QU'EST-CE QUE LE JUBILE?

QU'EST-CE QUE LE JUBILE?

Le Jubilé de la Miséricorde[1]

1. Qu’est-ce que le Jubilé?

Dans la tradition catholique, le Jubilé est un grand événement religieux. C'est l'année de la rémission des péchés et des peines pour les péchés, c'est l'année de la réconciliation entre les adversaires, de la conversion et de la pénitence sacramentelle, et, en conséquence, de la solidarité, de l'espérance, de la justice, de l'engagement au service de Dieu dans la joie et dans la paix avec ses frères.

Ses origines se relient à l'Ancien Testament. La loi de Moïse avait fixé, pour le peuple hébreu, une année particulière: Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l'affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé: chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan. Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire: vous ne sèmerez pas, vous ne moissonnerez pas les épis qui n'auront pas été mis en gerbe, vous ne vendangerez pas les ceps qui auront poussé librement. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez des produits des champs. En cette année jubilaire, vous rentrerez chacun dans votre patrimoine (Lév 25, 10-13).

La trompette avec laquelle on annonçait cette année particulière était une corne de bélier, qui s'appelle « yôbel » en hébreu, d'où la parole « Jubilé ». La célébration de cette année comportait, entre autres choses, la restitution des terres à leurs anciens propriétaires, la rémission des dettes, la libération des esclaves, et le repos de la terre. Dans le Nouveau Testament, Jésus se présente comme Celui qui amène à son accomplissement le Jubilé antique, puisqu'il est venu prêcher l'année de grâce du Seigneur (cf. Is 61, 1-2).

Le Jubilé est appelé communément « Année Sainte »[2], non seulement parce qu'il commence, se déroule et se conclut par des rites sacrés, mais aussi parce qu'il est destiné à promouvoir la sainteté de vie. Il a été institué en effet pour consolider la foi, favoriser les œuvres de solidarité et la communion fraternelle au sein de l'Eglise et dans la société, pour rappeler et encourager les croyants à une profession de foi plus sincère et plus cohérente dans le Christ unique Sauveur.

Le Jubilé peut être: ordinaire, s'il est lié aux dates fixées; extraordinaire, s'il est convoqué à l'occasion d'un événement de particulière importance (comme par exemple le prochain jubilé de la miséricorde). Les Années Saintes ordinaires célébrées jusqu'à nous sont au nombre de 26. Les dernières Années Saintes extraordinaires de ce siècle sont celle de 1933, convoquée par Pie XI pour le XIXème centenaire de la Rédemption ; de 1983, convoqué par le Saint Pape Jean Paul II pour le 1950 anniversaire de la Rédemption. En 1987, Saint Jean Paul II a convoqué également une Année Mariale. Donc ce jubilé extraordinaire de la miséricorde est le premier jubilé extraordinaire du XXIème siècle convoqué par le Pape François.  

2. Historique des jubilés

Le premier Jubilé ordinaire fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII, avec la Bulle « Antiquorum Habet Fida Relatio ». L'occasion lointaine remonte au courant de spiritualité, de pardon, de fraternité qui se répandait alors dans toute la chrétienté, en opposition aux haines et aux violences qui prédominaient à cette époque (Aussi dans notre temps nous vivons des situations semblables). L'occasion immédiate est de se rallier à la rumeur, qui avait commencé à circuler en décembre 1299, selon laquelle, durant l'année du centenaire, les visiteurs de la Basilique Saint-Pierre recevraient une « rémission très complète de leurs péchés ». L'énorme affluence des pèlerins à Rome amenèrent le Pape Boniface VIII à accorder l'indulgence pendant toute l'année 1300, et, à l'avenir, tous les cent ans. Parmi les pèlerins de ce premier Jubilé, il faut citer: Dante, Cimabue, Giotto, Charles de Valois frère du Roi de France, avec son épouse Catherine. Dante Alighieri en conserva un écho dans plusieurs vers du XXXI chant du Paradis, dans la « Divine Comédie ».

Après le transfert du siège du Pape à Avignon (1305-1377) de nombreuses demandes furent faites pour que le deuxième Jubilé ordinaire soit convoqué en 1350 et non pas en 1400. Clément VII accepta et fixa l'échéance tous les 50 ans. Aux Basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul Hors-les-Murs qu'il fallait visiter, il ajouta celle du Latran. Par la suite, Urbain VI décida de fixer l'échéance à 33 ans, en référence au temps de la vie terrestre du Christ. A sa mort, le nouveau Pontife, Boniface IX, inaugura l'Année Sainte de 1390. L'approche de la fin du siècle, et l'afflux constant des pèlerins l'amenèrent à convoquer un nouveau Jubilé en 1400.

Le schisme d'Occident s'étant terminé, Martin V convoqua l'Année Sainte pour 1425, et introduisit deux nouveautés: la frappe d'une médaille commémorative, et l'ouverture de la Porte Sainte à Saint Jean de Latran. Selon ce qui avait été fixé par Urbain VI, le nouveau Jubilé aurait dû être célébré en 1433, mais il n'en fut pas ainsi. Sous le Pontificat de Nicolas V, un Jubilé fut convoqué pour 1450. Paul II, par une Bulle de 1470, établit que, à l'avenir, le Jubilé se déroulerait tous les 25 ans. Sixte IV convoqua ainsi la Jubilé suivant, en 1475: pour cette occasion, le Pape voulut que Rome soit embellie avec des œuvres nouvelles et importantes, dont la Chapelle Sixtine et le Ponte Sixte sur le Tibre. En ce temps, les plus grands artistes de l'époque travaillaient à Rome: Verrochio, Signorelli, Ghirlandaio, Botticelli, Perugino, Pinturicchio, Melozzo da Forli.

