Nous allons réfléchir sur les « caractéristiques » de l’amour de Jésus et de son amitié[1] : sa capacité à aimer et sa capacité d’amitié. Jésus doit être toujours pour nous l’idéal de vie, et puisque nous devons apprendre à aimer comme il le faut, nous n’avons qu’à regarder notre modèle : Jésus-Christ.
1. L’amour de Jésus
Les premières caractéristiques de l’amour de Jésus nous les trouvons dans l’extraordinaire épisode évangélique du jeune homme riche. « Comme Jésus se mettait en chemin, un jeune homme accourut, et, se jetant devant lui à genoux, il dit : "Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?" Jésus lui dit : Tu connais les commandements : Tu ne commettras pas d'adultère ; tu ne tueras pas ; tu ne déroberas pas ; tu ne diras pas de faux témoignages ; tu ne feras tort à personne ; honore ton père et ta mère. Il lui répondit : Maître, j'ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse. Jésus, l'ayant regardé, l'aima, et il lui dit : Il te manque une chose ; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; Puis viens et suis-moi. Mais, affligé de cette parole, ce jeune homme s'en alla tout triste ; car il avait de grands biens ». (Mc 10, 17-22).
Le jeune en question, en plus d’être riche, était aussi sérieux dans ses intentions religieuses : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? ». Le Seigneur faisant un sondage dans son cœur va lui rappeler les commandements comme première condition pour entrer dans la vie éternelle. Après avoir entendu sa réponse : « Maître, j'ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse », et voyant que ce jeune était capable d’une vraie sainteté, le Seigneur le regarda et l’aima. Cela signifie que Jésus pénétra le cœur du jeune avec un amour de prédilection afin de lui proposer le chemin direct pour la vie éternelle : le renoncement pour le suivre personnellement. Malheureusement, l’attachement aux richesses de ce jeune homme ne lui permit pas d’accomplir la vocation à laquelle Jésus l’appela et il s’en alla tout triste.
Les caractéristiques de l’amour de Jésus dans cet épisode nous montrent la façon dont nous devons aimer nous aussi les autres : mes parents, mes proches, mes amis, mes camarades, ma copine, mon copain, etc.
C’est un amour spirituel : Le Christ aime les biens spirituels du jeune, son désir de sainteté et sa pureté et non pas ses qualités physiques ou matérielles ; Jésus, pour le dire de façon analogique, tombe amoureux du ‘cœur vertueux’ du jeune. Il regarde ce qu’il y a dans son cœur et non pas à l’extérieur (ses richesses). Cela nous invite à examiner l’œil de notre amour. Au départ, le sentiment amoureux dans nos vies est souvent mêlé. On y trouve d’abord un besoin d’affection : le besoin d’aimer comme celui d’être aimé nous pousse dans les bras de l’autre. Mais il recouvre aussi un peu d’égoïsme : on aime l’autre pour ce qu’il nous apporte, pas pour ce qu’il est. Et c’est là une première grande différence avec l’amour de Jésus. Ce sentiment est très idéaliste à ses débuts : on est ébloui par l’image idéale qu’on se fait de l’être aimé, par ses qualités physiques ou matérielles, mais en réalité on ne le connaît pas vraiment. On ne l’aime pas encore avec ses limites et ses pauvretés. On n’a pas connu encore l’intérieur de cette personne et il est clair que ce type d’amour ne peut rien fonder. Si un mariage, une amitié, une relation n’est fondé que sur ce sentiment, soyez sûr qu’il ne durera pas. Donc il faut le perfectionner, le cultiver, c’est-à-dire il faut aimer d’un amour spirituel.
C’est un amour patient : l’amour de Jésus n’est pas un amour agressif, ou impatient, ou choquant ; il invite à sa suite seulement après avoir constaté l’envie de ce jeune d’en vouloir plus. L’amour patient est comme un capitaine, il demeure sur son navire malgré la tempête. Est-ce que je suis agressif dans mes demandes ? Suis-je patient dans mes invitations et dans mes propositions ? Suis-je patient devant la lente réponse de l’autre ?
