Définition
Le 1er novembre 1950, par la constitution apostolique Munificentissimus Deus, Pie XII proclame : « Alors, puisque l'Église universelle, en laquelle vit l'Esprit de Vérité, cet Esprit qui la dirige infailliblement pour parfaire la connaissance des vérités révélées, a manifesté de multiples façons sa foi au cours des siècles, et puisque les Évêques du monde entier, d'un sentiment presque unanime, demandent que soit définie, comme dogme de foi divine et catholique, la vérité de l'Assomption au Ciel de la Bienheureuse Vierge Marie - vérité qui s'appuie sur les Saintes Lettres et ancrée profondément dans l'âme des fidèles, approuvée depuis la plus haute antiquité par le culte de l'Église, en parfait accord avec les autres vérités révélées, démontrée et expliquée par l'étude, la science et la sagesse des théologiens - nous pensons que le moment, fixé par le dessein de Dieu dans sa Providence, est maintenant arrivé où nous devons déclarer solennellement cet insigne privilège de la Vierge Marie.
… Nous proclamons, déclarons et définissons que c'est un dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste »[1].
Mort ou dormition ?
Or, l’assomption de Marie ne pose pas de problèmes dans un point de vue théologique, puisque c’est en quelque sorte l’imitation de son Fils. Mais est-il possible que Marie de Nazareth ait vécu dans sa chair le drame de la mort ? Peut-on dire que Marie s’endormie ?
Dans une des catéchèses sur la Vierge Marie, Saint Jean Paul II explique que en réfléchissant sur le sort de Marie et de sa relation avec son divin Fils, il semble légitime de répondre affirmativement à la question de la mort de Marie: puisque le est mort, il serait difficile de prétendre le contraire pour la mère. C'est dans ce sens qu'ont réfléchit les Pères de l'Église, qui n'avait aucun doute à ce sujet.
« Il est vrai, écrit Saint Jean Paul II, que la mort est présentée dans l'Apocalypse comme une punition pour le péché. Toutefois, le fait que l'Église proclame Marie libérée du péché originel par un privilège singulier divin ne conduit pas à la conclusion qu'elle a également reçu l'immortalité physique.
La Mère n'est pas supérieure au Fils qui a assumé la mort en lui donnant un sens nouveau et de la transformant en instrument de salut. Impliquée dans l'œuvre de rédemption et associée à l'offrande du Christ, Marie a pu partager la souffrance et la mort en vue de la rédemption de l'humanité. À elle s'applique également ce que Sévère d'Antioche dit à propos du Christ: « Sans une mort préliminaire, comment la résurrection pourrait-elle avoir lieu? » (Sévère d'Antioche, Antijulianistica, Beyrouth 1931, 194s). Pour participer à la résurrection du Christ, Marie devait d'abord en partager la mort.
Le Nouveau Testament ne fournit aucune information sur les circonstances de la mort de Marie. Ce silence laisse supposer qu'il est arrivé naturellement, sans aucun détail particulièrement remarquable. Si ce n'était pas le cas, comment la nouvelle aurait-elle put être cachée de ses contemporains et de ne pas parvenir, d'une façon ou d'une autre, jusqu'à nous ? »[2].
Donc nous pourrions parler alors de dormition si le sens de ce terme « Dormition » exprime la vérité selon laquelle la Vierge est morte sans souffrir, dans un état de paix spirituelle, selon l’avis de Saint François de Sales.
Origine de la célébration[3]
Deux questions corrélatives pouvons-nous aborder maintenant : quelle est l’origine de la fête de l’Assomption et à quelle époque est-elle apparue ?
Simon Mimouni dans son étude sur la Dormition et assomption de Marie nous explique pour répondre à ces questions il faut tenir compte des sources liturgiques, homilétiques et hymnologiques des premiers siècles.
Tout d’abord il faut rappeler que dans certains études a été déjà démontré que la fête de l’Assomption trouve son origine de la fête de la mémoire de Marie célébrée à Jérusalem. La première a succédé à la seconde, lui subtilisant même la date de commémoration. On reviendra un peu plus en détail sur la question.
En ce qui concerne les sources liturgiques le lectionnaire géorgien de Jérusalem[4] est le document liturgique le plus ancien, témoignant en faveur de la fête de l’Assomption de Marie au 15 aout.
Par rapport aux sources homilétiques sur l’assomption de Marie relevant l’aire palestinienne sont celles de Theoteknos de Livias (est une ville de la Transjordanie dépendant du patriarcat de Jérusalem), de Modeste de Jérusalem, d’André de Crète et de Saint Jean Damas. Ces pièces sont dans l’ensemble à faveur de l’assomption.
