Christ miséricordieux qui aime, son attitude envers les pécheurs, envers moi-même… Quelle attitude de ma part face à ce comportement de Jésus ?

1. Adultère : Jésus est assis, de bon matin, dans la cour du temple, entouré d’une foule. Voilà un tumulte, là-bas. Un groupe de pharisiens entraine de force une femme qui se débat et pleine de honte. La foule s’écarte et fait cercle. Il s’agissait d’une femme surprise en adultère. Notre intention n’est pas celle de nous centrer sur ce péché concrètement, mais pour bien comprendre le contexte il nous faut dire quelque chose. Il nous vient à l’esprit une première question : comment se fait-il qu’ils n’amènent que la femme ? Dans un adultère, il y a aussi un homme que la loi condamne très explicitement, de la même manière. Pas de réponse. Quoi qu’il en soit ils veulent la lapider : maitre, cette femme a été prise en adultère. Or, dans la loi, Moise a ordonné de lapider ces femmes-là. Et oui, il s’agissait d’un péché grave. Les rabbins disaient : « il faut qu’un juif meurt s’il commet l’idolâtrie, l’assassinat et l’adultère ». Donc l’adultère était l’un des trois péchés plus graves et son châtiment était la peine de mort. Mais ici, ils veulent la peine de mort par lapidation. En réalité la loi n’était pas citée très exactement par les pharisiens : elle commandait à mort la femme coupable (Deut 22, 22-24 / Lev 20, 10), mais n’infligeait la lapidation qu’à la fiancée infidèle, et quelques-uns maintenait encore une différence de peine : soit la lapidation, soit aussi l’extrangulation. Cependant, dit le père Lagrange, la femme étant encore plus coupable que la fiancée, il était rationnel de lui appliquer à elle aussi le supplice le plus redoutable.

Certes, soit à l’époque de Jésus qu’à notre époque l’adultère est une faute grave, que toutes les civilisations condamnent sévèrement. Une société ne peut pas, longtemps, se moquer de ce type de question sans se détruire elle-même. La famille, les enfants, peuvent-ils se développer sans traumatismes, dans un contexte de laxisme et de sexualité aberrante ? Bon, quoi qu’il en soit pour nous est important ici de souligner qu’il s’agissait d’un péché grave.

2. Pourquoi à Jésus ?  Pour deux raisons : tout d’abord parce qu’il s’agissait d’une question légale difficile et donc la tradition demandait de la présenter à un rabbin afin qu’il donne la sentence. Cela nous montre certainement et malgré les circonstances la grande autorité de Jésus. Mais la deuxième raison et c’est la plus importante c’est parce qu’ils voulaient trouver un prétexte pour condamner Jésus, le prendre au piège. Les pharisiens et les scribes savaient que Jésus aime les pécheurs et est aimé d’eux. Ils lui reprochent ses fréquentations. Il mange avec les pécheurs.

Quel piège ? Le piège était le suivant : si Jésus déclarait que la femme devait être lapidée la conséquence était double : a- Jésus laisserait d’être appelé « l’amis des pécheurs ». Il aurait perdu sa condition de compatissant, de miséricordieux… b- Il rentrerait en conflit avec la loi romaine qui se réservait le droit de condamner à mort une personne. Par contre, s’il répondait qu’il fallait pardonner la femme adultère, ils auraient dit tout de suite que Jésus enseignait la transgression de la loi de Moise et encore plus qu’il encourageait l’adultère. Donc un blasphème.

Au fond, c’est le procès de Jésus qui se profile derrière le procès de cette femme. Elle est donc un instrument.

Procès apparent

Accusé… Une femme…

Accusateurs… Les pharisiens

Délit… L’adultère puni

Sentence… La peine de mort

Procès réel

Accusé… Jésus…

Accusateurs… Les pharisiens

Délit… Le blasphème

Sentence… la peine de mort

3. La réponse de Jésus : une première réponse est la suivante : Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Cette réaction est très étonnante. Il ne répond pas. Il aurait pu, par exemple, enquêter, poser des questions, chercher les responsabilités ? Y a-t-il des circonstances atténuantes ? Le passé de cette femme explique-t-il son attitude ? Comment son mari la traitait-il ? Mais Jésus, délibérément, se place toujours à un autre niveau.

La plupart des commentateurs à commencer par Saint Gérôme, coïncident en disant que Jésus écrivait sur la terre les péchés de ceux qui avaient condamnés la femme. En effet, la parole grecque pour le mot ‘écrire’ est ‘grafaien’ mais ici Saint Jean utilise le mot ‘katagrafein’ qui veut dire ‘écrire contre quelqu’un’, c’est-à-dire que Christ écrivait contre eux leurs propres péchés. Mais les pharisiens ne se sentent pas compromis par ce comportement de Jésus ; ils sont agacés seulement que Jésus déjoue leur calcul par une indifférence feinte, et ils insistent opiniâtrement. Et c’est alors seulement que Jésus leur donnera sa réponse, il se lève, il regarde d’abord cette pauvre femme, puis les accusateurs… puis la foule…puis il leur dit : Celui d’entre vous qui n’est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ! Comme en disant, oui, d’accord vous pouvez la lapider, mais seulement celui qui n’a jamais eu de péchés, ni le désir de commettre le même péché que cette femme-là.

