REFORMONS L'EGLISE CATHOLIQUE

REFORMONS L'EGLISE CATHOLIQUE
« …de prêtres, qui, sous couleur d’amour de l’Eglise,
absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses,
imprégnés au contraire jusqu’aux moelles d'un venin d’erreur,
se posent, comme rénovateurs de l’Eglise;
qui, en phalanges serrées, donnent audacieusement l’assaut
à tout ce qu’il y a de plus sacré dans l’œuvre de Jésus-Christ ».
 
Saint Pie X, Pascendi, n. 2.
 
Nous commençons par une véritable constatation. La désaffection de la messe dominicale, le déclin dramatique de la pratique religieuse, la chute des vocations et la perte générale de la foi dans notre siècle ont été souvent attribués aux changements de la société et des modes de vie. A mon avis ce n’est qu’une facile solution pour finalement ne responsabiliser personne de ce qui arrive à l’Eglise.
 
Ne pas vouloir envisager les causes potentielles de la crise de l’Eglise surtout après le concile, c’est s’interdire de trouver une solution au problème. Et il faut l’avouer sincèrement la bonne solution n’a toujours pas été trouvée et le problème reste.
 
Beaucoup ont cru trouver la solution dans une « ouverture au monde » de l’Eglise. « Il faut que l’Eglise change » disent-ils. Mais n’est-il pas étonnant qu’une Eglise, qui a prétendu vouloir s’ouvrir au monde il y a plus de  quarante ans, n’ait toujours pas adopté certaines pratiques de gestion élémentaires des entreprises du monde ? Je m’explique : on a changé de style et les ventes ont chuté. On doit admettre donc que le changement de style a sa part négative dans l’affaire. Mais, dans l’Eglise, c’est un autre raisonnement qui a été appliqué : on a changé de style, la pratique, la ferveur, les vocations ont chuté de façon dramatique, mais le changement de style est intouchable. C’est la faute de la société tout entière on dit et on n’en parle plus. Ce raisonnement entrainerait la faillite de n’importe quelle société commerciale. Mais l’Eglise n’en est pas une, grâce à Dieu.      
 
Cependant un bon gestionnaire envisage toutes les causes possibles d’un échec. Il ne tient pas compte des susceptibilités, car le succès de l’entreprise est plus important que l’amour propre des cadres. Cela devrait être aussi le cas dans l’Eglise. Il est tout à fait irresponsable de reporter uniquement la faute sur le monde extérieur. C’est bien trop commode puisqu’on ne peut rien y changer. Pour cela donc continuer à nier qu’une male comprise reforme qui a tourné le dos à deux milles ans de tradition ne peut pas être responsable de la crise de l’Eglise devient alors pure malhonnêteté.     
 
Je crois donc qu’il n’est pas de tout enfantin, afin de chercher la cause du problème, de faire sortir de nos tiroirs une petite encyclique publiée il y a lointain pour un pape saint. Bien qu’adaptée à nos jours, la radiographie de la réalité moderniste ou progressiste qui rode l’Eglise est toujours la même. Peut-on être considérer un fou intellectuel par le fait de citer encore aujourd’hui la « pascendi » de Saint Pie X ? Je ne pense pas. Cependant on n’en parle plus et pourtant les prophéties de Pie X dans son encyclique s’avèrent de plus en plus et cela depuis longtemps. Comme disait Lewis « il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, surtout quand ce qui est à voir ne peut être vu qu’avec les yeux du cœur »[1].
 
Notre intention donc n’est pas celle d’expliquer toute l’encyclique, qui relève plutôt d’une lecture personnelle lente et réfléchie. Mais seulement de vous présenter objectivement ses grandes intuitions qui nous aiderons à découvrir l’un des problèmes de fond de la crise actuelle de l’Eglise : le modernisme et sa vision de l'Eglise [2].  
 
