Un héritage transmis par les parents à leurs enfants
« Seuls l’homme et la femme chastes
sont capables d’un véritable amour »,
écrivait le pape Saint Jean-Paul II.
Introduction
Le rapport final du synode des évêques sur la famille explique que «Le mariage chrétien ne peut pas se réduire à une tradition culturelle ou à une simple convention juridique : c'est un véritable appel de Dieu qui exige un discernement attentif, une prière constante et une maturation adéquate. Il faut donc des parcours de formation qui accompagnent la personne et le couple ». Et dans l’article n. 31, ils insistent en disant que cette formation doit commencer avec la catéchèse initiale et qu’elle doit faire en sorte de rendre attractive la vertu de chasteté comprise comme intégration des sentiments en favorisant la donation totale personnelle.
En suivant cet appel et en voyant en vous de futures mères qui aurons la belle mais aussi lourde responsabilité d’éduquer vos enfants avec l’aide de vos maris, nous vous proposons comme thème de réflexion la vertu de la chasteté[1], son éducation et sa transmission, car la chasteté doit être comprise comme l’un des plus beaux héritages que les parents transmettent à leurs enfants.
Trois questions pour commencer et prendre conscience d’une triste réalité :
Combien de fois avez-vous entendu parler, chez vous et dans vos maisons, dans vos familles de la valeur de la chasteté ?
Avez-vous reçu dès votre enfance une saine et adéquate éducation sexuelle vers l’amour vrai et total ?
Avez-vous entendu parler de la pudeur ?
Deux constats donc : manque de connaissances correcte sur la sexualité selon le plan de Dieu et manque d’une bonne compréhension de la chasteté. Relativisme moral et culturel avec en conséquence une perte des valeurs et donc peu d’envie pour affronter ce défi.
Avoir les idées justes sur la chasteté
Pour cela il faut commencer par le commencent. Nous devons tout d’abord casser certains tabous, certains mensonges sur la chasteté et la sexualité.
La chasteté ne signifie pas tout simplement « abstention » des relations sexuelles. Elle signifie plutôt « abstention » des relations sexuelles en dehors du mariage définitif et scellé devant Dieu. Mais dans le mariage, chasteté signifie usage de la sexualité de façon ordonnée et toujours ouverte à la conception de la vie.
La chasteté n’est pas seulement une attitude extérieure (qui consisterait par exemple à porter des jupes longues et se couvrir le corps), mais plutôt un regard intérieur pur (Mt 6, 22). Je reviendrai là-dessus.
La chasteté n’est pas du manichéisme : cette idéologie des premiers siècles qui considérait le corps et le sexe comme venant du mal et donc mauvais.
La chasteté n’est pas un facteur culturel… mais plutôt une valeur humaine qui dépasse toute culture ; parce qu’elle est liée à la nature humaine qui est la même partout et toujours.
La chasteté ne signifie pas stérilité ou infertilité, elle n’est pas démodée, elle n’est pas ridicule, elle n’est pas impossible…
Donc chasteté signifie une qualité (vertu) permanente, une inclinaison, une bonne énergie qui va nous permettre d’utiliser notre sexualité d’une façon saine, ordonnée selon la raison et non pas selon la sensualité, donc gouvernée par l’intelligence et qui en même temps sera illuminée par la prudence et la foi chrétienne. Donc cette qualité va nous permettre d’aimer l’autre vraiment, de vivre un amour authentique. Sa fonction secondaire par contre sera de freiner, modérer, canaliser l’envie sexuelle.
Pour mieux comprendre, notre sexualité est comme le feu ou comme l’énergie atomique… si on l’utilise bien, elle produit du bien, mais si on l’utilise mal, elle produira du mal (le luxurieux, le violeur, l’infidèle, le polygame, le violent, le pédophile,...sont des exemples du mal causé par un mauvais usage de la sexualité). Donc il nous faut un canal qui nous aide à canaliser cette énergie… c’est ça la chasteté. Voilà pourquoi c’est seulement dans une vie chaste et pure que le sexe bien utilisé perfectionnera celui de qui il émane, celui qui le reçoit et la vie qui fructifie: l’enfant.