Cette attitude de Christ est doublement miséricordieuse et juste : il est miséricordieux tout d’abord avec les pharisiens. Au lieu de les démasquer en plein public, il leur permet, par son silence, de se retirer discrètement ‘l’un après l’autre’. Et en même temps la femme a le temps de réfléchir à sa propre culpabilité. Elle regarde Jésus… elle pleure peut être…

4. Christ et la femme : Jésus donc reste seul avec la femme, elle a peur de lui, mais en même temps une grande confiance… La ‘grande misère’ face à la ‘grande miséricorde’, commente Saint Augustin. Femme, où sont-ils donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? Elle répondit : Personne Seigneur ! Moi non plus, dira le Christ, je ne te condamne pas à cette mort affreuse de la lapidation. Prends garde. Va, et en refaisant ta vie ne pèche plus.

En Christ la justice et la miséricorde se rencontrent. La justice ne consent pas à une absolution juridique qui ne tiendrait pas compte du caractère antisocial de la faute ; la miséricorde ne consent pas à condamner le pécheur, parce qu’elle a lu le repentir dans ce cœur encore affaibli par le péché. Recommander donc le ferme propos de ne plus recommencer, c’est supposer le repentir.

Nous reviendrons sur ce point pour mieux comprendre la pensée et l’enseignement de Jésus.

5. Enseignements :

A- Notre façon de juger : elle ne peut pas être celle des pharisiens et des docteurs de la loi. Nous ne voulons pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et vive… nous pouvons condamner le péché bien sûr, mais pas le pécheur, notre devoir est de tout faire pour le sauver, le convertir, le guérir. Mais comment comprendre alors la sentence de Jésus en Mattieu 7 : Ne jugez point afin de n’être point jugés, car de la façon dont vous jugez, vous serez jugés, et avec la mesure dont vous mesurez il vous sera mesuré.

L’un de premiers principes de Jésus était justement de ne pas juger. Mais comment interpréter cette phrase de notre Seigneur ? En effet, Saint Jérôme dira : « S’il nous est défendu de juger, comment Saint Paul a-t-il pu légitimement juger l’incestueux de Corinthe, et Saint Pierre convaincre de mensonge Ananie et Saphire ? (Ac 4) ». Donc cette phrase a plusieurs sens :

a. Droite intention pour juger les autres. Saint Jean Chrysostome dans son commentaire sur Saint Mattieu dit : « Il en est qui entendent ce passage dans ce sens que Notre-Seigneur ne nous défend pas ici de reprendre nos frères par un principe de charité, mais qu'il interdit seulement aux chrétiens de se mépriser les uns les autres par une vaine affectation de justice, de les prendre en haine et de les condamner sur de simples soupçons, en couvrant des apparences de la piété les inspirations d'une haine personnelle». Et dans son 24ème homélie dit : « Aussi ne dit-il pas : « N'arrêtez pas celui qui pèche, » mais : « Ne jugez pas, » c'est-à-dire ne soyez pas un juge sévère : reprenez, à la bonne heure, non pas comme un ennemi qui veut se venger, mais comme un médecin qui cherche à guérir ».    

b. Pardonner les offenses à notre égard. Toujours le Chrysostome: « …ces paroles du Sauveur ne nous défendent pas de juger ceux qui pêchent contre Dieu, mais ceux qui nous offensent personnellement. Car celui qui ne juge pas son prochain par suite d'une offense qu'il en a reçue, ne sera pas jugé lui-même; Dieu lui pardonnera comme il a pardonné».

c. Se juger soi-même. « …cette défense de juger ne s'étend pas à tous les péchés quels qu'ils soient, mais elle s'adresse à ces hommes qui remplis de vices sans nombre, reprennent sévèrement les autres pour les moindres fautes. C'est ainsi que Saint Paul lui-même ne défend pas de juger ceux qui sont en faute, mais il reprend les disciples qui veulent juger leurs maîtres, et nous apprend par-là à ne pas juger ceux qui sont au-dessus de nous ».

d. Ne pas juger les projets de Dieu sur nous. Saint Hilaire (Can. 5 sur St.Matth.) écrit : « Dieu nous défend de nous ériger en juges de ses desseins providentiels, car de même que tout jugement parmi les hommes porte sur des points douteux, ainsi tout jugement contre Dieu a pour objet des matières pleines d'obscurité. Il veut donc éloigner de nous cette disposition et nous laisser sous la garde d'une foi inébranlable, car si dans d'autres matières le jugement téméraire est chose coupable, quand il attaque les choses de Dieu, c'est un commencement de crime».

