REGLES DE DISCERNEMENT SAINT IGNACE (1 SEMAINE)

REGLES DE DISCERNEMENT SAINT IGNACE (1 SEMAINE)

REGLES DE DISCERNEMENT (1 SEMAINE)

Règles propres à faire discerner et sentir, en quelque manière, les divers mouvements excités dans l'âme, soit par le bon esprit, afin de les recevoir; soit par le mauvais, afin de les repousser. Elles conviennent particulièrement à la première semaine.

Première règle. A l'égard des personnes qui vont de péché mortel en péché mortel, la conduite ordinaire de l'ennemi est de leur proposer des plaisirs apparents, leur occupant l'imagination de jouissances et de voluptés sensuelles, afin de les retenir et de les plonger plus avant dans leurs vices et dans leurs péchés. Le bon esprit, au contraire, agit en elles d'une manière opposée: il aiguillonne et mord leur conscience, en leur faisant sentir les reproches de la raison.

Deuxième règle. Dans les personnes qui travaillent courageusement à se purifier de leurs péchés, et vont de bien en mieux dans le service de Dieu, notre Seigneur, le bon et le mauvais esprit opèrent en sens inverse de la règle précédente. Car c'est le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse et des tourments de conscience, d'élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d'arrêter leur progrès dans le chemin de la vertu; au contraire, c'est le propre du bon esprit de leur donner du courage et des forces, de les consoler, de leur faire répandre des larmes, de leur envoyer de bonnes inspirations, et de les établir dans le calme, leur facilitant la voie et levant devant elles tous les obstacles, afin qu'elles avancent de plus en plus dans le bien.

Troisième règle. De la consolation spirituelle. J'appelle consolation un mouvement intérieur qui est excité dans l'âme, par lequel elle commence à s'enflammer dans l'amour de son Créateur et Seigneur, et en vient à ne savoir plus aimer aucun objet créé sur la terre pour lui-même, mais uniquement dans le Créateur de toutes choses. La consolation fait encore répandre des larmes, qui portent à l'amour de son Seigneur l'âme touchée du regret de ses péchés, ou de la Passion de Jésus-Christ, notre Seigneur, ou de toute autre considération qui se rapporte directement à son service et à sa louange. Enfin, j'appelle consolation toute augmentation d'espérance, de foi et de charité, et toute joie intérieure qui appelle et attire l'âme aux choses célestes et au soin de son salut, la tranquillisant et la pacifiant dans son Créateur et Seigneur.

Quatrième règle. De la désolation spirituelle. J'appelle désolation le contraire de ce qui a été dit dans la troisième règle: les ténèbres et le trouble de l'âme, l'inclination aux choses basses et terrestres, les diverses agitations et tentations qui la portent à la défiance, et la laissent sans espérance et sans amour, triste, tiède, paresseuse, et comme séparée de son Créateur et Seigneur. Car comme la consolation est opposée à la désolation, les pensées que produit l'une sont nécessairement contraires à celles qui naissent de l'autre.

Cinquième règle. Il importe, au temps de la désolation, de ne faire aucun changement, mais de demeurer ferme et constant dans ses résolutions, et dans la détermination où l'on était avant la désolation, ou au temps même de la consolation. Car, comme c'est ordinairement le bon esprit qui nous guide et nous conseille dans la consolation, ainsi, dans la désolation, est-ce le mauvais esprit, sous l'inspiration duquel nous ne pouvons prendre un chemin qui nous conduise à une bonne fin.

Sixième règle. Quoique nous ne devions jamais changer nos résolutions au temps de la désolation, il est cependant très utile de nous changer courageusement nous-mêmes, je veux dire notre manière d'agir, et de la diriger tout entière contre les attaques de la désolation. Ainsi, il convient de donner plus de temps à la prière, de méditer avec plus d'attention, d'examiner plus sérieusement notre conscience, et de nous adonner davantage aux exercices convenables de pénitence.

Septième règle. Que celui qui est dans la désolation considère comment le Seigneur, pour l'éprouver, le laisse à ses puissances naturelles, afin qu'il résiste, comme de lui-même, aux diverses agitations et tentations de l'ennemi; car il le peut avec le secours divin qui lui reste toujours, quoiqu'il ne le sente pas, parce que le Seigneur lui a soustrait cette ferveur sensible, cet amour ardent, cette grâce puissante, ne lui laissant que la grâce ordinaire, mais suffisante pour le salut éternel.