C’est un amour exigeant, sans ambiguïté ni médiocrité, qui accepte et qui propose le sacrifice, la croix et les épines. Un amour qui est capable de s’exiger soi-même d’abord.
C’est un amour désintéressé qui ne cherche rien pour lui-même. Dans son amour il n’y a pas un regard sur lui-même : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres. C’est une variante de la première caractéristique de l’amour.
Mais surtout c’est un amour qui respecte absolument la liberté de l’autre. Jésus ne s’énerve pas devant la médiocrité du jeune riche, il regarde respectueusement, et avec peut-être un peu de tristesse dans son cœur, le jeune qui s’éloigne tout doucement. Un amour qui ne respecte pas la liberté de l’autre n’est pas amour, c’est une tyrannie.
2. L’amitié de Jésus
Jésus-Christ a une extraordinaire capacité d’amitié. Nous devons nous aussi apprendre de Jésus et nous examiner à la lumière de la vie de Jésus sur notre capacité d’amitié. L’amour d’amitié est la forme la plus parfaite de l’amour. Quelles sont les caractéristiques de l’amour d’amitié de Jésus ?
a. Avant tout il faut savoir que tout être humain a une dimension de son âme qui est incommunicable ; Dieu seul peut pénétrer certains sentiments et certains états spirituels profonds ; les autres personnes, y compris nos amis, ne peuvent pas nous accompagner dans ces états de l’âme dont parfois, il nous est, même à nous, difficile de parler. En Jésus-Christ, nous voyons parfaitement cette « solitude du cœur », surtout dans les moments de grandes souffrances. En quelque sorte, Jésus est seul avec son Père. Or cette dimension de notre âme, qui est la plus profonde, si elle est incommunicable ne doit pas pour autant nous pousser à rester seuls ou enfermés en nous-même. Nous sommes invités à nous laisser « découvrir » par le Père. Cette solitude ne peut pas rester ‘seule’, elle doit être partagée avec Dieu. Quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret. Ton Père qui voit dans le secret te le rendra (Mt 6, 16-18).
b. La qualité de l’amour d’amitié de Jésus se voit aussi dans sa relation avec les apôtres. Relation profonde et intime. Jésus reconnait les qualités et les mérites personnels de chacun de ses apôtres. Mais il connait aussi leurs limites, leurs défauts et leurs faiblesses et il touche leur cœur pour les convertir. Notre amitié doit être sincère et vraie, cela veut dire qu’il faut savoir reconnaitre dans l’autre ses talents, ses dons, mais aussi ne pas avoir peur de lui montrer ses fautes, de le corriger si nécessaire et de l’inviter à la conversion. Pour cela il ne doit pas exister de préjugés dans notre relation avec nos amis : l’amour se donne tout entier, pour le bien et pour le mal.
c. Jésus-Christ établit une hiérarchie dans l’amitié. Choisir signifie toujours donner de la hiérarchie aux personnes et aux choses. Mais son amour n’est jamais ni possessif ni empreint de favoritisme. Jésus accepte que Jean s’incline sur sa poitrine, mais c’est à Pierre qu’il donnera les clés du Royaume, celui qui l’avait renié trois fois. Quel critère pour nous au moment de choisir nos amis ?
d. Jésus n’est jamais jaloux de ses disciples, il ne se considère pas leur gérant, leur propriétaire. Face à leur abandon il ne se sent pas blessé. Bien au contraire, il a une extraordinaire capacité à aimer même s’il n’est pas aimé en retour, et il est surtout capable d’aimer même face à la haine et au mépris.
P. Silvio Moreno, IVE
[1] Je suivrais librement les lignes présentées par le P. Miguel Fuentes dans La madurez afectiva et sexual de Jésus de Nazaret, San Rafael, 2011.