1. Définition
 
Le modernisme est une courante de pensée, voir même par certains aspects aussi une idéologie (façon de voir Dieu, l’homme et le monde), selon laquelle l’Eglise Catholique devrait s’ouvrir sans aucun discernement possible au progrès, au libéralisme, à la science et à la civilisation moderne. Si l’Eglise catholique a pour mission d’illuminer le monde moderne avec les enseignements de Notre Seigneur Jésus-Christ, le modernisme par contre rêve d’illuminer l’Eglise avec l’esprit du monde, mais on oubli que la Croix de Notre Seigneur est toujours contraire à l’esprit du monde.  
 
Le modernisme est un problème de vision des choses, un problème de l’intelligence, un problème de formation théologique, philosophique, spirituelle et morale. Le modernisme cherche à convertir l’enseignement de l’Eglise, en une sorte de suicide moral et intellectuel qui aboutit à la destruction de la foi pour n’en garder que l’expression d’un vague sentiment religieux.
 
Le grand problème de cette idéologie c’est qu’elle attaque l’Eglise catholique de l’intérieur. Saint Pie X confirme: «Les partisans du modernisme ne doivent pas être recherchés parmi les ennemis déclarés de l’Eglise, mais dans son sein même, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins ouvertement: on trouve parmi eux un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres». «C’est du dedans que les modernistes trament la ruine de l’Eglise: le danger est aujourd’hui presque en ses entrailles mêmes et en ses veines, et leurs coups sont d’autant plus sûrs qu’ils savent mieux où la frapper». Triste réalité mais toujours veritable.
 
Le modernisme en tant que tel fut expressément condamné par le Pape Saint Pie X, d’abord dans son Décret du 3 juillet 1907 «Lamentabili Sane», puis par son encyclique du 8 septembre 1907 «Pascendi Dominici Gregis», laquelle relève du Magistère infaillible.
 
2. Les racines du modernisme
 
« Enfin, et ceci paraît ôter aux modernistes tout espoir de remède, leurs doctrines leur ont tellement perverti l’âme qu’ils en sont devenus contempteurs de toute autorité, impatients de tout frein: prenant assiette sur une conscience faussée, ils font tout pour qu’on attribue au pur zèle de la vérité ce qui est œuvre uniquement d’opiniâtreté et d’orgueil».
 
La cause première et immédiate du modernisme, explique Saint Pie X, est une perversion de l’esprit. Perversion produite par une fausse philosophie qui engendre au même temps le relativisme. Les causes éloignées, par contre, peuvent être réduites à trois: la malsaine curiosité (l’amour des nouveautés), l’orgueil et l’ignorance. Ainsi l’orgueil, péché diabolique, conduira à l’étroitesse d’esprit, à l’opiniâtreté, à la désobéissance, à la curiosité, et enfin à l’aveuglement spirituel.
 
Donc tout d’abord c’est un problème de l’intelligence et donc de la connaissance de la verite et de la réalité : le relativisme. Ainsi le moderniste devient donc l’esclave de ses sens, de ses sensations et ses impressions.
 
Pour mieux comprendre laissons-nous guider par la doctrine de Saint Thomas d’Aquin. L’âme est une substance spirituelle, douée d’intelligence (dont l’objet formel est le vrai) et de volonté (dont l’objet formel est le bien). Dieu nous a donc donné l’intelligence pour connaître la vérité, et la volonté pour choisir le chemin qui y mène et donc le bien! La vérité, objet de notre intelligence, existe en dehors de nous même; l’intelligence et la volonté doivent donc se soumettre à cet objet qui est premier. Ainsi, cette doctrine philosophique de la connaissance, porte le nom d’objectivisme. Cet objet étant unique quelque soit le nombre de personnes qui l’examinent, la vérité existe donc par elle même, objectivement, indépendamment de la conception qu’on puisse en avoir.
 
Pour le moderniste au contraire, le sujet est premier : « Cogito ergo sum » de Descartes (Je pense donc j’existe). L’objet (le vrai) doit se soumettre au sujet (l’âme douée d’intelligence et de volonté), sujet qui va donc devenir premier dans l’ordre de la connaissance. Cette fausse doctrine, sortie aussi du cerveau brumeux d’Emmanuel Kant (1724-1804), qui prêche le primat du sujet sur l’objet, aura pour nom subjectivisme ou relativisme.
 
