1. Les origines de la franc-maçonnerie [1]
La franc-maçonnerie prétend que ses origines remontent à la plus Haute Antiquité, notamment Égyptienne, aux Templiers, aux Bâtisseurs de Cathédrales du Moyen Âge. La lecture des ouvrages les plus sérieux en la matière démontre que cette thèse est purement mythique. Jean Yves Tournié, franc-maçon et ancien haut dignitaire du Grand Orient de France, doute dans son livre Les origines de la franc-maçonnerie (éd. Dangles 2013, p.25), que l’on parvienne un jour à définir les origines de la franc-maçonnerie.
La franc-maçonnerie est donc née en 1717, à Londres. La première loge maçonnique française nait en 1721 à Dunkerque[1]. Le Grand Orient de France, qui compte un peu moins de 50.000 membres répartis en 1150 loges, a été créé en 1773, et le Droit Humain, obédience maçonnique mixte et internationale, qui revendique 28.000 membres, le 4 avril 1893.
2. Le recrutement en franc-maçonnerie
Dans la plupart des cas, on entre en franc-maçonnerie après avoir été « approché » par un ami, ou une connaissance. Après avoir fait l’objet de trois enquêtes distinctes, l’accès est assez sélectif, puisqu’il faut recueillir les 4/5 des voix de la Loge. La franc-maçonnerie approche « plutôt des quadragénaires déjà installés professionnellement […] dont on sent qu’ils se posent des questions sur eux-mêmes ou sur leur rôle dans la société »[2]. Parfois ils utilisent la relation professionnelle en cherchant le profil idéal : jeune diplômé, nommé à un poste important dans la fonction publique, plutôt éloigné de l’Église et de la foi catholique, et en quête existentielle.
Par contre, On quitte la franc-maçonnerie très facilement, par une simple lettre de démission, suivie d’un entretien avec trois maîtres.
3. Les diverses obédiences et rituels
Les obédiences les plus importantes en France sont le Grand Orient de France, le Droit Humain, la Grand Loge de France, la Grande Loge Traditionnelle Symbolique Opéra, la Grande Loge Féminine de France, et la Grande Loge Nationale de France. Parmi les rites principaux :
- Le Rite Ecossais Ancien et Accepté est teinté d’ésotérisme ;
- Le Rite Ecossais Rectifié se fonde sur la doctrine de l’occultiste ;
- Le Rite Français qui s’appuie sur les emblèmes et l’histoire bibliques, et qui est le plus laïc et athée des rites maçonniques.
4. Organisation
Les Loges Bleues sont organisées en trois degrés, confèrent l’initiation et permettent l’accès aux grades d’Apprenti, de Compagnon, puis de Maître. Les Loges de Hauts Grades attribuent des grades qui vont du 4e degré (Maître Secret) au 33e degré (Souverain Grand Inspecteur Général), en passant par divers degrés par exemple le 12e degré (Grand Maître Architecte), le 14e degré, (Grand Élu de la Voûte Sacrée), le 18e degré (Chevalier Rose-Croix), ou 27e degré (Grand Commandeur du Temple).
La franc-maçonnerie demande à ses membres de faire preuve de tolérance à l’égard des idées ou des opinions des autres, profanes ou francs-maçons. Cependant il existe une parole « maçonniquement » correcte. Et que la tolérance n’a plus cours dès que l’opinion émise s’en éloigne. À titre d’exemple, évoquer en Loge que l’on est opposé à l’avortement, à l’euthanasie, au mariage entre personnes de même sexe, est toujours susceptible de provoquer des réactions hostiles, parfois de manière feutrée mais parfois moins. Par conséquent, exprimer au cours de sa vie maçonnique un désaccord persistant sur le plan des valeurs ou de la morale rend la situation très inconfortable pour l’individu, à qui il ne reste plus qu’une alternative : quitter la franc-maçonnerie, ou se « fondre » dans le groupe et la pensée « maçonniquement correcte ».
