La souffrance comme moyen de maturation
Je voudrais maintenant que nous parlions et méditions sur la souffrance comme moyen de maturation. Pas seulement la souffrance de la maladie ou la souffrance physique, mais plutôt la souffrance qui vient de faire le bien, d’être juste dans un monde qui ne l’est pas, la souffrance de suivre toujours la vérité, etc. Peut-être il sera difficile d’en parler en considérant notre âge très jeune. Mais je crois qu’il vaut la peine. Je vais prendre donc en considération pour cette méditation des réflexions proposées par le Pape Benoit XVI dans son encyclique « Spes Salvi » adaptées bien sûr à notre sujet.
Première vérité : La souffrance fait partie de l'existence humaine. Elle découle, dit le pape Benoit XVI, d'une part, de notre finitude et, de l'autre, de la somme de fautes qui, au cours de l'histoire, s'est accumulée et qui encore aujourd'hui grandit sans cesse. Nous pouvons penser par exemple aujourd’hui à la guerre. Il faut certainement faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance: empêcher, dans la mesure où cela est possible, la souffrance des innocents; calmer les douleurs; aider à surmonter les souffrances psychiques. Oui, nous devons tout faire pour surmonter la souffrance, mais l'éliminer complètement du monde n'est pas dans nos possibilités – simplement parce que nous sommes faibles, limités. Dieu seul pourrait le réaliser: seul un Dieu qui entre personnellement dans l'histoire en se faisant homme et qui y souffre. Nous savons que ce Dieu existe et donc que ce pouvoir est présent dans le monde.
Justement là où les hommes, soit dans la propre vie personnelle comme communautaire cherchent à éviter tout ce qui pourrait signifier souffrance, là où ils veulent s'épargner la peine et la douleur de la vérité, de l'amour, et de la justice, ils tombent dans une existence vide, dans laquelle peut-être n'existe pratiquement plus de souffrance, mais où il y a un manque de sens de la valeur de la propre vie et une grande solitude. Soyons claires, ce n'est pas le fait d'éviter la souffrance, de fuir devant la douleur, qui guérit l'homme et le fait mûrir, mais la capacité d'accepter les tribulations et de mûrir par elles, d'y trouver un sens par l'union au Christ, qui a souffert avec un amour infini. Voilà pourquoi en réalité c’est la souffrance qui devient pour nous source de maturation.
Donc la mesure de l’homme mature se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Un homme qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer, par la miséricorde, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée plus légèrement est un homme immature. L’homme est un immature si personnellement ne réussit pas à trouver dans la souffrance (petite ou grande), dans les difficultés un sens, un chemin de purification et de maturation, et surtout un chemin d'espérance, de vie éternelle.
Un autre signe de maturité important est aussi la capacité d'accepter la souffrance par amour du bien, de la vérité et de la justice. Ce point est important pour nous les jeunes d’aujourd’hui tellement tentés au bien-être matériel. Cette souffrance est constitutive de la mesure de maturation d’une personne. La vérité et la justice doivent être au-dessus de mon confort et de mon intégrité physique, autrement ma vie elle-même devient mensonge. Le «oui» à l'amour est aussi source de souffrance, parce que l'amour exige toujours de sortir de mon moi, sinon je me laisse émonder et blesser. L'amour ne peut exister sans ce renoncement qui m'est aussi douloureux à moi-même, autrement il devient pur égoïsme.
Souffrir par amour de la vérité et de la justice; souffrir à cause de l'amour et pour devenir une personne qui aime vraiment – ce sont des éléments fondamentaux de maturation humaine. Mais en sommes-nous capables? se demande le Pape Benoit XVI. La vérité est-elle pour moi si importante pour payer la souffrance? La promesse de l'amour est-elle si grande pour justifier le don de moi-même? La foi chrétienne nous a montré que vérité, justice, amour ne sont pas simplement des idéaux, mais des réalités de très grande densité. La foi chrétienne nous montre en effet que Dieu a voulu souffrir pour nous et avec nous en son fils bien aimé. De là, que nous ne sommes pas seuls dans notre souffrance. Il y a toujours Quelqu’un avec nous. La consolation de l'amour qui vient de Dieu est une étoile d’espérance. Pour cela dans les épreuves vraiment lourdes, où je dois faire mienne la décision définitive de placer par exemple la vérité avant le bien-être ou la carrière, la possession, la certitude de la véritable, de la grande espérance de la Vie éternelle, de la récompense éternelle, devient nécessaire.
Nous avons dit tout à l’heure que la capacité de souffrir par amour de la vérité est la mesure de notre maturité; cependant, cette capacité de souffrir dépend du genre et de la mesure de l'espérance que nous portons en nous et sur laquelle nous construisons. Si mon espérance est basée sur le Ciel, alors ma capacité de souffrir sera toujours plus grande.
Finalement le pape Benoit XVI nous propose une dernière considération qui n'est pas du tout insignifiante pour les événements de chaque jour et qui fait partie aussi de notre maturation humaine. Il s’agit de la pensée de pouvoir et de savoir «offrir» les petites peines du quotidien, qui nous touchent toujours de nouveau comme des piqûres plus ou moins désagréables, leur attribuant ainsi un sens. Que veut dire «offrir»? Dans ce sens-là offrir peut signifier le fait d’être convaincu de pouvoir insérer dans la grande souffrance du Christ nos petites peines. Je peux le faire par exemple par la prière et la participation à l’eucharistie. De cette manière aussi les petites tristesses du quotidien pourraient acquérir un sens et contribuer au bien de la société, de l’humanité, et de l'amour entre les hommes. Dans mes années de service avec les souffrants, j’ai toujours aidé les malades à pouvoir offrir leurs souffrances pour le bien de missionnaires ou de personnes en besoin, pour pardonner les ennemis, etc. Peut-être devrions-nous nous demander vraiment si une telle chose ne pourrait pas redevenir une pratique concrète et réelle pour nous aussi?
Pour notre prière personnelle. Je t'offre ma souffrance. « Seigneur Jésus, je veux, aujourd'hui, t'offrir ma souffrance. C'est sur la croix que tu nous as sauvés tous. Eh bien, Seigneur, prends ma croix et mets-la sur la tienne. Que ma douleur aide ceux qui en ont besoin: qu'elle féconde le travail des pères et des mères de famille, des missionnaires, des responsables dans l'Église, de tous ceux que tu as appelés à l'annonce de ton Évangile. Qu'elle vienne en aide aussi à tous ceux qui sont plus malades ou souffrants que moi et particulièrement aux personnes qui vont te rejoindre bientôt. Te donner ma douleur et te prier, c'est à peu près tout ce que je peux faire maintenant. Mais cela, je le fais de bon cœur. C'est ma manière à moi de travailler pour toi et de me rendre utile aux autres. Merci, Seigneur Jésus ».