Selon cette fausse doctrine, chacun aurait sa vision propre et personnelle de la vérité, chacun pourrait créer sa propre vérité, de façon indépendante et subjective. La notion de vérité objective disparaîtrait ainsi totalement. Or, si la vérité ne vient pas de Dieu, mais est une création de notre intelligence, la vérité n’existe pas: plus besoin de surnaturel, de révélation, de lois, de Dieu! Ainsi le relativisme philosophique va conduire à l’agnosticisme, l’immanentisme et l’évolutionnisme.
 
a. L’agnosticisme
 
Aujourd’hui elle a changé plus ou moins son visage, mais au fond il s’agit encore de l’effort d’expliquer toute la réalité (Dieu, l’homme et le monde) d’une façon rationnelle, c’est-à-dire à la mesure de l’homme, on annulant tous ceux qui est surnaturel. La Pascendi dit: «Selon l’agnosticisme, la raison humaine n’est pas capable de s’élever jusqu’à Dieu et ne peut reconnaître Son existence; Dieu n’est point objet direct de science ni un personnage historique. La science doit être athée, pareillement l’histoire; nulle place dans le champ de l’une, comme de l’autre, sinon pour les phénomènes».
 
Mais Saint Pie X tient à reconfirmer la doctrine de l’Eglise au Concile Vatican 1er : « …‘Si quelqu’un dit que la lumière naturelle de l’humaine raison est incapable de faire connaître avec certitude, par le moyen des choses crées, le seul et vrai Dieu, notre Créateur et Maître: qu’il soit anathème!’ ; ‘Si quelqu’un dit qu’il ne se peut faire, ou qu’il n’est pas souhaitable que l’homme soit instruit par Révélation Divine du culte à rendre à Dieu: qu’il soit anathème!’ ; ‘Si quelqu’un dit que la Révélation Divine ne peut être rendue croyable par des signes extérieurs, et que ce n’est donc que par l’expérience individuelle ou par l’inspiration privée que les hommes sont mus à la foi: qu’il soit anathème!».
 
b. L’immanentisme
 
Si la vérité objective n’existe pas, l’homme peut fabriquer sa propre vérité dans son esprit: c’est la doctrine de l’immanentisme, du latin «in» et «manere»: demeurer à l’intérieur. «Selon cette immanence vitale, la foi, principe et fondement de toute la religion, réside dans un certain sentiment intime engendré lui-même par le besoin du Divin, et ce sentiment religieux devrait être mis au même rang que la Révélation». «Le sentiment religieux qui jaillit ainsi, par immanence vitale, des profondeurs de la subconscience, est le germe de toutes les religions, qui ne seraient, d’après les modernistes, que des efflorescences de ce sentiment. La religion Catholique ne fut engendrée que par le processus d’immanence vitale dans la conscience du Christ». Ainsi donc en l’homme qui est Jésus-Christ, aussi bien qu’en nous, notre religion n’est autre chose qu’un fruit simple et spontané de la nature. « Y a-t-il rien, en vérité, se demande Saint Pie X, qui détruise plus radicalement l’ordre surnaturel? »[3].
 
c. L’évolutionnisme
 
La vérité change et évolue selon les circonstances. L’évolutionniste refuse tout principe éternel. Ainsi dénonce la pascendi : «Les formules que les catholiques appellent dogmes sont sujets aux vicissitudes du temps, et doivent donc pouvoir changer et s’adapter. Elles doivent être vivantes, de la vie même du sentiment religieux. Le jour où cette adaptation viendrait à cesser, ces formules se videraient du même coup de leur contenu primitif : il n’y aurait d’autre parti à prendre que de les changer».
 