5. La franc-maçonnerie : ésotérisme et relativisme
La franc-maçonnerie considère que « toutes les religions se valent » en ce qu’elles seraient issues d’une seule et même « Tradition Primordiale ». « La franc-maçonnerie, comme tout ésotérisme, vise à réunifier des connaissances présentes dans toutes les traditions philosophiques et religieuses, avec l’idée que derrière elles se cache une religion primordiale de l’Humanité »[3].
Le mythe de la tradition primordiale se fonde sur la conviction que toutes les religions sont issues d’une même source initiatique et que cette dernière détient seule une vérité absolue rappelée régulièrement à l’homme par des initiés envoyés par une Puissance supérieure. Ainsi, Bouddha, et même Jésus seraient à compter parmi ces initiés.
6. La franc-maçonnerie : religion athée
La franc-maçonnerie possède toutes les caractéristiques d’une religion athée. Bien qu’elle s’en défende, peut-être à des fins de non contradiction avec le principe de laïcité qu’elle veut revendiquer, la franc-maçonnerie possède toutes les caractéristiques d’une religion : Un mode d’appartenance initial, des rites, des cérémonies, un idéal commun : par exemple, le bonheur réalisé sur terre, de l’humanité, des membres, un lien régulier entre ces membres.
7. La franc-maçonnerie : dogmatique
Qu’elle le conteste ou non la franc-maçonnerie est dogmatique. L’Eglise catholique aussi est dogmatique, mais précisons que pour cette dernière les dogmes catholiques sont « des lumières sur le chemin de notre foi, qui l’éclaire et le rendent sûr » (Catéchisme de l’Église Catholique n° 89). La franc-maçonnerie évoque les dogmes de l’Eglise comme une expression au mieux superstitieuse, limitative et autoritariste. C’est ainsi que la franc-maçonnerie se voudrait a-dogmatique, afin d’accueillir des membres de toutes confessions. Cependant elle est bien dogmatique. Par exemple :
Le dogme de la « Tradition Primordiale ».
Le dogme de l’a-dogmatisme : L’article 5 de la Constitution internationale du Droit Humain déclare que la franc-maçonnerie « ne professe aucun dogme. Il travaille à la recherche de la vérité ». Or la conviction que l’accès à la vérité passe par le rejet de tout dogme constitue sans conteste une affirmation dogmatique.
Le dualisme maçonnique : La franc-maçonnerie considère que le monde est sous l’emprise de deux forces d’égale valeur (ce qui est également un dogme). Elle place sur un plan d’égalité le bien et le mal. C’est-à-dire une puissance « divine » (ou supra humaine) du Bien et une autre puissance « divine » du Mal. La franc-maçonnerie est donc manichéenne. Mais l’Eglise considère à juste titre que Dieu et Satan ne se situent pas sur le même niveau ! Le premier est Dieu Créateur, et le second est créature, même si elle s’est révoltée. Dieu n’a pas créé, en lui-même, le mal. Dieu est Tout-Puissant et Satan n’est qu’un ange déchu. Enfin, par la croix, Dieu a définitivement vaincu le Mal. Dieu n’est donc pas l’égale « force spirituelle » au mal.
Le rapport à la vérité : Pour la franc-maçonnerie la vérité est relative et évolutive, subjective, découverte par l’homme seul et en aucun cas révélée. Or pour un catholique la vérité est objective, transcendante, et révélée par Dieu en Christ. La Vérité catholique est une rencontre intime et personnelle avec le Christ, qui est le Chemin, la Vérité, et la Vie (Jean 14, 6).
8. Un catholique peut-il en faire partie ? La doctrine et discipline de l’Eglise
La double appartenance au catholicisme et à la franc-maçonnerie, est impossible. La franc-maçonnerie elle-même, par la voix d’un ancien Grand Maître du Grand Orient de France, confirme cette incompatibilité.