Or la pureté et la chasteté sont une capacité (donc toujours en positif) qui ne peuvent pas se maintenir seules. Une table a besoin de ses pieds pour tenir debout. De même, la chasteté a besoin de la « pudeur », c’est-à-dire de la capacité qui agit sur le milieu dans lequel se vit la chasteté: les regards, les contacts, les comportements, les modes, etc. Sans un entourage correct, la chasteté ne serait pas toujours possible. Pour mieux comprendre, nous avons parlé de la sexualité comme un feu, et bien la pudeur ce serait la benzine, le combustible qui nourrit ce feu, c’est-à-dire tout ce qui peut provoquer le feu. Saint Thomas dira : « la pudicité est ordonnée à la chasteté, non comme une vertu qui en serait distincte, mais comme exprimant un certain environnement de la chasteté »[2].
Mais puisque la personne est une seule chose, corps et âme, nous avons besoin aussi pour maintenir la chasteté et la pureté, de la générosité, de la mortification c’est-à-dire du renoncement, de l’humilité, du pardon, de la patience, etc. Cela est important parce que les actes sont de la personne et ils la révèlent en tant que telle. Si nous connaissons ses actes, alors nous allons pouvoir connaitre aussi sa sensualité et sa sexualité (entendu dans le sens de connaitre son comportement sexuel), mais attention parce qu’on peut se forger une image différente de la réalité pendant un certain temps et puis, après le mariage, dévoiler sa vrai nature, cachée jusqu’ici… C’est pour cela qu’il faut aussi connaitre la façon de penser de l’autre, sa façon de juger des choses, sa docilité à la réalité, et surtout sa relation avec Dieu. Parfois on regarde seulement l’aspect extérieur, mais peu de fois le comportement et la pensée de l’autre. Il n’y a pas longtemps une fille est venue me voir pour me dire que son copain lui avait dit que même après le mariage, si elle ne tombait pas enceinte, il la quitterait et partirait ailleurs pour refaire sa vie.
Pour vivre la chasteté il faut donc aussi avoir une bonne connaissance de celui qui va partager notre vie et cela vous devez aussi le transmettre à vos enfants.
Avançons encore un peu. Pour vivre et grandir dans la chasteté, il faut éviter quelques idées erronées sur la sexualité et les dangers dans son exercice[3]. Voici énoncés quelques mauvais usages de la sexualité et des dangers auxquels ils conduisent :
-On vit la sexualité quand on veut, c’est normal, tout le monde le fait.
-Le relativisme moral et culturel nous fait croire que sexualité signifie « félicité ». Le P. Benedict Goeschel disait que même si nous rencontrons souvent des gens qui probablement ont eu des rapports sexuels la nuit ou les jours précédents, ils ne se montrent pas pour autant heureux, bien au contraire on découvre dans leurs visages le stress, la tristesse et les angoisses de leur vie.
-vivre la sexualité comme forme d’auto-compassion. Auto-compassion qui cache derrière une sorte de complexe d’infériorité. Cette attitude dégénère souvent dans des comportements sexuels désordonnés y compris la masturbation.
-vivre la sexualité comme comportement du aux sentiments de haine et de colère envers le monde, vers soi-même et vers Dieu. Une personne en colère contre la vie et fâchée avec Dieu peut extérioriser sa frustration et sa dépression par un comportement sexuel désordonné.
-l’usage du sexe à la suite de rencontres amoureuses inattendues, souvent lorsque deux personnes qui se rencontrent passent par des moments difficiles. « …Au milieu de ma crise matrimoniale j’ai trouvé la personne qui me comprenne vraiment, celle qui aime vraiment… ». Cela peut commencer par quelque chose de superficiel puis finir par une relation amoureuse illicite notamment entre personnes déjà mariés.
-Finalement, le danger d’un mauvais usage de la sexualité c’est de laisser la porte ouverte à l’action du démon qui agit dans les perversions sexuelles, notamment en ce qui concerne les déviations sexuelles, la destruction de la vie par l’avortement et la fermeture à la vie par la contraception.
