TRANSFIGURATION-THABOR-CAREME

TRANSFIGURATION-THABOR-CAREME

La transfiguration de Christ en Carême

Malgré l’opinion de beaucoup d’exégètes qui ne croient pas à cette manifestation de Jésus, nous devons cependant, tout en affirmant sa vérité et sa possibilité, nous demander pourquoi une telle manifestation-transfiguration ?

L’annonce de la passion de Jésus et de sa mort prochaine avait plongé les apôtres dans la consternation. Malheureusement le lectionnaire dominical a coupé la phrase de Saint Luc, qui disait ceci : « Or, environ huit jours après cet entretien, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques… ». C’est un des rares cas où deux épisodes de la vie de Jésus sont relies chronologiquement. Huit jours plus tôt, il y avait eu une conversation inoubliable sur l’identité de Jésus et sur l’annonce par Jésus lui-même de sa mort prochaine. Tel est l’entretien qu’ils avaient dans le cœur.  

Or, le maitre sentit le besoin de relever leur courage, en offrant une vision anticipe de sa gloire à ceux d’entre eux dont l’influence prépondérante donnait pour ainsi dire le ton au collège apostolique. Il faut noter qu’il choisit ceux-là mêmes qui devaient être un jour les témoins de son agonie au Gethsémani : Pierre, son vicaire et le fondement de son Eglise ; Jacques, le premier des apôtres à lui rendre le témoignage du sang ; Jean, le confident de ses plus intimes pensées. Il les prit à l’écart, sur une haute montagne, où il avait résolu de passer la nuit en prières.

  Cette montagne, l’évangile ne la nomme pas et même si quelques-uns veulent y voir le grand mont Hermon, une tradition très ferme depuis les quatrième siècle a toujours désigné le mont Thabor. Saint Cyrille de Jérusalem et Saint Jérôme, qui tous deux habitaient la Palestine, se prononcent sans la moindre hésitation[1]. A partir de cette époque la tradition reste incorporée à la liturgie chrétienne. En effet, le Thabor est le point culminant de la Basse Galilée. Vu du fond de la vallée du Jourdain ou de la plaine d’Esdrelon, à l’extrémité de laquelle se détache sa courbe harmonieuse, il parait plus haut que nature. Son isolement, qui le fait distinguer des sommets voisins, est très bien marqué par les évangélistes. Il s’élève à environ 600 mètres au-dessus de la Méditerranée, et à près de 800 mètres au-dessus du lac de Tibériade.

Nicephore Calliste dit que sainte Helene y avait fait construire une église (Hist. Eccl, 8, 30). Au VIème siècle, l’anonyme de Plaisance vit trois églises sur le Thabor. Au siècle suivant, Arculphe y trouva un grand monastère (Adaman, De locis sanctis, 9, 27). Depuis lors, selon l’avis du Père Prat, la tradition n’a pas varié et il n’existe pas de tradition  rivale. Cette tradition est représentée aujourd’hui par la magnifique église que les Franciscains on fait élever au sommet du Thabor avec la crypte byzantine réalisée par A. Barluzzi. « En absence même de toute tradition, comment eut-elle manqué d’émouvoir les pèlerins, cette magnifique montagne dont la flore et les arbres également opulents contrastent singulièrement avec tous ses vastes alentours ? Aujourd’hui encore, quiconque la visite n’échappe pas aisément à son attirance »[2].

…Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent personne rien de ce qu’ils avaient vu.

Cette page de San Luc que l’église nous invite à méditer, décrit très sommairement la transfiguration même par rapport aux autres évangélistes, mais au même temps il en donne plusieurs détailles omis par les autres évangélistes : 1. Jésus gravit la montagne, sans autre désignation, pour y prier. 2. Moise et Elie entretiennent Jésus de sa passion prochaine. 3. Pendant ce temps les apôtres sommeillent.

Cela nous permet de nous arrêter donc à remarquer les « nuances » importantes, qui sont propres à Luc. Elles mettent en évidence les moyens que nous avons à notre disposition, à la suite de Jésus, pour transfigurer notre vie quotidienne, pour toucher nous aussi la grâce présente dans nos vies.        

1. La prière, lieu de transfiguration. C’est, en effet, une mention propre à Luc, répétée deux fois, dans une sorte d’insistance : Jésus… alla sur la montagne pour prier, et pendant qu’il priait son visage devint tout autre. Le récit de Luc semble vraiment construit pour nous dire que la théophanie qui va suivre est comme une réponse à la prière de Jésus. Jésus, lui, est vraiment « l’homme de la prière ». A chaque moment important de son existence, Jésus prie. Il y a un secret dans la personne de Jésus. Il vit dans une exceptionnelle intimité avec « son Père ». Bien sûr, la transfiguration de Jésus, sur le Thabor, ce jour-là, a dû être un phénomène absolument unique, mais l’indication de Luc nous est précieuse, car, pour nous aussi, pour tout chrétien, la prière, entendue comme dialogue confiant et intime avec Dieu notre Père, nous transforme en profondeur, nous soulève au-dessus de la monotonie banale du quotidien. Donc Luc nous encourage. Dans nos vies marquées par l’épreuve et l’échec, par la souffrance et le péché, la prière et le dialogue avec Dieu, peuvent aussi nous transformer vraiment.

2. L’épreuve, lieu de transfiguration. C’est le deuxième détail, important, propre de Saint Luc. Ils parlaient de son ‘exode’ qui allait se réaliser à Jérusalem. Si Jésus est l’homme de la prière, c’est aussi l’homme du sacrifice. Jésus il sait pourquoi il est venu, il sait où il va, il va vers le Père, il entre dans la gloire en passant par la mort. Le mystère pascal de Jésus est le résumé de ma propre vie chrétienne : je suis sur le chemin qui me conduit vers Dieu en passant par la mort. L’Eglise commence le carême, au jour des cendres en nous rappelant ce destin qui est le nôtre : « souviens-toi, homme que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière ! ». Mais la transfiguration transforme justement en perspective glorieuse cette destinée de l’homme. Pour nous, nos épreuves, nos sacrifices, nos petites ou grandes croix, deviennent des lieux de transfiguration. Combien d’homme et de femmes ont été soulevés au-dessus d’eux-mêmes, au-dessus de la médiocrité courante, par les souffrances qui auraient pu les détruire. C’est peut être paradoxal, mais ce qui transfigure en gloire éternelle la vie des chrétiens et des souffrants, c’est, à la suite de Jésus, le mystère de la Croix et de la Paque. Pour cela la foi en Jésus-Christ est d’un optimisme extraordinaire.

3. La tentation du sommeil.  Devant l’étonnante vision dont ils sont les témoins, les apôtres, une fois de plus, ne comprennent pas. Ils sont dans une sorte de clair-obscur, endormis-éveillés. A Gethsémani aussi, les trois mêmes dormiront. La transfiguration est un mystère et pour cela il faut demander la grâce de bien comprendre dans notre vie ce mystère afin de ne pas rester endormis et faire comme si rien ne se passe. Transfigurer le quotidien ! Transfigurer nos vie par la prière et la renonce ! Que ce ne soit pas un rêve. Quels moyens prendrai-je pour donner à mes journées une plus grande profondeur et infériorité ?

P. Silvio Moreno, IVE               

 

[1] S. Cyrille de Jérusalem, Catéchèse, 12, 16 (Migne, 32, 744) et S. Jérôme, Epist, 46, 12 et 108, 13 (Migne, 22, 491 et 889)

[2] Dalman, Les itinéraires de Jésus, Paris, 1930, p. 255.

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