Chers amis devant les terribles situations d'avortement mais aussi d'euthanasie que nous vivons dans nos jours (voir le cas de Vincent Lambert) je vous propose une lecture de la toujours actuelle encyclique Evangelium Vitae de Saint Jean Paul II
A. La culture de la vie face à la culture de la mort. La vie humaine entre le bien et le mal
Il s’agit d’une réalité théologique très profonde. Dans le Livre de l'Apocalypse, le signe grandiose de la Femme (12, 1) s'accompagne d'un second signe apparu au ciel: un énorme Dragon rouge feu (Ap 12, 3), qui représente Satan, puissance personnelle maléfique, et en même temps toutes les forces du mal qui sont à l'œuvre dans l'histoire et entravent la mission de l'Eglise. Marie aide ainsi l'Eglise à prendre conscience que la vie est toujours au centre d'un grand combat entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres. Le dragon veut dévorer l'enfant aussitôt né (Ap 12, 4), figure du Christ, que Marie enfante et que l'Eglise doit constamment donner aux hommes aux différentes époques de l'histoire. Mais cet enfant est aussi comme la figure de tout homme, de tout enfant, spécialement de toute créature faible et menacée. C'est dans la « chair » de tout homme que le Christ continue à se révéler et à entrer en communion avec nous, à tel point que le rejet de la vie de l'homme, sous ses diverses formes, est réellement le rejet du Christ.
B. L'éclipse de la valeur de la vie : notre responsabilité dans la culture de la mort
Le Seigneur dit à Caïn : « Qu'as-tu fait? Ecoute le sang de ton frère crier vers moi du sol! » (Gn 4, 10). La question du Seigneur « qu'as-tu fait ? », à laquelle Caïn ne peut se dérober, est aussi adressée à nous, pour que nous prenions conscience de l'étendue et de la gravité des attentats contre la vie dont l'histoire de l'humanité continue à être marquée ; et afin que nous cherchions les multiples causes qui provoquent ces attentats et qui les alimentent, et que nous trouvions les moyens plus efficaces pour les combattre.
Quels attentats contre la vie humaine aujourd’hui ? Au niveau de la société moderne ils tendent à perdre leur caractère de « crime » et à prendre paradoxalement celui de « droit », au point que l'on prétend à une véritable et réelle reconnaissance légale de la part de l'Etat et, par suite, à leur mise en œuvre grâce à l'intervention gratuite des personnels de santé eux-mêmes. Ces attentats frappent la vie humaine dans des situations de très grande précarité, lorsqu'elle est privée de toute capacité de défense. Encore plus grave est le fait qu'ils sont, pour une large part, réalisés précisément à l'intérieur et par l'action de la famille qui, de par sa constitution, est au contraire appelée à être « sanctuaire de la vie ».
1. Pour favoriser une pratique plus étendue de l'avortement, on a investi et on continue à investir des sommes considérables pour la mise au point de préparations pharmaceutiques qui rendent possible le meurtre du fœtus dans le sein maternel sans qu'il soit nécessaire de recourir au service du médecin.
2. Il est fréquemment affirmé que la contraception, rendue sûre et accessible à tous, est le remède le plus efficace contre l'avortement. On accuse aussi l'Eglise catholique de favoriser de fait l'avortement parce qu'elle continue obstinément à enseigner l'illicéité morale de la contraception. Certes, du point de vue moral, la contraception et l'avortement sont des maux spécifiquement différents : l'une contredit la vérité intégrale de l'acte sexuel comme expression propre de l'amour conjugal, l'autre détruit la vie d'un être humain. Mais, même avec cette nature et ce poids moral différents, la contraception et l'avortement sont très souvent étroitement liés, comme des fruits d'une même plante.