L’idée est donc celle de s’adapter au nouveau monde, évoluer, se moderniser et dans la doctrine et dans les traditions religieuses. Ainsi par exemple, malheureusement nous le voyons chez bon nombres de prêtres aujourd’hui. Ils ont réduit leur mission à celle d’animateur paroissial, ils sont gentils, effacés, sécularisés. Ils refusent, par une humilité mal comprise, ce rôle d’autorité que les fideles leur reconnaissent spontanément. Ils se font appeler par leur prénom. Leur vêtement est souvent négligé, sécularisé à l’extrême et ne contribue en rien à signaler la présence d’un consacré du Seigneur. En voici la vraie cause du manque des vocations.
 
Si Dieu et sa vérité évoluent avec le temps, ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui, et la vérité d’aujourd’hui ne sera pas celle de demain, alors Dieu n’est plus veritable!
 
3. L’esprit moderniste
 
«La grande angoisse des modernistes est de trouver un moyen de concilier l’autorité de l’Eglise avec la liberté des croyants. Pour eux, l’autorité, tout comme l’Eglise, ont leur origine dans la conscience religieuse, et lui sont donc soumis. L’autorité ecclésiastique devrait donc adopter une forme démocratique pour éviter un conflit de devoir dans la conscience de l’humanité. Dans le camp moderniste, chacun est libre de croire ou de rejeter ce qu’il aime ou n’aime pas». C’est un déformant pluralisme ou chacun peut se construire sa propre loi morale et ses propres vérités de foi. 
 
L’esprit moderniste chante victoire dans l’une des plus sensibles dérives de ces dernières années : la crise d’autorité dans l’Eglise. C’est le problème de tants des fideles qui n’en font plus qu’à leur tête et se demandent en quoi l’Eglise jouirait d’une quelconque autorité en matière de foi et de moral. Parfois ce sont même des prêtres, des évêques qui hésitent ou renoncent à faire usage de leur autorité. C’est enfin l’idée même d’autorité qui est dénaturé. Pour beaucoup, autorité est un synonyme de tyrannie ou d’abus de pouvoir, alors que l’autorité n’est en fait qu’un service, un service indispensable.
 
Je ne crois pas que la tendance générale à concilier les catholiques en marge de la foi ou en défaut d’obéissance dans le but de les ramener à l’Eglise, soit une bonne idée. L’autorité de l’Eglise en souffre énormément. On cesse de la respecter, donc aussi de l’aimer. La foi est mise en doute, et les bons catholiques sont désorientés, frustrés ou parfois même scandalisés.   
 
Le moderniste peut être aussi reconnu par un certain nombre de signes:
 
1- Un grand orgueil, accompagné du mépris de toute forme d’autorité Divine ou ecclésiastique: «L’orgueil est comme chez lui dans la doctrine des modernistes». «Orgueil cette confiance en eux qui les fait s’ériger en règle universelle, cette vaine gloire qui les représente à leurs propres yeux comme les seuls détenteurs de la sagesse, cet esprit d’insoumission qui appelle une conciliation de l’autorité avec la liberté, cette prétention de réformer les autres dans l’oubli d’eux-mêmes, ce manque absolu de respect à l’égard de toute autorité. Il n’y a nulle route qui ne conduise plus droit ni plus vite au modernisme que l’orgueil!».
 
2- Une curiosité incontrôlée pour les nouveautés, une passion pour la mal comprise liberté et l’esprit d’ouverture.
 
3- Le mépris pour la philosophie et la théologie de Saint Thomas d’Aquin: «L’amour des nouveautés va toujours de pair avec la haine de la méthode scolastique».
 
4- Un grand mépris pour toutes les traditions, surtout dans l’interprétation des Saintes Ecritures. « De même, en vertu de ce principe que la science ne relève à aucun titre de la foi, s’ils dissertent de philosophie, d’histoire, de critique, ils affichent en mille manières – n’ayant pas horreur de marcher en cela sur les traces de Luther - leur mépris des enseignements catholiques, des saints Pères, des Conciles œcuméniques, du magistère ecclésiastique; réprimandés sur ce point, ils jettent les hauts cris, se plaignant amèrement qu’on viole leur liberté ».
 
