GNOSTICISME CHRETIEN

GNOSTICISME CHRETIEN
1. Un problème grave

Un troisième problème des chrétiens, est la pensée malheureusement toujours actuelle et très répandue de la gnose dite « chrétienne » c’est-à-dire la « guide » de la pensée progressiste de beaucoup de théologiens et de laïques.  

Le gnosticisme fut autre fois probablement l’hérésie la plus dangereuse qui ait menacé l’Eglise pendant les trois premiers siècles. Influencé par des philosophes tels que Platon, le gnosticisme est fondé sur de fausses théories. Le gnosticisme vient du mot grec « gnosis » qui signifie « savoir ».

La gnose répondait sans doute à un désir profond de connaître le sens des choses cachées. Elle succombait à la tentation d’y arriver par soi-même, par la raison et l’imaginaire, et de limiter cette connaissance ésotérique à un cercle d’initiés. Elle était marquée par les conceptions dualistes – corps, esprit – de certaines philosophies, peut-être aussi par un anti-judaïsme. Elle utilisait la Révélation, interprétée de façon très partiale, et les formules familières du Credo chrétien, pour justifier une doctrine contraire à la foi.  

Aujourd’hui elle a changé plus ou moins son visage, mais au fond il s’agit encore de l’effort d’expliquer toute la réalité (Dieu, l’homme et le monde) d’une façon rationnelle, c’est-à-dire à la mesure de l’homme.

Elle se présente d’une part ouvertement : c’est la pensée qui se déclare explicitement contraire à l’enseignement de l’Eglise (par exemple l’hérésie). D’autre par elle se présente de façon cachée : elle est bien plus grave que l’antérieure. Elle va toujours contre l’enseignement de l’Église, mais elle veut vivre dans l’Eglise (c’est la façon de penser de beaucoup de théologiens). Elle très dangereuse parce que la façon simple de se présenter attire les intelligences les plus faibles et les moins formées.      

Avec beaucoup de raison Saint Jean Paul II avait dit : « Sous d’autres formes, qui oserait dire que la tentation gnostique n’est plus un obstacle pour l’Eglise? L’essai d’interprétation du christianisme par des philosophes comme Hegel était bien une façon de vider la foi chrétienne de sa substance, en interprétant le dépouillement du Fils de Dieu comme la perte de l’identité de Dieu, et l’annulation de l’abîme entre Dieu et sa créature. Aujourd’hui aussi, il existe, de façon diffuse, chez certains chrétiens, la tentation de faire une lecture de la Bible commandée par des présupposés étrangers à la foi, de plier la foi, à un système construit en dehors d’elle, tout en conservant les formules familières de la Bible ou de la doctrine chrétienne à l’appui de ces courants d’idées hétérogènes. Le devoir du théologien est d’éviter ce genre de substitution ruineuse, de veiller à l’authenticité… »[1].

2. Que pouvons-nous dire de la gnose cachée ?[2]

1. Elle est pire que l’hérésie parce qu’elle se produit à l’intérieur de la foi et elle ne cherche pas à sortir du peuple de Dieu.

2. Le gnostique ne se sent jamais coupable, bien au contraire il pense être le chrétien mieux formé, le plus fidele à l’évangile et le plus capable d’expliquer la doctrine de la foi aux hommes de aujourd’hui.

3. Il cherche à s’excuser. Son raisonnement est toujours le même : il n’a pas voulu dire ce qu’on lui reproche, ou bien ce qu’il a dit ne touche pas l’essentiel du christianisme.

4. Il ne se présente pas comme une rupture, mais plutôt comme un glissement progressif.

5. Lorsqu’il attaque le magistère ne le fait pas pour nier son existence, mais seulement pour détruire le critère de foi qui lui dérange.

6. C’est une réalité parachretienne disait Saint Jean Paul II, c’est-à-dire elle a besoin de la foi pour vivre au même temps qu’elle essaye de la détruire. C’est un parasite. Voila pourquoi elle se présente comme compatible avec la foi et comme l’unique possibilité pour sauver la foi dans le monde actuel.

7. Fait confusion entre changement et fracture : pré-concile et post-concile. Pluralisme et ouverture ce sont ses armoiries.

