PRETRES MARIES? PAS LA BONNE SOLUTION

PRETRES MARIES? PAS LA BONNE SOLUTION

Le pape François a reçu en audience, il y a quelques jours, le cardinal brésilien Claudio Hummes, accompagné de l'archevêque de Natal, Jaime Vieira Rocha. Hummes, qui a 82 ans, a été archevêque de São Paulo et préfet de la congrégation vaticane pour le clergé. Aujourd’hui il est président de la commission pour l’Amazonie au sein de la conférence des évêques du Brésil mais également du Réseau Pan-Amazonien qui réunit 25 cardinaux et évêques des pays voisins, ainsi que des représentants indigènes de diverses ethnies locales. C’est en cette qualité qu’il soutient, entre autres, la proposition de faire face à la pénurie de prêtres célibataires dans des zones immenses telles que l’Amazonie en conférant aussi le sacrement de l’ordination à des "viri probati" - c’est-à-dire à des hommes d’une vertu éprouvée - mariés.

Le principal argument mis en avant pour soutenir l’ordination d’hommes mariés est le suivant: « les difficultés croissantes que rencontre un évêque pour pourvoir au soin des âmes sur le territoire de son diocèse avec un nombre suffisant de ministres de l’Évangile et de l’eucharistie ».

L'Amazonie serait justement l’un de ces « territoires » immenses dans lesquels les quelques prêtres célibataires présents ne sont pas en mesure de rencontrer des noyaux isolés de fidèles plus de deux ou trois fois par an. Ce qui crée un grave préjudice – affirme-t-on – en matière de « soin des âmes ».

Que dire par rapport à cela ?

- La question des prêtres mariés ce n’est pas ni l’unique ni la bonne solution. Il faut préciser qu’une situation comme celle de l’Amazonie n’est absolument pas une exclusivité de l’époque actuelle. Elle a caractérisé la vie de l’Église pendant plusieurs siècles et dans les régions les plus diverses. Il n’y a pas que cela. Le petit nombre de prêtres n’a pas toujours abouti à un préjudice pour le « soin des âmes ». Bien au contraire, dans certains cas, il a bel et bien coïncidé avec une vie chrétienne florissante. Sans que l’idée soit venue à qui que ce soit d’ordonner des hommes mariés.

C’est ce qui s’est passé, par exemple, en Chine au XVIIe siècle : les chrétiens étaient très peu nombreux et dispersés. Nicolas Standaert écrit[1]: « Lorsque Matteo Ricci est mort à Pékin en 1610, après trente années de mission, il y avait environ 2500 chrétiens chinois. En 1665, le nombre de chrétiens chinois était probablement passé à quelque 80000 et, vers 1700, ils étaient environ 200000, ce qui était encore peu de chose par rapport à la population totale du pays, qui était de 150 à 200 millions d’habitants ».

Et les prêtres étaient également très peu nombreux : « À la mort de Matteo Ricci, il y avait seulement 16 jésuites dans toute la Chine : huit frères chinois et huit pères européens. Avec l’arrivée des franciscains et des dominicains, vers 1630, et en raison d’une légère augmentation du nombre de jésuites pendant la même période, le nombre de missionnaires étrangers s’éleva à plus de 30 et il se maintint constamment entre 30 et 40 au cours des trente ans qui suivirent. Par la suite, il y eut une progression qui permit d’atteindre un pic de quelque 140 missionnaires entre 1701 et 1705. Mais par la suite, à cause de la Querelle des Rites, le nombre de missionnaires diminua d’à peu près la moitié ».

Par conséquent le chrétien ordinaire ne rencontrait pas le prêtre plus d’ « une ou deux fois par an ». Et, pendant le petit nombre de jours que durait sa visite, le prêtre « conversait avec les dirigeants et avec les fidèles, il recevait de la communauté des informations, il s’intéressait aux personnes malades et aux catéchumènes. Il confessait, célébrait l’eucharistie, prêchait, baptisait. Après son départ, la communauté reprenait sa pratique habituelle de récitation du chapelet et des litanies. Par conséquent le chrétien ordinaire rencontrait le missionnaire une ou deux fois par an… ».

Et malgré cela, les communautés tenaient le coup. Ou plutôt, conclut Standaert : « elles se transformèrent en centres, petits mais solides, de transmission de la foi et de pratique chrétienne ».