A la fin de VIème siècle l’Eglise de Palestine célébrait, en honneur du sort final de Marie, une commémoration intitulée généralement fête de la dormition et plus rarement de l’assomption.
Il est difficile de pouvoir retrouver exactement les origines de la fête de l’assomption parce que les éléments qui en parlent sont quasiment inexistants pour les siècles VI et VII et cela pour une raison particulière : étant donné que cette célébration est apparue vers la fin de VIème siècle, donc au seuil de la conquête de Jérusalem par les Perses en 614, il n’est pas étonnant que la documentation la concernant ait totalement disparue.
On peut cependant dégager quelques éléments important :
- à l’origine de la fête de la dormition et de l’assomption on trouve la fête de la mémoire de Marie.
- Contrairement à la commémoration de la fête de la Mémoire, celle de la fête de la dormition et assomption est unanimement attestée au 15 aout.
- En tant qu’hypothèse semble que la fête est apparue dans des milieux monophysites. Et la festivité fut ensuite récupérée par des milieux chalcédoniens, probablement dans la seconde moitié du VIème siècle ou au debout du VIIème siècle.
- Lors de sa création, il est vraisemblable que la fête de la dormition et de l’assomption n’était pas une commémoration importante. Les origines de cette fête sont assez obscures. Elle était, en Palestine, célébrée le 15 août dès avant l'an 500. Les Égyptiens la célébraient aussi, mais le 18 janvier. L'observance du 18 janvier passa d'Égypte en Gaule au Vème siècle. Parmi les Grecs, les uns suivaient l'usage palestinien, les autres l'usage égyptien. S. Grégoire de Tours est le premier témoin de la fête de l'Assomption en Occident[5], où elle était célébrée primitivement en janvier. Le missel de Bobbio et le sacramentaire gallican indiquent la date du 18 janvier. Elle ne devient populaire qu’après que l’empereur Maurice (582-602) eut fixe la date au 15 aout[6]. Pourtant, il fallut attendre le VIIIème siècle pour voir la consécration de la fête par les grandes homélies d’André de Crète, de Jean de Damas et de Germain de Constantinople.
- Au XIIIème siècle, à Constantinople, l’empereur Andronic II (1282-1328) consacra tout le mois d’aout à la Vierge Marie. L’ordonnance doit être du 31 juillet, date de la déposition du vêtement de Marie à l’Eglise de Blachernes.
- Finalement à Jérusalem le 15 aout était le jour où l’on célébrait la fête de la Mémoire de la Théotokos d’abord à l’église de Gethsémani, ensuite à l’église du Kathisma. Elle commémorait la tradition de la maison de Marie, autrement dit, elle historicisait le lieu où Marie a vécu. Lors du passage de la fête de la Mémoire à la fête de la Dormition, cette dernière a conservé la date, tandis que la fête de la Mémoire par contre a été renvoyée au 13 aout. Cette fête de la Dormition fut toujours célébrée à l’église de Gethsémani, et elle célébrait la tradition du tombeau de Marie, autrement dit, elle historicisait le lieu où Marie fut ensevelie.
Il est intéressant de transcrire ce qui disait Dom Guéranger dans son année liturgique bien avant la proclamation du dogme de l’assomption de Marie : « Au XIII° siècle, les deux princes de la théologie, saint Thomas et saint Bonaventure, s'accordaient pour souscrire au sentiment redevenu général de leur temps, touchant la croyance à la résurrection anticipée de Notre-Dame. Bientôt cette croyance s'imposait, par le fait de son universalité, comme la doctrine même de l'Eglise ; dès l'année 1497, la Sorbonne déniait la liberté de se produire aux propositions qui s'élevaient à l'encontre, et les frappait de ses plus dures censures. En 1870, le concile du Vatican, trop tôt suspendu, ne put donner suite au vœu instamment exprimé alors d'une définition qui eût achevé la glorieuse couronne de lumière, œuvre des siècles, hommage de l'Eglise militante à la Reine des cieux. Mais la proclamation de la Conception immaculée, qui reste acquise à notre temps, encourage nos espérances pour l'avenir. L'Assomption corporelle de la divine Mère se présente désormais comme le corollaire dogmatique, immédiat, d'un dogme révélé : Marie, n'ayant rien connu du péché d'origine, n'a contracté nulle dette avec la mort son châtiment ; c'est librement que, pour se conformer à son Fils, elle a voulu mourir ; et, de même que le saint de Dieu, la sainte de son Christ n'a pu connaître la corruption du tombeau »[7].