Il est vrai que les jeunes, les mariés et aussi les fiancés sont plus que jamais appelés à vivre la chasteté, l’amour pur. La vertu de chasteté est nécessaire à tout homme. Donc ce n’est pas une vertu pour des gens particuliers, c’est une vertu pour tous. En fait, on ne va pas dire à un jeune de 15 ans : « Ne t’en fais pas, tu vas te marier ; après, tu pourras faire ce que tu veux ». Pas du tout ; on lui dira : « Courage, il faut lutter, il faut essayer de lutter contre ces passions ». Et en faisant cela, on lui dit : « Tu pourras ainsi aimer plus et aller plus loin dans l’amour ».
L’Education à la chasteté
C’est la question qui se pose… la chasteté est importante, mais comment l’obtenir ? Le langage peut varier mais la doctrine est toujours la même. Cela veut dire qu’il y a des principes importants à apprendre et que si nous ne faisons pas un travail sérieux afin de pouvoir pratiquer ces principes il y n’aura pas de vie chaste.
Selon l’enseignement de l’Eglise une bonne éducation à la chasteté doit atteindre trois objectifs: a) conserver dans la famille un climat positif d'amour, de vertu et de respect des dons de Dieu, en particulier du don de la vie; b) aider graduellement les enfants et les jeunes à comprendre la valeur de la sexualité et de la chasteté en soutenant leur maturation par la parole, l'exemple et la prière; c) les aider à comprendre et à découvrir leur propre vocation au mariage ou à la virginité consacrée pour le Royaume des cieux en harmonie avec les aptitudes, dispositions et dons de l'Esprit qui leur sont propres, et dans le respect de ces dispositions[4]. Ce dernier point est important parce que cette éducation donne liberté à la personne de suivre la volonté de Dieu et non pas ses sentiments ou ses passions.
Mais l’Eglise insiste sur le fait que cette tâche est la première obligation des parents, et que personne d’autres ne peut occuper leur place. Sur ce point le Magistère de l'Eglise s'est exprimé clairement, en relation avec l'ensemble de la question de l'éducation des enfants: «Le rôle éducatif des parents est d'une telle importance que, en cas de défaillance de leur part, il peut difficilement être suppléé. C'est aux parents, en effet, de créer une atmosphère familiale, animée par l'amour et le respect envers Dieu et les hommes, telle qu'elle favorise l'éducation totale, personnelle et sociale, de leurs enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales nécessaires à toute société»[5]. Il ne faut jamais oublier pour cela que les parents sont les premiers et les principaux éducateurs de leurs enfants et qu’ils ont aussi une compétence fondamentale dans ce domaine: ils sont éducateurs parce que parents. C’est leur droit et leur devoir.
Mais l’Eglise insiste aussi et met en garde les parents sur le contexte actuel de l’éducation à la chasteté. Elle dénonce l'utilitarisme en tant que civilisation de la production et de la jouissance, une civilisation « des choses » et non des « personnes », une civilisation dans laquelle les personnes sont utilisées comme on utilise des choses... Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner certains programmes d'éducation sexuelle, introduits dans les écoles souvent malgré l'avis contraire et même les protestations de nombreux parents. Voilà pourquoi aujourd’hui plus que jamais et dans un tel contexte, il est nécessaire que les parents, se référant à l'enseignement de l'Eglise, et avec son appui, revendiquent ce qui est leur tâche, et, s'associant là où cela est nécessaire, développent une action éducative inspirée par les vraies valeurs de la personne et de l'amour chrétien, prenant là une position claire qui l'emporte sur l'utilitarisme éthique.
Eléments d’éducation
Voici quelques éléments pour une bonne éducation à la chasteté et au vrai amour conjugal.
Positivement il faut dire que les éducateurs doivent :
- Eduquer non seulement à la vertu de chasteté mais aussi veiller à un environnement qui soutienne la chasteté : « Il est par conséquent nécessaire de souligner le fait que l'éducation à la chasteté est inséparable de la tâche de cultiver toutes les autres vertus, et, en particulier, l'amour chrétien qui est caractérisé par le respect, l'altruisme et le service et qui, en définitive, a pour nom charité. La sexualité est un bien de grande importance, qu'il est nécessaire de protéger en suivant l'ordre de la raison illuminée par la foi… Il en découle que l'éducation à la chasteté «implique nécessairement la maîtrise de soi, laquelle présuppose des vertus comme la pudeur, la tempérance, le respect de soi et des autres, l'ouverture au prochain »[6].