e. Pas de jugement impulsif. Saint Augustin écrit (serm. sur la mont., liv. 2, chap. 23.) : « Je pense que le Seigneur, par ces paroles, ne nous ordonne autre chose que d'interpréter en bonne part les actions dont le motif nous est inconnu. Il est des actions dont l'intention ne peut être bonne, comme les outrages à la pudeur, les blasphèmes et autres crimes semblables, Dieu nous permet de les juger. Il est au contraire des actions indifférentes que l'on peut faire avec une intention bonne ou mauvaise ; c'est une témérité de les juger, surtout pour les condamner. Il est deux circonstances où nous devons éviter le jugement téméraire : lorsque l'intention qui a dirigé telle action nous est inconnue, et quand nous ignorons ce que deviendra par la suite une personne qui nous paraît être actuellement bonne ou mauvaise. Ne blâmons donc pas des actions dont nous ne connaissons pas l'intention, et quant à celles qui sont manifestement mauvaises, ne les reprenons pas de manière à rendre impossible la guérison ».       

B- La personne il faut la regarder telle qu’elle est et non pas comme un objet de désir ou de plaisir, ou comme une chose à manipuler selon ses propres gouts.

C- Il est important de comprendre exactement le comportement de Jésus avec la femme adultère. Il est très facile d’en tirer une conclusion erronée en disant que Christ ne juge pas ou bien qu’il pardonne légèrement comme si le péché n’aurait aucune importance. Jésus disait ceci : Je ne te condamne pas maintenant et non plus avec une lapidation, mais va donc, range ta vie et ne pèche plus ! Donc Jésus ne suspend pas le jugement en disant « ne t’inquiètes pas, tout va bien, continue ta vie normalement ». Ce qu’il fait, par contre, c’est renvoyer la sentence en disant : « je ne te condamne pas maintenant, tu as péché c’est vrai, mais vas-y, change de vie, ne pèche plus, je suis avec toi tous les jours de ta vie et lorsque viendra le fin de tes jours on verra tes comportements et tes changements de vie ». Donc l’attitude de Jésus envers le pécheur impliquait plusieurs éléments :

a- Il donne toujours une autre opportunité. En Jésus nous avons l’Évangile de l’espérance du pécheur, l’Évangile de l’autre opportunité. Jésus est toujours inquiet par ce que nous faisons. Il n’a jamais dit que ce que nous avons fait n’intéresse pas ; les lois et les cœurs brisés sont toujours importants, mais il confie que nous pouvons changer de vie et éviter le péché dans le futur.

b-Implique compassion : c’est la différence fondamentale entre les pharisiens et Jésus. Eux ils voulaient condamner et lui, il voulait pardonner. Eux, ils se réjouissaient d’exercer leur autorité en lapidant, lui, il se réjouissait de l’exercer en pardonnant. Jésus regarde les pécheurs avec une compassion qui nait de l’amour ; les pharisiens les regardent avec une répugnance qui nait d’un sentiment d’orgueil et de supériorité.

c-Implique aussi le défi de la conversion personnelle. Jésus a aidé cette femme à se confronter au défi d’une vie sans péché. Il n’a pas dit « c’est bon, calme-toi, continue comme ça » ; il a dit plutôt : « c’est mal ce que tu fais, change de vie, lutte pour éviter le péché ». Certes, il n’était pas un pardon facile parce qu’il impliqué un grand défi de conversion personnelle. Mais Jésus croyait à la personne. Il croyait qu’avec son aide, le pécheur peut devenir un saint. « Va et ne pèche plus ». Sa méthode ne consistait pas en effet à mettre peur aux gens avec la connaissance de leur propres misères, mais plutôt à les inspirer confiance avec la découverte qu’ils pouvaient changer et devenir des saints. « Va et ne pèche plus ».

6. Christ Lumière: Le verset suivant à ce passage est la réponse au comment dois-je faire pour me convertir ? De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie» (Jn 8, 12).      

P. Silvio Moreno, IVE

 

[1] Conférence donnée par le P. Silvio Moreno, IVE aux jeunes lors de la recollection de préparation au jubilé de la miséricorde le dimanche 29 novembre 2015.

[2] Il semble bien que cet épisode n’appartient pas à la rédaction du quatrième Évangile. Mais il est canonique et inspiré. Il a peut-être été  inséré ici comme appartenant à la tradition rapporte par les disciples de Saint Jean. Il a d’ailleurs l’apparence d’un récit des synoptiques, et rien n’autorise à révoquer en doute la réalité des faits. Cf. P. M.-J. Lagrange, L’Evangile de Jésus-Christ, Paris, 1948, p. 288.

Bibliographie pour ce commentaire : L’Evangile de Jésus-Christ du P. Lagrange ; Comentario al Nuevo testamento de Williams Wercley ; Catena Aurea selon Saint Mattieu de Saint Thomas d’Aquin ; Parole de Dieu de Noel Quesson.

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