CHRETIENS SOURDS, NEGLIGENTS OU CONTESTATAIRES ?

CHRETIENS SOURDS, NEGLIGENTS OU CONTESTATAIRES ?

La parabole du festin messianique

Quelques considérations bibliques…

Mt 22, 1-14 et Lc 14, 16-24 : est-ce la même parabole ? La question est controversée. Plusieurs exégètes, à la suite de Maldonat, regardent l’identité comme plus probable ; beaucoup d’autres, avec S. Augustin, tiennent pour la diversité. Les variantes ce sont de nulle conséquence pour une parabole selon Prat, mais saint Mathieu a deux points essentiels qui manquent dans saint Luc : la présence au festin d’un convive n’ayant pas la robe nuptiale, qui donne lieu à une moralité nouvelle, et le meurtre des serviteurs chargés de l’invitation, meurtre qui légitime la vengeance du roi et la destruction de la ville. Dans Matthieu, les juifs ne sont pas seulement rejetés du royaume messianique pour avoir repoussé l’appel divin ; ils sont exterminés comme nation. Il y a donc lieu de distinguer les deux paraboles, telles que nous les possédons. Seulement on pourrait dire, selon Prat, que Luc a simplifié la parabole de Matthieu, en omettant les traits qui n’allaient pas à son but présent ou que Matthieu a fondu en un deux récits paraboliques, originairement distincts.

Quelques points à élucider :

- Du fait que les invités récalcitrants sont exterminés et leur ville brulée, on a conclu que Matthieu a composé son Evangile après la ruine de Jérusalem. Bien à tort. Sans invoquer la science divine du Christ, l’incendie était alors le sort de toute ville rebelle et même de toute ville prise d’assaut. Il y en a plus de 30 exemples dans la Bible.

- Le roi invite à son festin les bons et les mauvais sans distinction. Mais pour y entrer il faut la robe nuptiale, c’est-à-dire un habit décent. On a supposé que l’auteur de l’invitation faisait présent à tous les invités d’un vêtement d’honneur ; mais cette coutume peu vraisemblable n’est pas confirmée par l’histoire. En réalité, la manière d’acquérir la robe nuptiale et de la conserver est étrangère au but de la parabole qui nous apprend seulement qu’elle est indispensable.

- La conclusion beaucoup d’appelés mais peu d’élus se rapporte à l’ensemble de la parabole et non pas seulement à la dernière partie. L’unique invité qui n’ait pas la robe nuptiale est le représentant d’une catégorie dont nous ignorons le nombre. On aurait tort de conclure que tous les chrétiens, à très peu d’exceptions, seront sauvés ; mais on n’est pas non plus fondé à croire que la proportion des réprouvés surpasse celle des élus. Respectons le mystère des conseils divins.  

Méditons…

Dans toutes les civilisations, inviter quelqu’un à sa table est une marque de confiance et d’amitié. La bonté et la confiance de Dieu s’exprime par cette délicatesse de l’invitation. Dieu nous invite constamment : au Royaume éternel, à la sainteté, à l’union avec lui par l’amour, au banquet de l’eucharistie pour célébrer son Fils bien aimé, à la réconciliation pour le pardon des péchés, à la prière personnel et communautaire, à l’adoration, à l’écoute de ces inspirations par l’action de l’Esprit Saint, à la prédication de sa parole vivante, au témoignage de vie chrétienne, à la charité envers nos frères et sœurs, etc.    

Sommes-nous toujours sensibles aux invitations de notre Dieu ? Certainement pas : de multiples distractions nous en détournent, et ils sont bien rares ceux qui perçoivent l’appel du roi. Dans la parabole, les invités se dérobent les uns après les autres, refusant le repas préparé : les hommes y compris beaucoup des chrétiens, à notre époque, ont perdu le goût de Dieu, du sacré, de la vertu, du bien. La description de l’inconscience de ces invités est d’une brulante actualité. Jésus dépeint deux catégories : 1. Les « négligents » qui, avec une indifférence quasi naturelle, n’ont même pas l’air de se rendre compte qu’ils étaient invités, et qui se laissent simplement prendre par leurs affaires. 2. Les contestataires qui refusent catégoriquement l’invitation, et prennent à partie violemment les serviteurs. Ainsi, Jésus nous décrit très exactement l’état du monde moderne. Et oui ! nous sommes tous pris par la société de consommation et le matérialisme ambiant. Et parfois nous risquons tous de donner à Dieu la dernière place.  

Le pape Benoît XVI offrait ainsi, dans une homélie, une actualisation de cette situation : « Précisément à notre époque, nous connaissons très bien le "non" prononcé par ceux qui ont été invités en premier. En effet, les chrétiens d’Occident, c’est-à-dire les nouveaux "premiers invités", se dérobent aujourd’hui en grand nombre, ils n’ont pas le temps d’aller vers le Seigneur. Nous connaissons bien les Églises qui se vident toujours plus, les séminaires qui continuent de se vider, les maisons religieuses qui se vident toujours plus ; nous connaissons toutes les formes sous lesquelles se présente ce "non, j'ai d’autres choses importantes à faire". Et cela nous fait peur et nous bouleverse d’être témoins de ces invités qui s’excusent et se dérobent, et qui en réalité, devraient comprendre la grandeur de l’invitation et devraient se presser dans cette direction».

Tout cela nous apprend d’abord à ne pas être sourds, négligents ou contestataire aux invitations de Dieu. Dans ce sens le cardinal Désiré-Joseph Mercier (1851-1926), archevêque de Malines-Bruxelles avait un merveilleux secret : « Je vais te révéler un secret de sainteté et de bonheur. Si tous les jours, pendant cinq minutes, tu sais faire taire ton imagination, fermer tes yeux aux choses sensibles et tes oreilles à tous les bruits de la terre pour rentrer en toi-même, et là, dans le sanctuaire de ton âme baptisée, qui est le temple du Saint-Esprit, parler à ce Divin Esprit en lui disant : “Ô Esprit Saint, je t’adore, éclaire-moi, guide-moi, fortifie-moi, console-moi, dis-moi ce que je dois faire, donne-moi tes ordres. Je te promets de me soumettre à tout ce que tu désires de moi et d’accepter tout ce que tu permettras qui m’arrive. Fais-moi seulement connaître ta volonté. Amen”. Si tu fais cela, ta vie s’écoulera heureuse, sereine et consolée, même au milieu des peines, car la grâce sera proportionnée à l’épreuve, te donnant la force de la porter, et tu arriveras à la porte du Paradis chargé de mérites ».

Deuxièmement nous apprend aussi à tenir compte des conditions nécessaires pour bien participer au festin de noces. “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence. On ne peut pas accomplir les invitations du Roi sans la grâce et la charité. On ne peut pas participer au festin sale et poussiéreux par le péché. Saint Augustin se demande : « Qu’est-ce que ce vêtement de noce ? Voilà ce qu’en dit l’apôtre Paul : « l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une conscience droite et d’une foi sincère » (1Tm 1,5). Il ne s’agit pas de n’importe quel amour, car souvent on voit des hommes qui ont une mauvaise conscience et qui paraissent s’aimer. Ceux qui se livrent ensemble aux brigandages, à toute sorte de mal, ceux que rassemble l’amour des comédiens, des conducteurs de chars et des gladiateurs, s’aiment généralement entre eux, mais non de cet amour qui vient d’un cœur pur, d’une conscience droite et d’une foi sincère : or, c’est cet amour-là qui est le vêtement de noce… ».

P. Silvio Moreno, IVE      

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