En 1500, Alexandre VI voulut que les Portes Saintes des quatre Basiliques soient ouvertes en même temps, tout en se réservant l'ouverture de la Porte Sainte de Saint-Pierre. Clément VII ouvrit solennellement, le 25 décembre 1524, le neuvième Jubilé, pendant lequel commença à se faire sentir la grande crise qui, en peu de temps, allait envahir l'Europe, avec la réforme protestante. Le Jubilé de 1550 fut convoqué par Paul III, mais ce fut Jules III qui en fit l'ouverture. L'afflux considérable des pèlerins causa un grand nombre de problèmes d'aide, auxquels pourvut tout particulièrement Saint Philippe Néri avec la « Fraternité de la Sainte Trinité ». En 1575, sous le Pontificat de Grégoire XIII, plus de 300.000 personnes de toute l'Europe vinrent à Rome. Les Années Saintes successives du XVII siècle furent convoquées par Clément VIII (1600), Urbain VIII (1625), Clément X (1675).

A Innocent X, promoteur du Jubilé de 1700, est liée une des plus grandes caritatives de Rome: l'hôpital saint Michel à Ripa. Dans le même temps, les initiatives se multipliaient pour faire face aux besoins des pèlerins, comme ce fut le cas en 1725, sous le Pontificat de Benoît XIII. Saint Leonardo da Porto Maurizio fut le prédicateur infatigable de l'Année Sainte de 1750 (convoquée par Benoît XIV); il fit édifier au Colisée 14 chapelles pour la pieuse pratique du Chemin de Croix, et une grande croix au milieu de l'arène. Clément XIV promulgua le Jubilé pour 1775, mais il ne put l'ouvrir car il mourut trois mois avant l'ouverture solennelle, qui fut faite par le nouveau Pontife Pie VI. La situation difficile de l'Eglise au temps de l'hégémonie de Napoléon ne permit pas à Pie VII de convoquer un Jubilé pour 1800.

Plus d'un demi-million de personnes vinrent à Rome en 1825. Vingt-cinq ans plus tard, le déroulement de l'Année Sainte ne fut pas permis à cause des événements survenus avec la République Romaine et l'exil temporaire de Pie IX. Ce même Pontife put toutefois convoquer le Jubilé de 1875, privé des cérémonies d'ouverture et de fermeture de la Porte Sainte à cause de l'occupation de Rome par les troupes de Victor Emmanuel II.

Il revint à Léon XIII de convoquer le vingt-deuxième Jubilé pour le début du XX siècle de l'ère chrétienne; il fut marqué par six Béatifications et par deux Canonisations (celles de Saint Jean-Baptiste de La Salle, et de Sainte Rita de Cascia). En 1925, Pie XI voulut, que, en même temps que l'Année Sainte, on proposât à l'attention des fidèles l'œuvre précieuse des Missions, et il invita les fidèles, pour gagner les indulgences, à prier pour la paix entre les peuples. En 1950, quelques années après la fin de deuxième guerre mondiale, Pie XII promulgua le nouveau Jubilé en indiquant ses buts: la sanctification des âmes par la prière et la pénitence, et par la fidélité indéfectible au Christ et à son Eglise; action pour la paix, et protection des Lieux Saints; défense de l'Eglise contre les attaques renouvelées de ses ennemis, et demande fervente de la vraie foi pour ceux qui sont dans l'erreur, pour les infidèles, pour les sans-Dieu; réalisation de la justice sociale et d'œuvres d'assistance en faveur des humbles et des nécessiteux. Durant cette Année, il y eut la proclamation du Dogme de l'Assomption au ciel de la Vierge Marie (1 novembre 1950). Le Jubilé ordinaire de 1975 fut convoqué par Paul VI qui présenta de manière synthétique ses objectifs par les paroles: « Renouveau » et « Réconciliation ». Et le dernier Jubilé en date fut le Jubilé de l’année 2000 convoqué par le Saint pape Jean Paul II pour célébrer les 2000 ans de l’Incarnation du Fils de Dieu.

Lors de l'Année sainte, la Porte Sainte de chacune des quatre basiliques majeures de Rome est solennellement ouverte.

 

[1] Pour cette partie nous allons suivre l’exposé du site du Vatican sur le jubilé et son historique et pour la partie liturgique du jubilé (ouverture de la Porte Sainte) nous suivrons un article de Mgr Piero Marini, ancien maitre de cérémonies pontificales, mais en l’appliquant au jubilé de la miséricorde et en l’adaptant au rituel pour l’ouverture de la Porte Sainte d’une cathédrale.

[2] Durant cette année, l'indulgence est accordée à certaines conditions: confession, communion sacramentelle, aumônes ou autres bonnes œuvres et le pèlerinage de Rome qui implique la visite des basiliques majeures. Ces conditions sont généralement précisées dans la bulle d'indiction promulguée par le pape qui fixe également les dates d'ouverture et de clôture de l'Année sainte (pour ce Jubilé de la miséricorde le pape François a indexé une bulle appelée ‘Misericordia Vultus’). En ce qui concerne les indulgences nous avons fait aussi un autre écrit sur sa doctrine et application qui a été publié en www.blogcathédraletunis.com   

 

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