Pudeur et modestie : La pureté demande la pudeur. Celle-ci est une partie intégrante de la tempérance. La pudeur préserve l’intimité de la personne. Elle désigne le refus de dévoiler ce qui doit rester caché. Elle est ordonnée à la chasteté dont elle atteste la délicatesse. Elle guide les regards et les gestes conformes à la dignité des personnes et de leur union[7].
« La pratique de la pudeur et de la modestie, dans le parler, l'agir et l'habillement, est très importante pour créer un climat adapté à la maturation de la chasteté; mais elle doit être bien motivée par le respect dû à son propre corps et à la dignité des autres. Comme il a été dit, les parents doivent veiller afin que certaines modes et certaines attitudes immorales ne violent pas l'entrée de la maison, en particulier à travers un mauvais usage des mass media »[8]. Dans un autre écrit nous avons parlé du problème de la cyberdépendance[9].
Juste intimité : « En étroite connexion avec la pudeur et la modestie, qui sont une défense spontanée de la personne qui refuse d'être vue et traitée comme objet de plaisir au lieu d'être respectée et aimée pour elle-même, on doit considérer le respect de l'intimité: si un enfant ou un jeune voit qu'on respecte sa juste intimité, alors il saura que l'on attend de lui une attitude semblable vis-à-vis des autres. De cette façon, il apprendra à cultiver son sens propre de responsabilité vis-à-vis de Dieu, développant sa vie intérieure et son goût de la liberté personnelle, qui le rendent capable de mieux aimer Dieu et les autres »[10].
La maitrise de soi : « Tout cela nous ramène de façon générale au contrôle de soi, condition nécessaire pour être capable de faire don de soi. Les enfants et les jeunes doivent être encouragés à estimer et à pratiquer l'auto-contrôle et la retenue, à vivre avec ordre, à faire des sacrifices personnels dans un esprit d'amour pour Dieu, de respect de soi et de générosité pour les autres, sans étouffer les sentiments et les tendances, mais en les canalisant dans une vie vertueuse ». Du coup l’importance de savoir éduquer positivement dans la mortification personnelle.
Pour examiner notre conscience
Si nous prétendons sonder le cœur à ce niveau, outre le fait de considérer tout d’abord quel est le jugement personnel que nous avons sur les désordres contre la chasteté, nous devrions aussi examiner nos dispositions pour pouvoir vivre sereinement cette vertu en nous posant les questions suivantes et surtout en sachant y répondre en toute vérité:
-
est-ce que je vis la pudeur?
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Quelle est mon attitude face aux occasions de péché? Nous en parlerons tout à l’heure.
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Est-ce que je m’y expose sans nécessité?
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Suis-je curieux devant des questions relatives au sexe?
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Suis-je assez souple par rapport au domaine de mes passions, et de mes mortifications?
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Est-ce que je me donne des permissions qui préparent le cœur à tomber dans le péché?
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Suis-je «mondain» dans mes pensées, mes goûts et mes regards?
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Est-ce que je regarde internet sans besoin, ou bien seul?
-
Est-ce que j’utilise la télévision, internet, le cinéma, etc., comme une fuite de l’ennui ou de la solitude?
-
Est-ce que je fais attention à ce que je regarde dans les journaux et dans les revues?
-
Ai-je des lectures mondaines, dangereuses, qui stimulent mon imagination?, etc.
-
Quelle est la façon dont je m’habille quotidiennement et pour les occasions particulières ?
-Aider à la bonne compréhension du rôle de paternité et maternité responsable. Ainsi la formation des jeunes à la chasteté devra devenir une préparation à la paternité et à la maternité responsables qui «se rapportent directement au moment où l'homme et la femme, s'unissant ‘en une seule chair’, peuvent devenir parents. C'est un moment riche et spécialement significatif pour leurs relations interpersonnelles comme pour le service qu'ils rendent à la vie: ils peuvent devenir parents — père et mère — en communiquant la vie à un nouvel être humain. Les deux dimensions de l'union conjugale, l'union et la procréation, ne peuvent être séparées artificiellement sans altérer la vérité intime de l'acte conjugal même »[11].