3. Même les diverses techniques de reproduction artificielle ouvrent la porte à de nouveaux attentats contre la vie. Mis à part le fait qu'elles sont moralement inacceptables parce qu'elles séparent la procréation du contexte intégralement humain de l'acte conjugal, ces techniques enregistrent aussi de hauts pourcentages d'échec, non seulement en ce qui concerne la fécondation, mais aussi le développement ultérieur de l'embryon, exposé au risque de mort dans des délais généralement très brefs. Sous prétexte de progrès scientifique ou médical, réduisent en réalité la vie humaine à un simple « matériel biologique » dont on peut librement disposer.
4. Euthanasie : des menaces non moins graves pèsent aussi sur les malades incurables et sur les mourants, dans un contexte social et culturel qui, augmentant la difficulté d'affronter et de supporter la souffrance, rend plus forte la tentation de résoudre le problème de la souffrance en l'éliminant à la racine par l'anticipation de la mort au moment considéré comme le plus opportun.
C. Pourquoi aimer et respecter la vie humaine ? Principes moraux
La vie de l'homme vient de Dieu, c'est son don, son image et son empreinte, la participation à son souffle vital. Dieu est donc l'unique Seigneur de cette vie : l'homme ne peut en disposer. La vie étant sacrée, elle est dotée d'une inviolabilité inscrite depuis les origines dans le cœur de l'homme, dans sa conscience. La question « qu'as-tu fait ? » (Gn 4, 10), posée par Dieu à Caïn après qu'il a tué son frère Abel, traduit l'expérience de tout homme : au plus profond de sa conscience, il lui est toujours rappelé l'inviolabilité de la vie — de sa vie et de celle des autres —, en tant que réalité qui ne lui appartient pas, parce qu'elle est propriété et don de Dieu son Créateur et Père. Donc Défendre et promouvoir la vie, la vénérer et l'aimer, c'est là une tâche que Dieu confie à tout homme, en l'appelant, lui son image vivante, à participer à la seigneurie qu'Il a sur le monde.
La tâche d'accueillir et de servir la vie concerne tout le monde et doit se manifester surtout à l'égard de la vie qui se trouve dans des conditions de plus grande faiblesse. Le Christ lui-même nous le rappelle quand il demande d'être aimé et servi dans ses frères éprouvés par quelque souffrance que ce soit : ceux qui sont affamés, assoiffés, étrangers, nus, malades, emprisonnés... Ce qui est fait à chacun d'eux est fait au Christ lui-même (cf. Mt 25, 31-46).
D. Rien n’est perdu. Signes d'espérance et appel à l'engagement
Le saint pape affirme qu'on dresserait un tableau incomplet, qui pourrait conduire à un découragement stérile, si l'on ne joignait pas à la dénonciation des menaces contre la vie un aperçu des signes positifs efficaces dans la situation actuelle de notre société.
E. Quoi faire ?
Ce panorama fait d'ombres et de lumières doit nous rendre tous pleinement conscients que nous nous trouvons en face d'un affrontement rude et dramatique entre le mal et le bien, entre la mort et la vie, entre la « culture de mort » et la « culture de vie ». Nous nous trouvons non seulement « en face », mais inévitablement « au milieu » de ce conflit : nous sommes tous activement impliqués, et nous ne pouvons éluder notre responsabilité de faire un choix inconditionnel en faveur de la vie. Le choix inconditionnel pour la vie arrive à la plénitude de son sens religieux et moral lorsqu'il vient de la foi au Christ, qu'il est formé et nourri par elle. Rien n'aide autant à aborder positivement le conflit entre la mort et la vie dans lequel nous sommes plongés que la foi au Fils de Dieu qui s'est fait homme et qui est venu parmi les hommes « pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10, 10): c'est la foi au Ressuscité qui a vaincu la mort.
Devant les défis de la situation actuelle, à la lumière et par la force de cette foi, l'Eglise prend plus vivement conscience de la grâce et de la responsabilité qui lui viennent du Seigneur pour annoncer, pour célébrer et pour servir l'Evangile de la vie.
