Jésus et Simon – Pierre
Au lac de Génésareth
En ce temps-là, la foule se pressait autour de Jésus pour écouter la parole de Dieu, tandis qu’il se tenait au bord du lac de Génésareth. Il vit deux barques qui se trouvaient au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques qui appartenait à Simon, et lui demanda de s’écarter un peu du rivage. Puis il s’assit et, de la barque, il enseignait les foules. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche ». Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets». Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Ils firent signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu’elles enfonçaient. A cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur». En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras». Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. (Lc 5, 1-11)
Le lac de Tibériade ou Génésareth, avec sa ceinture de collines, fut le principal théâtre de la prédication du royaume de Dieu, c’est aussi dans cet horizon que s’accomplirent la plupart des miracles narrés dans l’Evangile. Le lac a 21 kilomètre de longueur, 12 kilomètres de largeur maxima et une soixantaine de kilomètres de pourtour. Sa superficie est environ 170 kilomètres carrés.
L’air y était plus pur que partout ailleurs, les eaux plus limpides, le climat plus salubre. Les arbres fruitiers de tous les pays s’y donnaient rendez-vous. Aujourd’hui cette splendeur n’est plus. Une seule ville, Tibériade, subsiste encore, avec quelques misérables hameaux. Le vandalisme et l’incurie des hommes n’ont pas réussi à tuer le charme de cette nature privilégiée. Le lac au gracieux ovale, où les Hébreux croyaient voir l’image d’une harpe, ce qui lui aurait fait donner le nom de Kinnéreth, reflète toujours le même ciel lumineux. « L’eau du lac est ordinairement d’un très beau bleu. Pendant les orages, j’ai vu quelques fois ces eaux devenir d’un violet foncé. Le soir elles reflètent admirablement le ciel et sont d’un bleu saphir éclatant… Presque partout le rivage est bordé de magnifiques touffes de lauriers roses, qui forment d’énormes buissons, couverts de myriades de fleurs. Rien n’est riant comme cette ceinture rose qui se reflète dans les eaux bleues et transparentes et se projette sur l’azur de ce beau ciel » (Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, 1882, t.I, p. 210-212).
Le lac de Tibériade est extrêmement poissonneux. On voit parfois des bancs de poissons nager à la surface en masses compactes.
Le pèlerin peut en jouir comme le touriste, sans oublier toutefois qu’il ne vient pas chercher ici le gracieux et le pittoresque du paysage, mais la trace des pas du Maitre adoré, dont chaque pli de terrain, chaque baie du rivage, lui remet en mémoire les miracles et les enseignements. Tout, sur le lac et le long du rivage, nous rappelle les bienfaits du Seigneur. Il ne faut oublier que les deux tiers des miracles évangéliques eurent pour théâtre cet horizon béni.
La lecture de saint Luc nous offre un récit complexe, réunissant plusieurs éléments : a. Jésus prêchant à la foule la Parole de Dieu ; b. La pêche miraculeuse ; c. La vocation de Simon à une pêche d’hommes et non plus de poissons, son métier ; d. La décision de Simon, Jacques et Jean : ils se mettent à suivre Jésus.
La séquence adoptée par saint Luc est sans doute destinée à montrer comment une personne devient un disciple et un apôtre. Jésus fait accomplir à Pierre ce parcours en lui adressant trois appels, cela montre aussi son rôle de primat des apôtres :
– L’appel à mettre sa barque à sa disposition et à s’éloigner “un peu” du rivage. Notons deux détails: deux barques sont disponibles. Jésus monte dans celle de Simon. De là Jésus prêche la Parole de Dieu. L’élection de Jésus est toujours personnelle et de prédilection pour chacun de nous. Il nous demande de lui offrir la petite barque de notre vie, de toute notre personne, et c’est de cette barque qu’il veut prêcher la Parole de Dieu aujourd’hui à ceux qui sont en contact avec nous.
– L’appel à jeter les filets, “au large”, malgré l’échec de la nuit précédente. C’est à Simon que Jésus donne l’ordre de pêcher. C’est Simon-Pierre qui malgré sa professionnalité, fatigué, découragé et sachant très bien qu’on ne pêche pas le jour, fait quand même ‘confiance’ au Seigneur et accepte de lancer ses filets : «Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ton ordre je vais jeter les filets». C’est Simon-Pierre qui reconnaît le miracle et confesse son péché. Avancer, c’est prendre des risques. Avancer, c’est aussi se donner de la profondeur. Avancer en profondeur, c’est refuser de vivre une foi superficielle qui ne touche que ce qui est secondaire dans notre vie, une foi pour faire la fête, pour retrouver les objets perdus ou la foi bouée de secours quand les autres solutions ont été explorées. Donner à sa foi de la profondeur, c’est la vivre comme une amitié réelle avec Jésus, c’est la nourrir de la Parole de Dieu et des sacrements. C’est faire l’effort de la vivre au quotidien. Avoir l’audace et le courage de croire, malgré mon opinion décourageante, qu’elle peut changer mon cœur, mes comportements, mes pensées et mes habitudes.
– L’appel à une tâche évoquée en mots énigmatiques: prendre des hommes au filet. C’est à Simon que Jésus annonce la mission future. Alors Pierre, ainsi que les deux autres, comprennent qu’à partir de cette heure, ils n’ont rien d’autre à faire que de suivre Jésus. Christ nous invite à inviter au même temps les autres, les aider à faire l’expérience de confier en lui, de prendre le curage d’oser la foi.
P. Silvio Moreno, IVE