CELEBRER LA TOUSSAINT

CELEBRER LA TOUSSAINT
1 Novembre
Fête de la Toussaint[1]
Origine et signification   

La Toussaint est une fête catholique, célébrée le 1er novembre, au cours de laquelle l’Eglise catholique honore tous les saints, connus et inconnus. La Toussaint précède d’un jour la commémoration des fidèles défunts, dont la solennité a été officiellement fixée au 2 novembre, deux siècles après la création de la Toussaint[2].

Origine : Les fêtes des martyrs

Après la transformation du Panthéon de Rome en sanctuaire, le pape Boniface IV le consacra, le 13 mai 610, sous le nom de l’église Sainte-Marie-et-des-martyrs. Boniface IV voulait ainsi faire mémoire de tous les martyrs chrétiens dont les corps étaient honorés dans ce sanctuaire. La fête de la Toussaint fut alors fêtée le 13 mai, date anniversaire de la dédicace de cette église consacrée aux martyrs, peut-être en référence à une fête célébrée par l'Eglise de Syrie au IVème siècle. Elle remplaçait la fête des « Lemuria » de la Rome antique célébrée à cette date pour conjurer les spectres malfaisants[3].

Lémure

La mythologie romaine assimile les lémures aux âmes damnées d’hommes et de femmes ne pouvant trouver le repos car ils ont connu une mort tragique ou particulièrement violente. Ils viennent souvent hanter les demeures des vivants. Pour les mettre en fuite (car leur révocation n’est pas possible), le peuple romain célébrait la fête dite de Lemuria les 9, 11 et 13 mai. Des fèves noires étaient ainsi jetées par-dessus l’épaule gauche de chaque père de famille dans chaque foyer. Les croyances rapportent que les fèves représentent la nourriture des morts. Cette pratique vise à apaiser d'éventuelles apparitions pour épargner les vivants. Ensuite afin de précipiter leur déroute on frappait de grands vases d’airain toute la nuit durant[4].

Fixation au 1er novembre

C’est peut-être à partir du VIIIème siècle qu’elle est fêtée le 1er novembre, lorsque le pape Grégoire III dédicace, en l’honneur de tous les saints, une chapelle de la basilique Saint-Pierre de Rome.

Vers 837, le pape Grégorien IV ordonne que cette fête soit célébrée dans le monde entier. Pour certains, c’est à l’occasion de cette décision, prise en 835, que la fête de la Toussaint est fixée au 1er novembre. Jacques de Voragine nous raconte : « Plus tard, encore, un pape nommé Grégoire    transporta au 1er novembre la date de la fête anniversaire de cette consécration: car à cette fête les fidèles venaient en foule, pour rendre hommage aux saints martyrs, et le pape jugea meilleur que la fête fut célébrée à un moment de l'année où les vendanges et les moissons étaient faites, les pèlerins pouvaient plus facilement trouver à se nourrir ». Sur le conseil de Grégorien IV, l’empereur Louis le Pieux institua la fête de tous les saints sur tout le territoire de l’empire carolingien.

Philippe Walter établit un lien entre cette fête et la commémoration des morts (lendemain de la Toussaint, le 2 novembre) et la fête celtique de Samain, dans le sens d’une christianisation des fêtes païennes [5]

Samain

Dans la mythologie celtique irlandaise, Samain, est la fête religieuse qui célèbre le début de la saison « sombre » de l’année celtique (pour les Celtes, l’année était composée de deux saisons : une saison sombre et une saison claire). C’est une fête de transition — le passage d’une année à l'autre — et d’ouverture vers l’Autre Monde, celui des dieux. Elle est mentionnée dans de nombreux récits épiques irlandais car, de par sa définition, elle est propice aux événements magiques et mythiques.

Les moines irlandais qui ont mis par écrit les coutumes celtiques, à partir du VIIIème siècle, ont précisé que le jour de Samain est (selon notre calendrier moderne) le 1er novembre. La fête elle-même dure en fait une semaine pleine, trois jours avant, et trois jours après. Pour les Celtes, cette période est entre parenthèses dans l’année : elle n’appartient ni à celle qui s’achève ni à celle qui va commencer ; c’est une durée autonome, hors du temps, un intervalle de non-temps[6]. Le nom de Samain signifie « réunion », c’est une fête obligatoire de toute la société celtique qui donne lieu à des assemblées et des banquets rituels. La notion de passage se retrouve aussi à ce moment, entre le monde des humains et l’Autre Monde résidence des dieux.