Peu de temps après la création des premières loges hors d’Angleterre, le Vatican a interdit aux catholiques d’appartenir à la franc-maçonnerie. C’est ainsi que le pape Clément XII a publié la première bulle à cet effet le 28 avril 1738 : « C’est pourquoi nous défendons […] à chacun des fidèles de Jésus Christ, laïcs ou clercs, séculiers ou réguliers, d’entrer dans lesdites sociétés de francs-maçons […] et cela sous peine d’excommunication ».
Depuis plusieurs siècles, la position du magistère est constante[4]. Ainsi le CDC de 1917 au canon stipule que les catholiques affiliés à la Franc-Maçonnerie ou d’autres associations du même genre intriguant contre l’Eglise ou les pouvoirs civils légitimes, encourent « ipso facto » l’excommunication réservée au siège apostolique[5]. Deux ans plus tard, en 1983, le code du droit canonique de 1917 a été modifié. Le nouveau code ne mentionne plus explicitement la franc-maçonnerie et dispose dans son article 1374 : « Qui s’inscrit à une association qui conspire contre l’Église sera puni d’une juste peine ; mais celui qui y joue un rôle actif ou qui la dirige sera puni d’interdit »[6]. Certains catholiques interprétaient alors que les catholiques qui adhèrent à la franc-maçonnerie ne sont plus automatiquement excommuniés comme autrefois. Consulté sur cette affaire le cardinal Ratzinger, qui au-delà d’avoir été un grand pape est un immense théologien, écrivait en novembre 1983 :
« On a demandé si le jugement de l’Eglise sur les associations maçonniques était changé, étant donné que dans le nouveau Code de droit canonique il n’en est pas fait mention expresse, comme dans le Code antérieur. Cette Congrégation est en mesure de répondre qu’une telle circonstance est due au critère adopté dans la rédaction, qui a été suivi aussi pour d’autres associations également passées sous silence parce qu’elles sont inclues dans des catégories plus larges. Le jugement négatif de l’Eglise sur les associations maçonniques demeure donc inchangé, parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l’Eglise, et l’inscription à ces associations reste interdite par l’Eglise. Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion…»[7].
L’Épiscopat allemand avait déjà, de son côté exprimé cette incompatibilité[8]. En conclusion l’Eglise a excommuniée, pendant une certaine période, tous les catholiques adhérents à la franc-maçonnerie. Cependant, le magistère récent (et le droit canonique en vigueur) ne parle plus d’excommunication, mais de privation des sacrements liée à un péché mortel, comme le souligne le Cardinal Ratzinger. Donc l’interdiction est évidemment maintenue, mais elle n’est plus doublée d’une excommunication latae sentenciae.
Pour finir disait Mgr Henri BRINCARD Evêque du Puy-en-Velay : « la franc-maçonnerie constitue un défi qu’il faut relever sereinement et courageusement. Certes, il ne faut pas exagérer l’influence de la franc-maçonnerie ; il ne faut pas, non plus, la sous-estimer. L’attitude d’un catholique doit, me semble-t-il, être la suivante : d’abord la clairvoyance. Cela signifie connaître avec exactitude les véritables objectifs que poursuit la franc-maçonnerie. Ensuite, le désir d’approfondir sans cesse la foi chrétienne. L’ignorance est le grand ennemi de la foi. Enfin, la résolution de suivre de plus en plus fidèlement Jésus Christ. Et voici le mot de la fin : notre vraie force est de prendre appui sur Jésus Christ. Lui seul peut changer les cœurs. C’est pourquoi, autant il faut combattre la franc-maçonnerie en rappelant qu’elle est une forme particulièrement nocive de « gnose », autant il faut poser sur les francs-maçons un regard d’espérance, regard né d’une authentique charité, car rien n’est impossible à Dieu ! ».
P. Silvio Moreno, IVE
[1] Cf. Paul Naudon, Histoire générale de la franc-maçonnerie, éd. P.U.F 1981, p.66.