8. Elle est intolérante. Son ennemi déclaré est le Magistère de l’Eglise qui l’empêche de s’infiltrer dans la foi. Pour cela elle se présente comme promotrice de la liberté. Ainsi elle déclare sa volonté de s’harmoniser avec la modernité et au même temps elle propose l’ouverture sans savoir s’il s’agit de faire un peu d’aire ou bien provoquer une hémorragie.

9. Finalement la gnose occupe tout le terrain possible. Elle a ses propres dogmes et ne supporte pas qu’ils soient remit en question. Elle applique à ceux qui ne pensent pas comme elle la barrière du silence.

3. Dans quelle mesure le Gnosticisme de l’Antiquité et la nébuleuse du gnosticisme progressiste d’aujourd’hui se rejoignent-ils?

Plus particulièrement, comment se définissent-ils par rapport au Christianisme, dont ils tâchent d’emprunter, d’absorber des éléments tout en s’en détachant radicalement?  Je tâcherai de dégager ce qui me semble être les traits communs les plus saillants du gnosticisme antique et moderne[3].

- Tous deux sont des courants très larges, des nébuleuses de mouvements comprenant de grandes variations entre eux, mais centrés sur quelques idées, les  principales étant sans doute celles-ci: la connaissance de Dieu est la connaissance de soi-même, celle-ci menant à la prise de conscience de la divinité du soi-même. Cette prise de conscience est en fait le dévoilement d’une condition originelle oubliée, oubli provoqué d’une manière ou d’une autre par la matérialité du monde, dont il convient de se dégager. 

- Tous deux sont marqués par un fort syncrétisme, recherchant l’union d’éléments religieux orientaux et occidentaux, pour aboutir à une religion culturellement globalisée.

- La spiritualisation et l’allégorisation des récits bibliques empruntés par la cause gnostique va de pair avec une tendance très poussée à déhistoriser, à  désincarner.  C’est le grand problème des exégètes rationalistes. Christ et Jésus sont deux entités différentes, la première (qui prime sur la seconde) d’ordre spirituel, la seconde purement contingente. Elle recherche la divinisation de l’homme en lui proposant de vivre ici-même de manière intemporelle, en dehors de l’histoire, du temps et de ses vicissitudes.

- L’irréalité des souffrances de Jésus-Christ selon les courants gnostiques antiques a pour parallèle l’irréalité de la souffrance dans nombre de mouvements chrétiens modernes.  Dans les deux cas il ne s’agit pas de porter sa croix, selon l’exemple du Christ, mais d’affirmer que la souffrance n’est qu’une illusion passagère dont il faut se libérer le plus vite possible.

- La notion de péché et la nécessité d’un sacrifice expiatoire sont niés. La messe par exemple n’est plus considérée comme sacrifice eucharistique. Toute notion de culpabilité personnelle fait partie du domaine du mal. Éthique et responsabilité personnelles sont avant tout tournés vers soi-même.  Il s’agit en effet de découvrir Dieu en soi-même, et non en dehors de soi.  Cela aboutit souvent à un égoïsme magique; ce narcissisme magique qui cherche à transformer le monde.

- L’anthropologie des gnostiques peut être aussi mise en rapport avec l’activisme homosexualiste contemporain. Dans les deux cas, la différenciation et complémentarité sexuelle est combattue comme un obstacle sur la voie de l’union et de l’unité. Pensons aujourd’hui au combat livré à l’interne de l’Église sur le mariage naturel et la famille. L’influence des conceptions de l’Antiquité grecque sur la sexualité, celles de Socrate et de Platon notamment (pour qui homosexualité et plus particulièrement pédophilie représentaient la forme supérieure de la sexualité) permet d’établir un lien entre les versions antique et moderne de la pensée gnostique.

Saint Jean-Paul II nous met en garde : «  Il est impossible de se laisser bercer par l’illusion que ce retour de la gnose préluderait à un renouveau de la religion. Il s’agit tout simplement de la version moderne d’une attitude spirituelle qui, au nom d’une prétendue connaissance supérieure de Dieu, finit par rejeter définitivement sa Parole en la remplaçant par des paroles toutes humaines. La gnose n’a jamais disparu du champ du christianisme. Elle a toujours cohabité avec lui, parfois en tant que courant philosophique, plus souvent sous des formes religieuses ou parareligieuses, en opposition nette, même si elle n’est pas explicite, avec l’essentiel du christianisme»[4].