5- Subordination de la foi à la science. « Enfin, vu que la foi est subordonnée à la science, ils reprennent l’Eglise - ouvertement et en toute rencontre - de ce qu’elle s’obstine à ne point assujettir et accommoder les dogmes aux opinions des philosophes; quant à eux, après avoir fait table rase de l’antique théologie, ils s’efforcent d’en introduire une autre, complaisante celle-ci, aux divagations de ces mêmes philosophes ».  
 
6. Le moderniste est aussi maître dans la contradiction: «Dans leurs livres, vous pourriez trouver des choses qui pourraient être approuvées par un catholique; mais en tournant la page, vous trouverez des enseignements qui pourraient avoir été dictés par un rationaliste!». Ainsi, le moderniste va distinguer par exemple le «Christ historique» (qui est mort le Vendredi saint) du Christ de la foi (qui vit dans nos âmes par la Grâce Sanctifiante); il considérera l’Eglise catholique comme un produit de la conscience collective, et les sacrements comme des purs symboles.
 
7. Surtout ce sont eux les nouveaux réformateurs : « …Réforme de la philosophie, surtout dans les Séminaires: que l’on relègue la philosophie scolastique dans l’histoire de la philosophie, parmi les systèmes périmés, et que l’on enseigne aux jeunes gens la philosophie moderne, la seule vraie, la seule qui convienne à nos temps. Réforme de la théologie: que la théologie dite rationnelle ait pour base la philosophie moderne, la théologie positive pour fondement de l’histoire des dogmes… Que dans les catéchismes on n’insère plus, en fait de dogmes, que ceux qui auront été réformés et qui seront à la portée du vulgaire. En ce qui regarde le culte, que l’on diminue le nombre des dévotions extérieures, ou tout au moins qu’on en arrête l’accroissement… Que le gouvernement ecclésiastique soit réformé dans toutes ses branches, surtout la disciplinaire et la dogmatique. Que son esprit, que ses procédés extérieurs soient mis en harmonie avec la conscience, qui tourne à la démocratie; qu’une part soit donc faite dans le gouvernement au clergé inférieur et même aux laïques; que l’autorité soit décentralisée. Réforme des Congrégations romaines… Que le pouvoir ecclésiastique change de ligne de conduite sur le terrain social et politique… En morale, ils font leur le principe des américanistes, que les vertus actives doivent aller avant les passives, dans l’estimation que l’on en fait comme dans la pratique. Au clergé ils demandent de revenir à l’humilité et à la pauvreté antiques, et, quant à ses idées et son action, de les régler sur leurs principes. Il en est enfin qui, faisant écho à leurs maîtres protestants, désirent la suppression du célibat ecclésiastique ».
 
N’est pas - avec une incroyable prophétie et clairvoyance de Saint Pie X - ce que nous vivons dans nos jours ? Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.  
 
4. Remède contre le modernisme
 
 
On ne devient pas malade en quelques minutes. De même, notre esprit ne devient pas subjectiviste en un instant. Dieu veille sur nous, nous protège en face des dangers qui menacent nos âmes, au milieu de ce débordement d’erreurs. Mais, comme le dit le dicton: «Aide-toi, et le Ciel t’aidera!». Il y a peut être plusieurs choses à faire, mais à mon avis, la première est corriger la vision de Eglise que nous avons. En effet, la racine véritable et profonde du modernisme, c’est la crise de la foi, comportant comme une de ses premières conséquences, la crise de l’autorité du Magistère, qui est une crise portant sur l’autorité de l’Église fondée sur la volonté divine, il faut donc tout d’bord s’employer à fortifier la vie de foi.
 