1. Il s'agit de proclamer avant tout le cœur de cet Evangile. C'est l'annonce d'un Dieu vivant et proche. C'est la proclamation du rapport extraordinaire de Jésus avec chaque homme, qui permet de reconnaître en tout visage humain le visage du Christ.
2. En même temps, il s'agit de montrer toutes les conséquences de ce même Evangile, que l'on peut résumer ainsi :
- don de Dieu précieux, la vie humaine est sacrée et inviolable, et c'est pourquoi, en particulier, l'avortement provoqué et l'euthanasie sont absolument inacceptables; la vie humaine non seulement ne doit pas être supprimée, mais elle doit être protégée avec une attention pleine d'amour;
- la vie trouve son sens dans l'amour reçu et donné: c'est à ce niveau que la sexualité et la procréation humaines parviennent à leur authenticité; dans cet amour, la souffrance et la mort ont aussi un sens et, bien que persiste le mystère qui les entoure, elles peuvent devenir des événements de salut;
- le respect de la vie exige que la science et la technique soient toujours ordonnées à l'homme et à son développement intégral ; la société entière doit respecter, défendre et promouvoir la dignité de toute personne humaine, à tous les moments et en tous les états de sa vie.
- Les pasteurs et tous ceux qui ont une mission d'enseignement, de catéchèse et de formation des consciences ne prendront jamais la grave responsabilité de trahir la vérité et leur propre mission en exposant des idées personnelles contraires à l'Evangile de la vie que le Magistère redit et interprète fidèlement.
La famille « sanctuaire de la vie »
A l'intérieur du « peuple de la vie et pour la vie », la responsabilité de la famille est déterminante : c'est une responsabilité qui résulte de sa nature même — qui consiste à être une communauté de vie et d'amour, fondée sur le mariage — et de sa mission de « garder, de révéler et de communiquer l'amour ». Il s'agit précisément de l'amour même de Dieu, dont les parents sont faits les coopérateurs et comme les interprètes dans la transmission de la vie et dans l'éducation, suivant le projet du Père.
La famille est véritablement « le sanctuaire de la vie..., le lieu où la vie, don de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d'une croissance humaine authentique ». C'est pourquoi le rôle de la famille est déterminant et irremplaçable pour bâtir la culture de la vie. C'est une mission qui concerne avant tout les époux, appelés à transmettre la vie, en se fondant sur une conscience sans cesse renouvelée du sens de la génération, en tant qu'événement privilégié dans lequel est manifesté le fait que la vie humaine est un don reçu pour être à son tour donné.
C'est surtout par l'éducation des enfants que la famille remplit sa mission d'annoncer l'Evangile de la vie. Par la parole et par l'exemple, dans les rapports et les choix quotidiens, et par leurs gestes et leurs signes concrets, les parents initient leurs enfants à la liberté authentique qui s'exerce dans le don total de soi et ils cultivent en eux le respect d'autrui, le sens de la justice, l'accueil bienveillant, le dialogue, le service généreux, la solidarité et toutes les autres valeurs qui aident à vivre la vie comme un don.
En outre, la famille célèbre l'Evangile de la vie par la prière quotidienne, personnelle et familiale : dans la prière, elle loue et remercie le Seigneur pour le don de la vie, et elle invoque lumière et force pour affronter les moments de difficulté et de souffrance, sans jamais perdre l'espérance.
On doit accorder aux personnes âgées une place particulière. Dans certaines cultures, la personne plus avancée en âge demeure intégrée dans la famille avec un rôle actif important, mais dans d'autres cultures, le vieillard est considéré comme un poids inutile et on l'abandonne à lui-même : dans ce genre de situation, la tentation de recourir à l'euthanasie peut se présenter plus facilement. La marginalisation ou même le rejet des personnes âgées sont intolérables : c'est là une exigence du commandement divin d'honorer son père et sa mère (cf. Ex 20, 12 ; Lv 19, 3).