-Ne pas s’excuser derrière le slogan moderne : il n’y a plus de vocations. La solution n’est donc pas ordonner des hommes mariés, mais plutôt de travailler davantage pour les vocations sacerdotales. Est-ce que Dieu, va-t-il laisser d’appeler les jeunes au sacerdoce. Non ! « As-tu déjà pensé à être prêtre ou religieuse ? » Sur un échantillonnage de 500 adolescents, ils répondent « OUI » à 50 %. A la question suivante : « y penses-tu encore ? », ils répondent «OUI» à 35%. Savoir qu’un tiers de nos adolescents porte en lui la question d’une vocation consacrée redonne audace à notre parole. Voilà pour briser des clichés qui laissent penser qu’ils sont indifférents ou qu’il n’y a pas de vocations. Voilà pour ouvrir notre esprit… Cela veut dire alors qu’il faut travailler beaucoup plus et sérieusement pour les vocations sacerdotales. A la question du comment aider les jeunes à répondre à leur vocation, Mgr Renauld de Dinechin dit : « Initier l’enfant à une relation personnelle avec le Seigneur, avec le Christ Jésus, avec la Vierge Marie : nous avons là quelque chose qui ouvre le cœur, l’âme et la confiance, la confiance au chemin de Dieu. Cultiver l’estime pour les prêtres, pour la mission des prêtres... Cultiver l’estime pour les religieuses, pour la consécration des femmes, pour la beauté des femmes qui donnent leur vie pour leurs frères, pour Dieu. Cultiver l’estime aussi pour le mariage, pour la fidélité dans le couple. Le jeune, l’adolescent, qui progressivement habille son cœur d’estime devient plus libre à l’heure des choix pour pouvoir faire ses propres choix ». Surtout lui aider à demander toujours de faire la Sainte Volonté de Dieu !  

-L’état célibataire des prêtres, bien que ne soit pas une exigence directe de l'évangile, il a une raison d’être bien précise. Le Bienheureux Paul VI écrit dans son encyclique « Sacerdotalis Caelibatus », que nous devons relire pour bien comprendre la question, que le célibat a un sens christologique parce qu’il s’agit d’une imitation plus parfaite du Christ prêtre ; un sens ecclésiologique, parce qu’il s’agit d’une total consécration à l’Eglise de Dieu et une signification eschatologique parce que c’est un avant-gout de la vie du ciel ou nous serons comme des anges.

En plus, à une situation semblable à celle de l’Amazonie et le petit nombre de prêtres, il dit : « Notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas hésité à confier à une poignée d’hommes que tout le monde aurait jugés insuffisants en nombre et en qualité, la charge écrasante d’évangéliser le monde connu d’alors. A ce « petit troupeau », il enjoignit de ne pas perdre courage (Luc 12, 32), parce qu’il remporterait avec Lui et par Lui, grâce à son assistance toujours présente (Mt. 28, 20), la victoire sur le monde (Jean 16, 33). Jésus nous a également avertis que le Royaume des Cieux possède en lui-même une force propre et secrète qui lui permet de croître et d’arriver à la moisson sans que l’homme le sache (Marc 4, 26-29). La moisson du Royaume de Dieu est immense, et les ouvriers sont peu nombreux aujourd’hui comme aux premiers jours; ils ne furent même jamais en nombre tel que le jugement humain l’aurait cru suffisant. Mais le Seigneur du Royaume demande qu’on prie afin que ce soit le Maître qui envoie lui-même les ouvriers dans son champ (Mt. 9, 37-38). Les projets et la prudence humaines ne peuvent usurper le rôle de la mystérieuse sagesse de Celui qui au cours de l’histoire a défié par sa folie et sa faiblesse la sagesse et la puissance de l’homme (1 Cor. 1, 20-31) ».

Je ne veux pas justifier le fait que les prêtres aujourd’hui soient peu nombreux, mais cela ne justifie pas non plus une solution comme celle de trouver des hommes mariés pour les ordonner prêtres. Le problème c’est bien diffèrent et la solution aussi.    

P. Silvio Moreno, IVE


[1] Nicolas Standaert S.J. Extrait de "La Civiltà Cattolica" n° 3989 du 10 septembre 2016.

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