Huitième règle. Que celui qui est dans la désolation travaille à se conserver dans la patience, vertu directement opposée aux attaques qui lui surviennent; et qu'il espère qu'il sera bientôt consolé, pourvu qu'il emploie comme nous l'avons dit dans la sixième règle, les moyens nécessaires pour vaincre la désolation.

Neuvième règle. La désolation a trois causes principales. Premièrement, elle peut être un châtiment. Notre tiédeur, notre paresse, notre négligence dans nos exercices de piété, éloignent de nous la consolation spirituelle. Secondement, elle est une épreuve. Dieu veut éprouver ce que nous pouvons, et jusqu'à quel point nous sommes capables de nous avancer dans son service et de travailler à sa gloire, privés de ces consolations abondantes et de ces faveurs spéciales. Troisièmement, elle est une leçon. Dieu veut nous donner la connaissance certaine, l'intelligence pratique et le sentiment intime qu'il ne dépend pas de nous de faire naître ou de conserver dans nos coeurs une dévotion tendre, un amour intense accompagné de larmes, ni aucune sorte de consolation spirituelle; mais que tout est un don et une grâce de sa divine bonté; il veut nous apprendre à ne pas placer trop haut notre demeure, en permettant à notre esprit de s'élever et de se laisser aller à quelque mouvement d'orgueil ou de vaine gloire, nous attribuant à nous-mêmes les sentiments de la dévotion et les autres effets de la consolation spirituelle.

Dixième règle. Que celui qui est dans la consolation pense comment il se comportera au temps de la désolation, et qu'il fasse dès lors provision de courage pour le moment de l'épreuve.

Onzième règle. Qu'il s'efforce aussi de s'humilier et de s'abaisser autant qu'il lui est possible, pensant de combien peu de chose il est capable au temps de la désolation, lorsqu'il est privé de la grâce sensible ou de la consolation. Au contraire, celui qui est dans la désolation se rappellera qu'il peut beaucoup avec la grâce, qu'elle lui suffit pour résister à tous ses ennemis, pourvu qu'il s'appuie sur le secours de son Créateur et Seigneur.

Douzième règle. Notre ennemi ressemble à une femme: il en a la faiblesse et l'opiniâtreté. C'est le propre d'une femme, lorsqu'elle se dispute avec un homme, de perdre courage et de prendre la fuite aussitôt que celui-ci lui montre un visage ferme; l'homme, au contraire, commence-t-il à craindre et à reculer, la colère, la vengeance et la férocité de cette femme s'accroissent et n'ont plus de mesure. De même, c'est le propre de l'ennemi de faiblir, de perdre courage et de prendre la fuite avec ses tentations, quand la personne qui s'exerce aux choses spirituelles montre beaucoup de fermeté contre le tentateur, et fait diamétralement le contraire de ce qui lui est suggéré. Au contraire, si la personne qui est tentée commence à craindre et à supporter l'attaque avec moins de courage, il n'est pas de bête féroce sur la terre dont la cruauté égale la malice infernale avec laquelle cet ennemi de la nature humaine s'attache à poursuivre ses perfides desseins.

Treizième règle. Sa conduite est encore celle d'un séducteur: il demande le secret et ne redoute rien tant que d'être découvert. Un séducteur qui sollicite la fille d'un père honnête, ou la femme d'un homme d'honneur, veut que ses discours et ses insinuations restent secrets. Il craint vivement, au contraire, que la fille ne découvre à son père, ou la femme à son mari, ses paroles trompeuses et son intention perverse; il comprend facilement qu'il ne pourrait alors réussir dans ses coupables desseins. De même, quand l'ennemi de la nature humaine veut tromper une âme juste par ses ruses et ses artifices, il désire, il veut qu'elle l'écoute et qu'elle garde le secret. Mais si cette âme découvre tout à un confesseur éclairé, ou à une autre personne spirituelle qui connaisse les tromperies et les ruses de l'ennemi, il en reçoit un grand déplaisir; car il sait que toute sa malice demeurera impuissante, du moment où ses tentatives seront découvertes et mises au grand jour.

Quatorzième règle. Enfin, il imite un capitaine qui veut emporter une place où il espère faire un riche butin. Il asseoit son camp, il considère les forces et la disposition de cette place, et il l'attaque du côté le plus faible. Il en est ainsi de l'ennemi de la nature humaine. Il rôde sans cesse autour de nous; il examine de toutes parts chacune de nos vertus théologales, cardinales et morales, et, lorsqu'il a découvert en nous l'endroit le plus faible et le moins pourvu des armes du salut, c'est par là qu'il nous attaque et qu'il tâche de remporter sur nous une pleine victoire.

 

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