a. Correcte vision de l’Eglise          
 
Les catholiques qui s’opposent au magistère de l’Eglise, au nom de la liberté individuelle ou même au nom d’une certaine vision de ce qu’ils appellent le peuple de Dieu, ne savent pas ce qu’est l’Eglise. Ils la considèrent comme une simple hiérarchie humaine, nécessaire à maintenir l’ordre et sujette, dans sa direction, à toutes les déviances d’une institution purement humaine. Ils semblent avoir perdu de vue que l’Eglise catholique est beaucoup plus qu’une simple institution humaine. Elle est composée par d’hommes pécheurs certes, mais elle est aussi guidée par l’Esprit saint. Elle est le port d’attache des chrétiens lancés dans le monde. Elle est le canal de la grâce, la dépositaire des sacrements, l’interprète de la révélation de Dieu. Elle enseigne toute la vérité nécessaire au salut des hommes. Elle est divine.
 
L’historien britannique Hilaire Belloc disait : « Je suis bien forcé de croire à la divinité de l’Eglise catholique car aucune institution humaine dirigée avec une telle inaptitude n’aurait subsisté deux semaines »[4]. Saint Ignace de Loyola dans ses exercices spirituels écrit une série de règles à suivre pour ne nous écarter jamais des véritables sentiments que nous devons avoir dans l’Église catholique, et dans sa premier règle, il dit : « Renoncer à tout jugement propre et se tenir prêt à obéir promptement à la véritable Épouse de Jésus-Christ, notre Seigneur, c’est-à-dire à la sainte Église hiérarchique, notre Mère », et ensuite : « Louer enfin tous les préceptes de l’Église, et être toujours prêt à chercher des raisons pour les justifier et les défendre, et jamais pour les condamner ou les blâmer », et finalement : « Pour ne nous écarter en rien de la vérité, nous devons toujours être disposés à croire que ce qui nous paraît blanc est noir, si l’Église hiérarchique le décide ainsi. Car il faut croire qu’entre Jésus-Christ, notre Seigneur, qui est l’Époux, et l’Église, qui est son Épouse, il n’y a qu’un même Esprit qui nous gouverne et nous dirige pour le salut de nos âmes, et que c’est par le même Esprit et le même Seigneur qui donna les dix commandements qu’est dirigée et gouvernée notre Mère la sainte Église ». Bien entendu, la il y a une prononciation magistérielle sur une doctrine qui dépend du depositum fidei transmis par l’Ecriture sainte et par la tradition millénaire de l’Eglise. En effet, « le Magistère, dont l’autorité est exercée au nom de Jésus (cf. Dei Verbum, 10), n’est pas quelque chose d’indépendant ou d’externe à l’égard de la vérité, mais un organe à son service, et même une expression concrète de participation à la transmission de la vérité chrétienne elle-même dans l’histoire »[5].
 
Il est triste de voir que même des hommes d’Eglise ont cessé de voir l’Eglise comme ce qu’elle est : un mystère et un miracle permanent. Il ne faut donc pas prendre l’Eglise pour ce qu’elle n’est pas. L’Eglise n’est pas une œuvre humanitaire, ni un syndicat, ni une association de lobbying. L’Eglise n’est pas au service d’une idéologie. Elle n’est pas là pour bâtir un monde meilleur, même si, c’est ce qu’elle fait quand on la laisse travailler. Elle est là pour le salut des hommes. Elle bâtit un royaume qui n’est pas de ce monde. Elle cherche à sauver les âmes de ses enfants.
 
Saint Josémaria E. de Balaguer écrivait : « …Aimez l’Église, Sainte, Apostolique, Romaine, Une ! Parce que, comme l’écrit saint Cyprien : ‘Celui qui amasse ailleurs, en dehors de l’Église, dissipe l’Église du Christ’ (Saint Cyprien, De catholicæ Ecclesiæ unitate, 6 ; PL 4, 5 03). Et saint Jean Chrysostome d’insister : ‘Ne te sépare pas de l’Église. Rien n’est plus fort que l’Église. L’Église est ton espérance ; l’Église est ton salut ; l’Église est ton refuge. Elle est plus haute que le ciel et plus vaste que la terre. Elle ne vieillit pas, sa vigueur est éternelle’ (Saint Jean Chrysostome, Homilia de capto Eutropio, 6) »[6].
 