[2] Cf. Le Figaro Magazine, 10.10.2014, p.42.
[3] Cf. R.°. L.°. Perf.°. n°65 « La Pierre d’Agathe » Or.°. de Vierzon, R 06 in Paroles Plurielles, Hors Série, Mai, 2011, p.39 : traduction : Respectable Loge de Perfection n° 65 « La Pierre d’Agathe » à [l’Orient de] Vierzon in Paroles Plurielles, revue de publication de « planches maçonniques », interne à l’obédience du Droit Humain et strictement réservée aux francs-maçons.
[4] Cf. « Ecclesiam a Jesu Christo », du Pape Pie VII, le 13 septembre 1821 ; « Quo graviora » du Pape Léon XII, le 13 mars 1826 ; « Mirari Vos » du Pape Grégoire XVI, le 15 août 1832 ; « Multiplices Inter » du Pape Pie IX, le 25 septembre 1865 ; « Humanum Genus » du Pape Léon XIII le 20 avril 1884 ; « Vehementer Nos » du Pape Pie X le 11 février 1906.
[5] Cependant certaines obédiences, notamment celles qui ne professent pas un anticléricalisme particulier (et il y en a !) ont imaginé que la double appartenance devenait possible. Des contacts ont été alors pris au début des années 80 par des obédiences maçonniques, notamment la GLNF (dont certains représentants se sont rendus à Rome), s’appuyant sur cet article et sur le contenu du Concile Vatican II. De même des Loges allemandes ont pris contact avec l’Épiscopat de ce pays. Or après une étude précise des rituels maçonniques ayant été remis aux autorités ecclésiastiques, ce point a été éclairci d’abord en 1981 par le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Franjo Seper, en disant : « cette Congrégation, sans préjuger de la future révision de ce même Droit canon, confirme et déclare ce qui suit : 1) En ce qui concerne la question dont il s’agit, la discipline canonique n’a nullement été changée et elle conserve donc toute sa force ; 2) Par conséquent, ni l’excommunication ni les autres peines prévues n’ont été abrogées ; 3) Ce qui, dans la lettre citée, concerne l'interprétation du canon dont il s’agit doit être compris, comme cela était dans les intentions de la Congrégation, seulement comme un rappel des principes généraux d’interprétation des lois pénales pour la solution des cas particuliers qui peuvent être soumis au jugement des ordinaires d’un lieu. L’intention de la S. Congrégation n’était pas de conférer aux Conférences épiscopales la faculté de prononcer publiquement un jugement de caractère général sur la nature des associations maçonniques, jugement qui impliquerait des dérogations aux normes susdites. A Rome, au siège de la Congrégation pour la Propagation de la Foi, le 17 février 1981 ».
[6] Promulgué par Jean-Paul II (Constitution apostolique Sacrae disciplinae legis), il remplace celui de 1917. La révision, décidée par Jean XXIII (janvier 1959), commençée en 1963, est dirigée par le cardinal Périclès Felici ; 2 livres supplémentaires : le 2° (fidèles) et le 4° (sacrements). Le nombre des canons passe de 2414 à 1752, les 2 derniers livres (procès et peines) étant réduits.
[7] Cf. Interventions du magistère sur la franc-maçonnerie : http://www.spiritualite-chretienne.com/Papes/franc-maconnerie.html
[8] Cf. L’Église et franc-maçonnerie, La Documentation Catholique, n° 1807, 3.4.1981, p.444 à 448. « L’engagement au sein de la franc-maçonnerie transforme l’acte de foi chrétien […]. Les rites initiatiques dans le secret des loges produisent inévitablement des effets sur les membres. La revendication […] de la doctrine relativiste qui s’impose progressivement à l’insu même des intéressés. La franc-maçonnerie revendiquant pour ses membres une adhésion totale, il est évident que la double appartenance est impossible pour un chrétien».