D) Quatrième vérité : l'homme du Suaire est mort crucifié.
La Croix et la crucifixion (archéologie) : Le Dr. C. Truman Davis[1], en suivant en même temps le Dr. Pierre Barbet, écrit que «la première pratique connue de la crucifixion fut par les Perses. Alexandre et ses généraux l'ont ramenée dans le monde méditerranéen en Égypte et à Carthage. Les Romains ont semble-t-il appris la pratique des Carthaginois et (comme avec presque tout ce que les Romains ont touché) ils l'ont rapidement développé à un degré très élevé d'efficacité et de compétence. Un certain nombre d'auteurs romains (Livie, Cicéron, Tacite) présentent leurs observations sur la crucifixion, et plusieurs innovations, modifications, et variations sont décrites dans la littérature antique. La forme la plus commune utilisée au temps de notre Seigneur, cependant, était la croix de Tau, formée comme notre T. Le patibulum était placé dans une entaille en haut du poteau. Il y a des évidences archéologiques qui démontrent que c'était sur ce type de croix que Jésus a été crucifié ». Par rapport à la forme de la croix, en suivant la thèse de Barbet, qui cite à son tour le Père Holzmeister, il semble que les Pères de l'Eglise aient opté pour la +, mais Holzmeister ne déduit cette opinion que de certaines comparaisons qu'ils font de la croix… En somme, nous ne trouvons dans la Patrologie aucune affirmation bien nette dans ce sens. Par contre, Dom Leclerc cite trois textes du Pseudo-Barnabé, d'Origène et de Tertullien, où la forme de la croix en T ne fait pas de doute. Tertullien rappelle le passage d'Ezéchiel, où le Seigneur ordonne à celui-ci de marquer le front des hommes de Jérusalem d'un Tau (c'est le nom du T grec), ajoutant que c'était une préfiguration du signe de la croix, que les chrétiens tracent sur leur front.
« Les Evangiles, écrit le Père Holzmeister, n'indiquent en rien la forme de la croix. Le titulus qui était, dit saint Matthieu, «au-dessus de sa tête», ne prouve pas que le stipe dépassait en haut le patibulum. Cela soulève, en effet aucune difficulté. Le titulus était fixé au patibulum du T par une tige de bois et quatre clous, comme je l'ai réalisé pour bien des crucifix ; il pouvait même compléter un peu sur une face du patibulum et être cloué directement sur lui. Il est même possible que la saillie du titulus au-dessus du patibulum ait été à l'origine de la forme des croix grecque que latine… Il faut d'ailleurs se rappeler que, lorsque parurent les premiers crucifix, encore très rares, fin Vème siècle (ivoire du British Museum), VIème siècle (porte de Sainte-Sabine, l'Evangéliaire de Rabula), il y avait déjà près de deux siècles que la crucifixion avait été abolie par Constantin (313, au plus tard 330) et que les artistes n'avaient jamais vu un crucifié. Saint Augustin, à l'aube du Vème siècle, déclare qu'on n'a pas crucifié à Rome depuis très longtemps. La forme a donc été choisie par les artistes pour des motifs qui n'ont rien à voir avec la réalité: raisons esthétiques; facilité de placer le titulus bien visible au-dessus de la tête de Jésus. Les deux formes seront toujours représentées dans l'art de toutes les époques, au gré des artistes »[2].
La mort du Christ : Passons maintenant à la mort du Christ. D'après St Augustin aucune manière de mort violente n'était plus terrible que la mort sur la croix. Le crucifié normalement meurt par asphyxie. Pour Jésus par contre, il fallait ajouter sa souffrance physique précédente à la crucifixion. Donc la cause de la mort sur la croix nous la trouvons dans les deux théories suivantes, et les deux se complémentent. La théorie du trouble de la cadence cardio-vasculaire. Selon cette théorie, la flagellation, les coups, et la fixation de Jésus à la croix l'auraient laissé déshydraté, faible et gravement malade. Aussi, le Christ était exposé à un jeu complexe de blessures physiologiques simultanées: la déshydratation, les traumatismes massifs et le déchirement des tissus souples (en particulier à la suite de la flagellation), la respiration insuffisante, et l'effort physique intense, auraient provoqué en lui une cadence cardio-vasculaire[3]. Et la suite proposée par le grand chirurgien Pierre Barbet[4]. Il a émis l'hypothèse que Jésus aurait eu à détendre ses muscles pour obtenir assez d'air pour prononcer ses dernières paroles, tout en s'asphyxiant d'épuisement. En effet, le poids du corps reposait exclusivement sur les jambes. Il arrivait parfois que les jambes des condamnés soient brisées afin d'accélérer l'étouffement.