b. Correcte formation doctrinale
 
Mais pour avoir une correcte vision de l’Eglise il très important d’insister sur l’effort en faveur d’une formation spirituelle, doctrinale, intellectuelle, sérieuse et conforme à l’enseignement de l’Église. Dans ce sens on peut considérer certains éléments importants :
 
a) Tout d’abord, principalement pour les séminaristes et prêtres, la nécessité d’une formation théologique profonde et véritable. Il faut éviter faire de l’unique théologie de l’Eglise une collection de théologies. Les Pères de l’Eglise, le Magistère millénaire et l’enseignement scolastique en particulier du docteur angélique Saint Thomas d’Aquin, nous fournissent les bases pour faire de la bonne théologie. De la même manière, il faut insister sur la responsabilité des évêques dans la catéchèse, qui doit renforcer le sens de la foi et de l’appartenance à l’Église.
 
b) La nécessité d’une saine formation philosophique, profonde et réaliste, qui doit absolument comporter la quête métaphysique, dont on ressent aujourd’hui en divers centres d’étude et séminaires un manque préoccupant. Dans ce sens la philosophie de Saint Thomas d’Aquin et de nos jours le thomisme essentiel du P. Cornelio Fabro[7] garantissent une exacte vision de la réalité.  
 
c). Du point de vie disciplinaire, il opportun de rappeler que les évêques sont tenus d’appliquer effectivement la discipline normative de l’Église, spécialement quand il s’agit de défendre l’intégrité de l’enseignement de la vérité divine. Malheureusement cela est très négligé, mais c’est une obligation du moment que l’on parle d’une forte proposition nouvelle du message chrétien et de la vie spirituelle, selon une évangélisation renouvelée. Il faut renouveler la conscience que l’observance et l’application de la discipline ecclésiastique ne sont pas en opposition et ne font pas obstacle à la vraie liberté et à l’obéissance à l’Esprit, mais sont des instruments indispensables pour que la communion dans la vérité et la charité soit effective et ordonnée. Ainsi l’application des normes canoniques apparaît donc être une protection concrète en faveur des croyants contre les falsifications de la doctrine révélée et contre l’affaiblissement de la foi provoqué par cet « voix moderniste » qui prétend se présenter comme la voix de l’Esprit Saint.
 
Les catholiques qui se croient assez astucieux pour mettre en doute certaines vérités de la foi, tourner en dérision certaines pratiques de l’Eglise, mépriser la sainte tradition et se poser en critiques ou en réformateurs d’une institution divine et forte de deux mille ans d’âge se conduisent en fait comme si Dieu n’existait pas. Ils sont les intendants malhonnêtes de l’évangile qui s’approprient la vigne quand le maitre part en voyage. Dieu est patient et miséricordieux, mais cela ne vais pas dire qu’il ne soit pas juste. Au jour du jugement, il y aura une justice pour les mauvais théologiens, les prêtres sans respect et sans foi, les fauteurs de scandales devant les simples de foi, les catholiques attiédies, indifférents et modernistes…
 
Auteur d’ouvrages de théologie et de méditation, Charles Journet fut nommé cardinal en 1965 par le pape Paul VI. Il put ainsi participer au Concile Vatican II et certaines de ces interventions furent essentielles, notamment sur la question de la liberté religieuse, de l’indissolubilité du mariage ou lors de l’élaboration de la Constitution Gaudium et Spes ensemble au cardinal Karol Wojtila.
 
