Il s’agit même du premier et du plus grand de tous les mystères chrétiens, parce qu’il nous révèle quelque chose de l'intimité de la vie divine, et que les deux autres mystères le présupposent.
Un seul Dieu… en trois personnes !
Seul le christianisme ose affirmer l’existence d'une pluralité de personnes divines sans verser pour autant dans le polythéisme : les chrétiens croient ainsi de toutes leurs forces en l’unicité de Dieu : la Trinité pour eux est une « tri-unité », le mot Trinité signifiant précisément « Trois dans l’Unité ».
Bien entendu, si les chrétiens professent leur foi en la Sainte Trinité, ce n’est pas parce qu’ils sont plus intelligents que les autres, mais parce que cela leur a été révélé par Dieu lui-même. C'est pourquoi il s'agit d'un dogme. C’est le fruit de l’enseignement de Jésus dont toute la pédagogie a consisté à amener progressivement ses disciples à la connaissance du mystère de sa personne, et en particulier de sa divinité. La dernière consigne du Maître à ses disciples ne sera-t-elle pas de baptiser les nations « au nom (et non aux noms) du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mat. 18. 19) ?
Un Père, un Fils, et un Esprit Saint…
Depuis les Apôtres jusqu’à ce jour, l’Eglise a donc toujours professé la croyance en ce mystère, comme on le voit dans ses symboles, sa liturgie et dans les déclarations des Conciles : « La foi catholique est que nous adorions un seul Dieu en trois personnes et trois personnes en un seul Dieu, sans confondre les personnes ni diviser les substances » (Symbole de Saint Athanase) ;« Nous croyons fermement et nous reconnaissons qu’il n’y a qu’un seul vrai Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, trois personnes mais une seule substance, une seule nature » (IVe Concile du Latran).
L’unité s’applique donc à la substance, à la nature, à l’essence même de Dieu : dans la Trinité, il n’y a qu’une seule substance divine, qu’une seule nature divine, qu’une seule essence divine, qu’une seule divinité. La distinction s’applique quant à elle aux personnes, aux processions, aux relations, aux noms, et aux missions.
En Dieu, il y a trois personnes distinctes : le Père, le Fils et le Saint Esprit. Le Père est Dieu. Le Fils est Dieu. Le Saint Esprit est Dieu. Mais ils ne sont pas trois dieux : ils sont un seul et même Dieu. Ils sont un seul et même Dieu parce qu’ils n’ont qu’une seule et même nature, une seule et même divinité.
Le Père communique ainsi toute sa nature et toutes ses perfections à son Fils, et le Père et le Fils communiquent au Saint Esprit, qui procèdent d’eux, cette même nature et ces mêmes perfections.
Unité de nature, distinction de personnes : voilà les deux « bouts de la chaîne » à tenir fermement. Ce sont Trois Personnes qui partagent la même vie, la même intelligence, la même volonté et la même activité. Les chrétiens ne croient donc pas en trois dieux, ainsi que le pensent certains musulmans peu instruits de notre foi, mais en un seul et même Dieu en trois personnes.
Que ce mystère de la Sainte Trinité soit... un fameux mystère difficilement compréhensible à nos esprits humains, cela est facilement… compréhensible ! L’intelligence humaine étant limitée et imparfaite, comment pourrait-elle saisir la plénitude de la Vérité de Dieu qui est infinie ? On raconte que Saint Augustin, Evêque d'Hippone, en Afrique du Nord, se promenait un jour au bord de la mer, absorbé par une profonde réflexion : il cherchait à comprendre le mystère de la Sainte Trinité. Il aperçoit tout à coup un jeune enfant fort occupé, allant et venant sans cesse du rivage à la mer : cet enfant avait creusé dans le sable un petit bassin et allait chercher de l'eau avec un coquillage pour la verser dans son trou. Le manège de cet enfant intrigue l'Evêque qui lui demande :
- Que fais-tu là ?
- Je veux mettre toute l'eau de la mer dans mon trou.
- Mais, mon petit, ce n'est pas possible ! reprend Augustin. La mer est si grande, et ton bassin est si petit !
- C'est vrai, dit l'enfant. Mais j'aurai pourtant mis toute l'eau de la mer dans mon trou avant que vous n'ayez compris le mystère de la Sainte Trinité.
Sur ces paroles, l'enfant disparait. Augustin réalise alors que c'est un ange qui a pris cette forme pour lui faire comprendre qu'il y a des mystères, c'est-à-dire des Vérités Divines, que l'esprit limité de l'homme ne pourra jamais arriver à comprendre dans leur totalité.
Ce n’est donc que par la foi en la Parole de Dieu et en la Vérité révélée que nous pouvons avoir« accès au monde de la grâce », et au mystère de la Sainte Trinité qu’il nous est impossible de comprendre et de démontrer par les seules facultés de la raison naturelle.