Pour confirmer cette théorie dira le Dr. Truman: « Le pied gauche est pressé vers l'arrière contre le pied droit, et avec les deux pieds étendus, les orteils vers le bas, un clou est enfoncé à travers l'arche de chaque pied, laissant la possibilité aux genoux de se plier un peu. La victime est maintenant crucifiée. Alors qu'il s'affaisse lentement en mettant plus de poids sur les clous dans les poignets, une douleur atroce est déclenchée le long de ses doigts et explose dans son cerveau - les clous dans les poignets mettent de la pression sur les nerfs médians. Quand il se redresse pour éviter ce tourment causé par l'étirement, il place tout son poids sur le clou dans ses pieds. Une fois de plus, il y a une agonie fulgurante causée par le clou déchirant ses nerfs entre les os du métatarse des pieds. Rendu à ce point, alors que les bras se fatiguent, de grandes vagues de crampes balaient ses muscles, les nouant dans une douleur élançante, profonde et sans répit. Ces crampes l'empêchent de se redresser. Pendant par les bras, les muscles pectoraux sont incapables de faire leur travail. L'air peut être aspiré dans les poumons, mais ne peut être exhalé. Jésus lutte pour se soulever afin de pouvoir prendre une petite respiration. Finalement, le dioxyde de carbone s'accumule dans ses poumons et dans son sang ce qui le soulage partiellement de ses crampes. De manière spasmodique, il est capable de se soulever pour exhaler et inhaler ensuite l'oxygène qui le maintien en vie.
C'est sans aucun doute durant ces périodes qu'il a pu prononcer sept courtes phrases retenues dans les Évangiles. Jésus passe des heures de douleur sans limite; crampes qui lui tordent et déchirent les ligaments, asphyxie partielle intermittente, douleur fulgurante où les tissus déchirés dans son dos lacéré sont frottés contre le bois rugueux quand il se soulève pour respirer. Ensuite une autre agonie débute... Une douleur écrasante, profonde et terrible dans sa poitrine alors que le péricarde se remplit lentement de sérum et commence à comprimer le cœur. La perte de fluide des tissus a atteint un niveau critique ; le cœur comprimé lutte pour pomper du sang lourd, épais qui monte lentement dans les tissus ; les poumons torturés font un effort frénétique pour inhaler des petites bouffées d'air. Les tissus déshydratés de manière marquante envoient leur flot de stimuli au cerveau…».
Voici donc, en résumé, du point de vue humain, scientifique les causes de la mort de Jésus. Des causes prédisposantes multiples, qui l'ont amené, physiquement diminué, épuisé, au plus terrible supplice qu'ait imaginé la malice des hommes, ou plutôt, selon les mots du docteur Barbet: « voici toutes les circonstances plus ou moins nocives, au milieu desquelles Il est mort, par le moyen desquelles Il a voulu mourir. Car, ainsi que le prédisait Isaïe (LIII, 7): «Il s'est offert parce que Lui-même l'a voulu».
Après la mort du Christ : «Probablement, reprend le Dr. Truman, pour s'assurer que Jésus était vraiment mort, un légionnaire perce le côté de Jésus, dans le cinquième espace entre ses côtes, vers le haut, à travers le péricarde et dans le cœur. Jean 19, 34 rapporte que: « aussitôt il sortit du sang et aussi de l'eau ». Cela causa une fuite d'eau provenant du sac entourant le cœur, donnant une preuve post mortem que notre Seigneur crucifié n'est pas mort seulement par suffocation, mais que son cœur a aussi souffert suite au choc et à la compression du cœur par le fluide dans le péricarde».
Le Dr. Barbet affirme en toute certitude que le sang vient tout naturellement du Cœur et il ne peut venir que de là en telle quantité. Mais d'où vient l'eau ? Selon ses premières autopsies, il avait remarqué que le péricarde contenait toujours une quantité de sérosité (hydropéricarde) suffisante pour qu'on la vît couler à l'incision du feuillet pariétal. Disait-il : « …si on enfonce brutalement le couteau, on voit sortir de la plaie une large coulée de sang; mais on peut distinguer sur ses bords qu'il s'écoule une quantité moins importante de sérosité péricardique».
L'eau était donc du liquide péricardique. Et on peut supposer qu'après l'agonie exceptionnellement pénible comme nous l’avons vu plus haut, que fut celle du Sauveur, cet hydropéricarde était particulièrement abondant, suffisant pour que saint Jean, témoin oculaire, ait pu voir distinctement couler du sang et de l'eau. Barbet dit en effet « que la sérosité ne pouvait être pour Jean que de l'eau, dont elle a l'apparence. Comme il n'y a dans le corps d'autre eau que des sérosités, il ne peut s'agir d'eau pure. Nous disons d'ailleurs nous-mêmes «hydropéricarde», c'est-à-dire eau contenue dans le péricarde».
Quant à l'origine de cet hydropéricarde. Il y a eu plusieurs hypothèses, mais celle du Dr. Barbet est la plus certaine: il s’agit d'un hydropéricarde agonique ou bien d’une «péricardite séreuse traumatique». Cette péricardite, en suivant les conclusions des savants, a été provoquée par les coups, les bastonnades et surtout la flagellation atroce subie sur le thorax, au prétoire. « De telles violences pourraient déterminer une péricardite qui, après un stade très court d'hyperhémie n'excédant pas, souvent quelques heures, amène un épanchement sérieux rapide et abondant ».
E) Cinquième vérité : Une douleur terrible. La plus grande.