4. Pourquoi ce gnosticisme caché s’est-il répandu si vite et si facilement parmi les chrétiens?

Le gnosticisme caché est une tentative pour apporter un peu de chaleur dans un monde dur et impitoyable. En réaction contre la tradition chrétienne et la profondeur des choses, il agit avant tout au niveau des sentiments, des instincts et des émotions. Ce n’est pas un hasard si la gnose a eu un tel succès à une époque marquée par l’exaltation quasi universelle de la diversité. La culture occidentale est allée trop loin dans la tolérance, au sens d’une acceptation passive ou résignée des idiosyncrasies des individus ou des groupes minoritaires (comme par exemple l’islam), ce qui a entraîné une érosion du respect pour la normalité, considérée comme un concept chargé d’une valence morale et nécessairement lié à des normes absolues. Pour un nombre croissant de personnes y compris malheureusement les chrétiens, les croyances et les normes absolues (un magistère, les commandements, la loi moral naturelle et divine) trahissent l’incapacité d’accepter le point de vue et les convictions d’autrui (le cheval de Troie du relativisme). Dans une telle atmosphère, les styles de vie et les systèmes alternatifs proposés par la gnose ont connu un véritable boom: il est désormais non seulement admis, mais recommandé d’être différent et donc de penser différemment[5].

5. Quoi faire donc devant la progression du gnosticisme ?

Dans le document Jésus-Christ porteur d’eau vive, nous trouvons une claire réponse :

« Le début du troisième millénaire présente un vrai kairos pour l’évangélisation. Les esprits et les cœurs sont particulièrement ouverts à une information sérieuse sur la conception chrétienne du temps et de l’histoire du salut. La priorité n’est pas de souligner les lacunes des autres approches, mais de revenir constamment aux sources de notre foi pour pouvoir offrir une présentation juste et solide du message chrétien. Nous pouvons être fiers de ce qui a été confié à notre garde, et nous devons résister aux pressions de la culture dominante qui voudrait nous faire enfouir ces dons (cf. Mt 25, 24-30). Un des outils les plus utiles dont nous disposions est le Catéchisme de l’Église Catholique. Mais il y a aussi l’immense héritage des chemins de sainteté des vies de chrétiens et de chrétiennes d’hier et d’aujourd’hui. Là où le riche symbolisme chrétien et ses traditions artistiques, esthétiques et musicales sont encore méconnus ou ont été oubliés, il y a beaucoup à faire pour les chrétiens et tous ceux qui veulent faire l’expérience d’une conscience accrue de la présence de Dieu… Si notre tâche est de connaître, aimer et servir Jésus-Christ, nous devons commencer par avoir une bonne connaissance des Écritures. Mais par-dessus tout, le moyen le plus sûr pour donner un sens à l’ensemble du message chrétien est de rencontrer le Seigneur Jésus dans la prière et les sacrements, qui sont précisément les moments où notre vie ordinaire est sanctifiée ».

 

P. Silvio Moreno, IVE

 


[1] Saint Jean Paul II, discours au corps académique de l’Université Catholique de Lyon, 7 octobre 1986. 

[2] Je suivrais un article du P. Miguel Fuentes, Joaquin, el gnostico, sigue fastidiando a la Iglesia, in http://miguelfuentes.teologoresponde.org, qui au même temps cite à André Manaranche, I preti. Crisi e formazione, Società Editrice Internazionale, Torino, 1996. 

[3] Nous suivons librement avec adaptation Eric Kayayan, Le retour du gnosticisme, in http://www.foi-vie.org.za/written/le_retour_du_gnosticisme.htm#_ftn50. Voir également avec beaucoup de profit le document des conseils pontificaux de la culture et du dialogue interreligieux, Jésus-Christ porteur d’eau vive, une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age » in http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/interelg/documents/rc_pc_interelg_doc_20030203_new-age_fr.html

[4] Saint Jean Paul II, Entrez dans l'espérance, Paris, 1994, p. 147.

[5] Nous adaptons une idée de Jésus-Christ porteur d’eau vive, une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

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