En 1965, juste après le Concile, la crise de la foi était tellement forte que le cardinal Charles Journet écrivait dans une lettre à un Religieux:
«Ce que vous me dites du grand désarroi des esprits, je ne l’ignore pas, j’en souffre au fond de mon coeur... Plaise à Dieu que cette souffrance soit bénie! On ne peut, sans trahir la Révélation, remettre en question les dogmes du Credo, remplacer Jésus-Dieu par le «Dieu de Jésus», interpréter les définitions du Concile de Trente sur la doctrine catholique en les dépouillant de leur sens réaliste. Tout le sens de la Révélation biblique est réaliste... La crise actuelle est certainement plus grave que celle du modernisme. Un jour, les croyants se réveilleront et prendront conscience d’avoir été intoxiqués par l’Esprit du Monde».
Puisse Dieu nous donner la force et le courage afin de nous libérer de cet esprit du monde qui a envahi les cœurs des chrétiens et l’Eglise elle-même.
 
Dans le combat contre le progressisme, le Cardinal Merry del Val secrétaire d’état de Saint Pie X, écrivait: «N’agissons jamais en vue de plaire au monde. Ayons le courage de supporter les critiques, les désapprobations du monde; n’ayons aucun respect humain; pourvu que Dieu soit content, qu’importe le reste... Nous devons avoir le courage d’affirmer la Vérité, et de ne jamais reculer devant le devoir. Nous devons avoir le courage d’affronter le ridicule, parce que souvent le devoir est raillerie du monde. Faites cela par amour pour Notre-Seigneur et pour Lui ressembler».
 
Et dans l’une des ses dernières recommandations, il écrivait ceci: «Notre Patrie n’est pas de ce monde; après quelques années passées ici-bas, nous devons abandonner cette terre pour suivre Notre-Seigneur, si nous Lui sommes restés fidèles. Quelle erreur, quelle folie de s’attacher aux choses d’ici-bas, en dehors de Volonté de Dieu, jusqu’à l’offenser, transformant ainsi en obstacle ce qu’Il a mis à notre disposition pour parvenir à la Vie éternelle!».
 
Nous console toujours les paroles de Notre Seigneur : « Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt adversus eam ». Oui, les portes de l’enfer ne pourront jamais détruire l’Eglise. Ainsi soit-il.  
 
P. Silvio Moreno, IVE
 

 

[1] Lewis, C., Un visage pour l'éternité: un mythe réinterprété, 1956.
[2] Nous suivrons dans ce travail le texte de l’encyclique Pascendi de Saint Pie X et pour quelques reflétions nous suivrons librement à Christophe Buffin de Chosal, Les vraies raisons pour lesquelles les églises se vident, France, 2012.
[3] Ainsi par exemple à cause d’une très mauvaise philosophie immanentiste (celle de Hegel et Sheilling), « même les preuves historiques de la divinité du Christ - c'est-à-dire les miracles opérés par Lui avec l’intention explicite de montrer sa toute puissance et soutenir ainsi la foi de ses disciples - sont soumis au doute par le Cardinal Walter Kasper sur leur vérité factuelle et sur leur signification théologique par rapport à la foi, de sorte qu’au final, ils sont niés pour ce qu’ils sont réellement, c’est-à-dire l’évidence de l’intervention de Dieu, qui fait partie des motifs de crédibilité. De la négation implicite de la divinité du Christ dérive l’usage répété que Kasper fait de l’expression «Dieu de Jésus-Christ», …et qui du fait qu’elle sépare le nom de Dieu de celui de Jésus-Christ, insinue au niveau sémantique la négation de la divinité de Jésus-Christ, non reconnu comme le Fils unique de Dieu, consubstantiel au Père. …conformément à cette précise orientation spéculative, Kasper met de côté le discours sur la double nature du Christ, le Verbe éternel et réduit la christologie à un discours au caractère phénoménologique sur la conscience de Jésus en tant qu’“homme qui parle de Dieu”. Cf. Antonio Livi, L’eucharistie selon Kasper, 31 juillet 2015, www.disputationes.over-blog.com  
[4] Speaight, Robert, The Life oh Hilaire Belloc, New York, 1957, p. 383.
[5] Saint Jean Paul II, discours aux membres de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, à la fin de leur réunion plénière de 1995 (DC 1996, n° 2129, p. 14-16).
[6] Saint Josémaria E. de Balaguer, Homélie du 4 Juin 1972.
 
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