Signification de la fête
Il y a eu au cours des siècles de très belles homélies sur la dormition et l’assomption de Marie. Donc en me faisant écho de ses enseignements je voudrais juste vous proposer trois idées qui nous aident à concrétiser dans notre vie chrétienne cette vérité de foi divine et catholique[8].
Tout d’abord l’assomption de Marie au ciel nous rappel la :
1- Dignité de notre corps : le premier message de cette grande fête mariale est de nous rappeler que notre corps est destiné lui aussi à la gloire de la résurrection. Notre corps est appelé lui aussi à se laisser envelopper de la resplendissante lumière de la vie divine. E nous devons préparer notre corps pour ce merveilleux destin. Mais, par contre, nous assistons, aujourd’hui spécialement, à une défiguration du corps, une prostitution du corps, à un effacement de l’empreinte de Dieu dans le corps. Aujourd’hui le corps devient objet de violence, d’agressivité, de passion sexuelle, de désir égoïste, de manipulation personnelle. L’indécence dans les habits, les tatouages, et la provocation corporelle continuelle en font tomber sa dignité. Dans ce sens la fête de la glorification du corps de Marie nous pousse à récupérer la dignité perdue du corps humain. Le corps humain doit être l’image du vrai amour de Dieu.
2- La pensée du Paradis comme destinée de l’homme: lorsque l’homme ne pense plus au Paradis, il transforme la terre en un enfer. Saint Philipe Néri répété souvent : « je préfère le Paradis ». Cette fête nous aide à regarder vers le haut, vers le ciel, notre demeure éternelle. Nous le voyons et nous le constatons notre monde devient malheureux parce qu’il a perdu le nord de son chemin : le Paradis. Inutile devient mes frères de nier la réalité du Paradis. Qui vit sa vie sans savoir qu’il y aura un paradis ou un enfer après cette vie selon ses ouvres et ses comportements, ne trouvera jamais le sens de la vie, ne sera jamais heureux. Voilà pourquoi cette fête de l’élévation de Marie nous confirme encore une fois la vérité du magnificat : Dieu renverse les puissants, disperse les superbes, renvoi les riches les mains vides, mais Il élève les humbles et comble de biens les affamés… Certes, Dieu élève les humbles au ciel… la Vierge Marie en est la preuve.
3- L’Esperance chrétienne : conséquence de la vérité de l’existence du Paradis, vivre dans cette vie avec l’espérance de la vie éternelle… « Nous, écrivait Saint Pierre, nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera » (2 P 3-13). A Lourdes, en février 1858, la Vierge Marie dit à Bernadette : « Je ne te promets pas de te faire heureuse dans cette vie, mais plutôt dans l’autre ». Quelques années plus tard au milieu des douleurs et des souffrances Bernadette confesse : « Notre Dame a accompli la première partie de sa promesse, mais je suis certaine qu’elle en accomplira la deuxième partie ». Oui, vivons avec l’espérance de la vie éternelle. Que personne ne nous vole l’espérance d’une vie heureuse avec Notre Dame et son Fils bien aimé. « Mais il est une chose que vous ne devez pas ignorer, c’est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour. Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2 P 3, 8-9).
P. Silvio Moreno, IVE
[1] Extrait de la Constitution Apostolique de Pie XII « Munificentissimus Deus », § 41 à 47 (sur 47 §).
[2] Cf. Jean Paul II, audience générale du Mercredi 25 juin 1997, trad. fr. Christus.
[3] Cf. Simon Claude Mimouni, Dormition et assomption de Marie : histoire des traditions anciennes, Beauchesne, coll. « Théologie historique », 1997, p. 438ss. Ici nous présentons un résumé de ce travail scientifique et très bien documenté sur l’origine de la fête de la Dormition et de l’Assomption.
[4] Le lectionnaire géorgien de Jérusalem est la traduction d’un lectionnaire grec hiérosolymitain aujourd’hui disparue. Il s’agit d’un texte indiquant les lectures, prières, dates et lieux de célébrations des fêtes liturgiques. Il est donc un témoin de la liturgie hiérosolymitaine du milieu du Vème siècle à la fin de VIIème siècle.
[5] Cf. De gloria martyrum, Miracula I, 4 et 9- PL 71, 708 et 713.
[6] Cf. Nicéphore Calliste, Hist. Eccles., 1.XVII, c. 28- PG, 147, 292.
[7] Cf. Dom Guéranger, l’année liturgique : assomption de la Vierge Marie.
[8] P. Silvio Moreno, homélie dans la fête de l’Assomption de Marie, le 15 aout 2015 dans la Val de Sousa.