La fête de Samain connaîtra plusieurs métamorphoses au cours des siècles, jusqu'à la fête d'Halloween qui en reprend plusieurs caractéristiques[7].

Continuité en Bretagne

Nadine Cretin relate une croyance bretonne qui aurait duré jusqu'au début du XXème siècle, où les âmes des morts revenaient la nuit à la veille de la Toussaint et lors des nuits de solstice. Avant d'aller se coucher, on leur laissait de la nourriture sur la table et une bûche allumée dans la cheminée pour qu'ils puissent se chauffer[8]. Cette croyance, serait une survivance de la fête de Samain, tout comme la fête de Halloween.

Signification de la Fête catholique

Comme son nom l’indique, la Toussaint est la fête de tous les saints. Chaque 1er novembre, l’Église honore ainsi la foule innombrable de ceux et celles qui ont été de vivants et lumineux témoins du Christ.

Si un certain nombre d’entre eux ont été officiellement reconnus, à l’issue d’une procédure dite de «canonisation», et nous sont donnés en modèles, l’Eglise sait bien que beaucoup d’autres ont également vécu dans la fidélité à l’Evangile et au service de tous. C’est bien pourquoi, en ce jour de la Toussaint, les chrétiens célèbrent tous les saints, connus ou inconnus. Cette fête est donc aussi l’occasion de rappeler que tous les hommes sont appelés à la sainteté, par des chemins différents, parfois surprenants ou inattendus, mais tous accessibles.

La sainteté n’est pas une voie réservée à une élite: elle concerne tous ceux et celles qui choisissent de mettre leurs pas dans ceux du Christ. Particulièrement le saint pape Jean-Paul II nous l’a fait comprendre en béatifiant et canonisant un grand nombre de personnes, parmi lesquelles des figures aussi différentes que le Père Maximilien Kolbe, Edith Stein, Padre Pio, Gianne Beretta Molla, ou Mère Térésa…

La vie de ces saints constitue une véritable catéchèse, vivante et proche de nous. Elle nous montre l’actualité de la Bonne nouvelle et la présence agissante de l’Esprit Saint parmi les hommes. Témoins de l’amour de Dieu, ces hommes et ces femmes nous sont proches aussi par leur cheminement – ils ne sont pas devenus saints du jour au lendemain -, par leurs doutes, leurs questionnements… en un mot : leur humanité.

Qu’est-ce que la sainteté ?

Le texte des Béatitudes, qui est l’Evangile lu au cours de la messe de la Toussaint, nous dit à sa manière, que la sainteté est accueil de la Parole de Dieu, fidélité et confiance en Lui, bonté, justice, amour, pardon et paix.

« Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait: 

Heureux les pauvres de coeur: le Royaume des cieux est à eux ! 

Heureux les doux: ils obtiendront la terre promise !

Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés !

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés !

Heureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde !

Heureux les cœurs purs: ils verront Dieu !

Heureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu !

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux !

Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux !» » (Matthieu 5, 1-12a).

 


[1] Conférence aux jeunes à l’occasion de la célébration de la Toussaint à la Cathédrale de Tunis, le 1 novembre 2014.

[2] Théo, encyclopédie catholique pour tous,  éd. Mame, p. 1032.

[3] Jean-Hugues Déchaux, Le Souvenir Des Morts, PUF,‎ 1997, p. 38.

[4] Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Larousse références, 1995.

[5]Cf. http://blogs.mediapart.fr/edition/comment-faire-societe/article/311010. 

[6] Cf. Claude Sterckx, Mythologie du monde celte, Paris, Marabout,‎ 2009, p. 142.

[7] Cf. Robert Féry, Jours de fêtes: Histoire des célébrations chrétiennes, Seuil,‎ 2009, p. 108-109.

[8] Cf. Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de Liturgie, 3 édition 1997, Editions CLD. Dictionnaire en ligne.

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