En effet, Saint Thomas nous explique que, soit les douleurs physiques, soit la douleur interne (la tristesse) que le Christ a pu endurer, furent les plus intenses dans ce monde. Et cela pour les raisons suivantes :
1° Par rapport aux causes de la douleur. La douleur sensible fut produite par une lésion corporelle. Elle atteignit son paroxysme, soit en raison de tous les genres de souffrances, soit aussi en raison du mode de la passion; car la mort des crucifiés est la plus cruelle: ils sont en effet cloués à des endroits très innervés et extrêmement sensibles, les mains et les pieds. De plus le poids du corps augmente continuellement cette douleur; et à tout cela s'ajoute la longue durée du supplice, car les crucifiés ne meurent pas immédiatement, comme ceux qui périssent par le glaive. Quant à la douleur intérieure du coeur, elle avait plusieurs causes; en premier lieu, tous les péchés du genre humain pour lesquels il satisfaisait en souffrant. Puis, particulièrement, la chute des juifs et de ceux qui lui infligèrent la mort, et surtout des disciples qui tombèrent pendant sa Passion. Enfin, la perte de la vie corporelle, qui par nature fait horreur à la nature humaine.
2° On peut mesurer l'intensité de la douleur à la sensibilité de celui qui souffre, dans son âme et dans son corps. Or le corps du Christ était d'une complexion parfaite, puisqu'il avait été formé miraculeusement par l'Esprit Saint. Rien n'est plus parfait que ceux souffrants la tristesse intérieure, et même la douleur extérieure sont tempérés par la raison, en vertu de la dérivation ou rejaillissement des puissances supérieures sur les puissances inférieures. Or, chez le Christ souffrant, cela ne s'est pas produit, puisque, à chacune de ses puissances «il permit d'agir selon sa loi propre», dit S. Jean Damascène.
3° On peut enfin évaluer l'intensité de la douleur du Christ d'après le fait que sa souffrance et sa douleur furent assumées volontairement en vue de cette fin: libérer l'homme du péché. Et c'est pourquoi il a assumé toute la charge de douleur qui était proportionnée à la grandeur ou fruit de sa passion. Toutes ces causes réunies montrent à l'évidence que la douleur du Christ fut la plus grande[5].
Un dernier regard sur le Saint-Suaire afin de comprendre ce qu’il nous dit ? « Il parle avec le sang, et le sang est la vie! Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang; le sang d'un homme flagellé, couronné d'épines, crucifié et transpercé au côté droit. L'image imprimée sur le Saint-Suaire est celle d'un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d'amour et de vie. En particulier cette tâche abondante à proximité du flanc, faite de sang et d'eau ayant coulé avec abondance par une large blessure procurée par un coup de lance romaine, ce sang et cette eau parlent de vie. C'est comme une source qui murmure dans le silence, et nous, nous pouvons l'entendre, nous pouvons l'écouter, dans le silence du Samedi Saint »[6].
[1] Le Dr. C. Truman Davis est un ophtalmologiste respecté nationalement, il est vice-président de l'Association Américaine d'Ophtalmologie, et il est un personnage impliqué dans les mouvements scolaires chrétiens. Il est le fondateur et le président de l'excellente Trinity Christian School à Mesa en Arizona, et un administrateur du Collège à Grove City. http://www.croixsens.net/souffrance/souffrancedejesus.php
[2] Cf. Pierre Barbet, La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien, Apostolat des éditions/Éditions Paulines, 1965. Première édition : Éditions Dillen & Cie, 1950. Le Dr. Pierre Barbet, décédé en 1961, chirurgien français, était médecin à l’Institut Saint Joseph de Paris. Il a fait une recherche historique et expérimentale approfondie sur les aspects médicaux de la passion de Jésus à partir du Linceul du Turin et a écrit intensivement sur le sujet. Il fut un homme de foi profonde et de grand savoir. Parmi ses oeuvres, nulle ne lui tenait plus à coeur que LA PASSION DE N. S. JÉSUS-CHRIST SELON LE CHIRURGIEN. Pour consulter cliquez le lien : http://mondieuetmontout.com/Menu-P.-Berthe-Doc.-t.s.s.-La-passion-de-N.S.J.-selon-le-chirurgien.html
[3] The Physical Death Of Jesus Christ, Study by The Mayo Clinic qui citent des études de Bucklin R (The legal and medical aspects of the trial and death of Christ. Sci Law 1970; 10:14-26), Mikulicz-Radeeki FV (The chest wound in the crucified Christ. Med News 1966;14:30-40), Davis CT (The crucifixion of Jesus: The passion of Christ from a medical point of view. Ariz Med 1965;22:183-187), et Barbet P (A Doctor at Calvary: The Passion of Out Lord Jesus Christ as Described by a Surgeon, Earl of Wicklow (trans) Garden City, NY, Doubleday Image Books 1953, pp 12-18 37-147, 159-175, 187-208).
[4] Cf. Pierre Barbet, op.cit, version numérique « archéologie de la crucifixion ».
[5] Cf. Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa, q. 46, a. 5–8.
[6] Cf. Benoit XVI, méditation citée.