Pour autant, si le mystère de la Sainte Trinité excède les possibilités de la seule raison humaine, elle n’est pas totalement inintelligible, ni contraire à la raison. Nous pouvons ainsi nous en faire quelque idée imparfaite par analogie avec le monde créé dont nous avons l’expérience. Nous y trouvons en effet de nombreux exemples d’unité dans la triplicité. C’est l’homme avec ses trois composantes : le corps, l’esprit et l’âme ; la nature, avec ses trois règnes : minéral, végétal, animal ; la matière, avec ses trois états : solide, liquide, gazeux ; l’espace, avec ses trois dimensions : longueur, largeur, profondeur ; le temps avec son passé, son présent, et son avenir ; l’arbre avec ses trois parties : racines, tronc, branches ; etc.
Conséquences pratiques pour notre vie chrétienne :
1. Il faut nous rappeler souvent que Dieu nous invite essentiellement à partager, des ici-bas, sa vie divine par et dans la Grace sanctifiante, laquelle est précisément sa réelle présence en nos âmes, si celles-ci sont dans de bonnes dispositions spirituelles et morales et donc loin du péché.
2. Le signe de la croix que nous faisons est le signe distinctif du chrétien. Il est essentiellement un résumé et le symbole qui rappelle l’unité de Dieu et la trinité des Personnes Divines, ainsi que les mystères de la création, de l’incarnation et de la rédemption : aimons donc l’utiliser volontiers et faisons-le avec attention et dévotion.
3. Mais c’est surtout par la participation attentive et active au Saint Sacrifice de la Messe que nous avons le merveilleux et très riche moyen de nous unir intimement à la Vie trinitaire de Dieu en ses richesses et en ses largesses divines.
4. La valeur de l’inhabitation de la Trinité dans nos vies. L’inhabitation de la Trinité consiste à croire et à vivre en ayant la conviction que Dieu trinité habite en nous selon les paroles de Jésus-Christ : « Si quelqu’un m’aime, il observe mes commandements, et mon Père l’aimera et nous viendrons en lui, et nous ferons en lui notre demeure » (Jean 24, 23). De façon claire Saint Thomas d’Aquin précise qu’il existe deux habitations de Dieu en nous : l’une en tant qu’il est créateur. Dieu habite intimement chaque atome de toutes ses créatures, depuis les astres en passant par nous-mêmes. Cette habitation n’est pas ressentie. Elle est donc très réelle mais elle est d’ordre métaphysique. L’autre est par grâce et est propre à l’homme et à l’ange : c’est la relation intime de la charité réciproque, intelligence contre Intelligence, coeur à Coeur que Dieu établit. Cette inhabitation-là est donc une relation d’amitié réciproque, sauf chez le tout petit enfant qui n’est pas encore capable de cette réciprocité. C’est cette deuxième relation que les mystiques appellent « inhabitation de la Trinité dans nos âmes », pas la première qui est juste une habitation (pas de réciprocité d’amour).
Dans une lettre rédigée peu de temps avant sa mort, sainte Elisabeth de la Trinité écrit : « C’est ce qui a fait ma vie, je vous le confie, un ciel anticipé : Croire qu’un Être, qui s’appelle l’Amour, habite en nous à tout instant du jour et de la nuit et qu’Il nous demande de vivre en Société avec Lui ».
En 1901, elle écrit à son amie l’importance de cette présence à Dieu : « «Dieu en moi, et moi en Lui », que ce soit notre devise. Que c’est bon cette présence au-dedans de nous, dans ce sanctuaire intime de nos âmes. Là nous Le trouvons toujours quoique par le sentiment nous ne sentions plus Sa présence. Mais Il est là tout de même. C’est là que j’aime le chercher. Tâchons de ne Le laisser jamais solitaire ».
Élisabeth considère donc que la vie spirituelle consiste à vivre par la foi pour aimer Dieu sans cesse. Elle décrit sa vie spirituelle dans une lettre : « Il est en moi, je suis en Lui, je n’ai qu’à l’aimer, qu’à me laisser aimer, et cela tout le temps, à travers toutes choses : s’éveiller dans l’amour, se mouvoir dans l’amour, s’endormir dans l’amour, l’âme en son Âme, le cœur en son Cœur, les yeux en ses yeux, afin que par son contact Il me purifie, me délivre de ma misère». L’amour de charité devient pour Élisabeth la chose la plus importante, ce qu’elle donne comme testament à son amie quelque temps avant de mourir : « A la lumière de l’éternité, l’âme voit les choses au vrai point. Oh ! Comme tout ce qui n’a pas été fait pour Dieu et avec Dieu est vide. Je vous en prie, marquez tout du sceau de l’amour. Il n’y a que cela qui demeure ».
P. Silvio Moreno, IVE