Notre appel…éviter le relativisme morale
Nous devons construire tous ensemble une nouvelle culture de la vie : les croyants, même ceux qui participent activement à la vie ecclésiale, tombent trop souvent dans une sorte de dissociation entre la foi chrétienne et ses exigences éthiques à l'égard de la vie, en arrivant ainsi au subjectivisme moral et à certains comportements inacceptables. Il faut alors nous interroger, avec beaucoup de lucidité et de courage, sur la nature de la culture de la vie répandue aujourd'hui parmi les chrétiens, les familles, les groupes et les communautés de nos diocèses.
Avec la même clarté et la même résolution, nous devons déterminer les actes que nous sommes appelés à accomplir pour servir la vie dans la plénitude de sa vérité.
- La première action fondamentale à mener pour parvenir à ce tournant culturel est la formation de la conscience morale au sujet de la valeur incommensurable et inviolable de toute vie humaine. Il n'y a pas de liberté véritable là où la vie n'est pas accueillie ni aimée; et il n'y a pas de vie en plénitude sinon dans la liberté.
- Il est essentiel, ensuite, que l'homme reconnaisse l'évidence originelle de sa condition de créature, qui reçoit de Dieu l'être et la vie comme un don et une tâche: c'est seulement en acceptant sa dépendance première dans l'être que l'homme peut réaliser la plénitude de sa vie et de sa liberté, et en même temps respecter intégralement la vie et la liberté de toute autre personne.
- Il serait illusoire de penser que l'on puisse construire une vraie culture de la vie humaine sans aider les jeunes à comprendre et à vivre la sexualité, l'amour et toute l'existence, en en reconnaissant le sens réel et l'étroite interdépendance. La sexualité, richesse de toute la personne, « manifeste sa signification intime en portant... au don de soi dans l'amour». La banalisation de la sexualité figure parmi les principaux facteurs qui sont à l'origine du mépris pour la vie naissante: seul un amour véritable sait préserver la vie. On ne peut donc se dispenser de proposer, surtout aux adolescents et aux jeunes, une authentique éducation à la sexualité et à l'amour, une éducation comprenant la formation à la chasteté, vertu qui favorise la maturité de la personne et la rend capable de respecter le sens « sponsal » du corps.
- La démarche de l'éducation à la vie comporte la formation des époux à la procréation responsable. Dans sa portée réelle, celle-ci suppose que les époux se soumettent à l'appel du Seigneur et agissent en interprètes fidèles de sa volonté: il en est ainsi quand ils ouvrent généreusement leur famille à de nouvelles vies, demeurant de toute manière dans une attitude d'ouverture et de service à l'égard de la vie, même lorsque, pour des motifs sérieux et dans le respect de la loi morale, les époux choisissent d'éviter une nouvelle grossesse, temporairement ou pour un temps indéterminé. C'est précisément cette attitude qui rend légitime, pour aider l'exercice de la responsabilité dans la procréation, le recours aux méthodes naturelles de régulation de la fertilité: scientifiquement, elles ont été précisées de mieux en mieux et elles offrent des possibilités concrètes pour des choix qui soient en harmonie avec les valeurs morales.
- La démarche éducative ne peut manquer de prendre aussi en considération la souffrance et la mort. En réalité, elles font partie de l'expérience humaine et il est vain autant qu'erroné de chercher à les occulter ou à les écarter. Au contraire, chacun doit être aidé à en saisir le mystère profond, dans sa dure réalité concrète. Même la douleur et la souffrance ont un sens et une valeur, quand elles sont vécues en rapport étroit avec l'amour reçu et donné.
Conclusion
Personne ne doit se sentir exclu de cette mobilisation pour une nouvelle culture de la vie: tous ont un rôle important à jouer. Il dépend largement d'eux que les jeunes, formés à une liberté véritable, sachent garder en eux-mêmes et répandre autour d'eux des idéaux de vie authentiques, et qu'ils sachent grandir dans le respect et dans le service de toute personne, en famille et dans la société.
Apostolat pro vie : Concrètement pour implémenter dans notre communauté ou paroisse (dans un groupe paroissial) :