Négativement il faut en générale apprendre aux enfants et aux jeunes à éviter les falsifications de l’amour :
- La contraception et la procréation artificiel : les éducateurs ne peuvent pas passer sous silence la gravité morale que comporte la séparation de la dimension unitive d'avec la dimension procréative dans le cadre de la vie conjugale, telle qu'elle se réalise surtout avec la contraception et dans la procréation artificielle: dans le premier cas, on entend rechercher le plaisir sexuel tout en intervenant sur l'expression de l'acte conjugal afin d’éviter une conception: dans le second cas, on recherche la conception en substituant une technique à l'acte conjugal. Cela est contraire à la vérité de l'amour conjugal et à la pleine communion des époux.
Tout à l’heure nous présenterons par rapport à ce sujet un résumé de la doctrine du Bienheureux pape Paul VI dans son extraordinaire encyclique ‘Humanae Vitae’. Encyclique, d’ailleurs, que tous les jeunes fiancés et les époux devraient lire et étudier ensemble.
- Stérilisation et avortement : Il est également nécessaire de présenter aux jeunes les conséquences, toujours graves, qui dérivent de la séparation de la sexualité et de la procréation lorsqu'on arrive à pratiquer la stérilisation et l'avortement, ou à poursuivre la pratique de la sexualité dissociée de l'amour conjugal, avant et au dehors du mariage (nous avons déjà parlé des relations sexuelles avant le mariage).
- La théorie du genre : c’est le grand problème d’aujourd’hui. Il faut aussi rappeler comment, dans les sociétés économiquement développées, les adolescents sont préoccupés et parfois perturbés non seulement par les questions de l'identité de soi, de la recherche de leur projet de vie, et de l'intégration de la sexualité dans une personnalité mûre et bien orientée, mais encore par l'acceptation de soi et de son corps. Il se crée des centres spécialisés de consultation et de cure pour adolescents souvent caractérisés par des conceptions purement hédonistes. Une saine culture du corps, conduisant à s'accepter soi-même comme don et incarnation d'un esprit appelé à l'ouverture à Dieu et à la société devra accompagner la formation durant cette période hautement constructive mais non dénuée de risques.
Face aux propositions des groupes hédonistes, en particulier dans les sociétés du bien-être, il est très important de faire valoir aux jeunes les idéaux de solidarité humaine et chrétienne et de leur indiquer les modalités concrètes pour s'engager dans les associations et les mouvements d'Eglise et dans le bénévolat catholique et missionnaire.
Les amitiés sont très importantes durant cette période. Suivant les conditions et les usages sociaux du lieu où ils vivent, l'adolescence est un temps où les jeunes jouissent d'une plus grande autonomie dans leurs rapports avec les autres et vis-à-vis des horaires de la vie de famille. Sans restreindre leur juste autonomie, les parents doivent savoir dire non à leurs enfants lorsque cela est nécessaire et en même temps cultiver chez eux le goût de ce qui est beau, noble et vrai. Ils doivent aussi faire attention à l'estime de soi de l'adolescent, qui peut passer au travers d'une phase de confusion lorsqu'il devient incertain à propos de la dignité personnelle et de ses exigences[12].
-La lecture de livres de formation bien choisis et conseillés est d'une grande aide à la fois parce qu'elle offre une formation plus large et profonde et parce qu'elle fournit des exemples et des témoignages sur le chemin de la vertu.
Dans le cadre de l’amour
Premièrement, créer un climat favorable à l’amour. Un principe important à considérer lors de l’éducation à la chasteté et à la sexualité est qu’elle doit se placer dans le cadre plus large de l'éducation à l'amour. Il ne suffit donc pas de communiquer des informations sur les relations sexuelles associées à des rappels de principes moraux objectifs. Il faut encore aider les consciences des jeunes, dans cette perspective de l’amour vrai, à la croissance de la vie spirituelle, afin que le développement biologique et les pulsions qu'ils commencent à ressentir se trouvent toujours accompagnées d'un amour sincère croissant pour Dieu Créateur et Rédempteur et d'une conscience toujours plus grande de la dignité de chaque personne humaine et de son corps.
Deuxièmement donner du sens à cette éducation qui doit porter des valeurs pour lesquelles il vaut la peine de se sacrifier. L'objectif de l'œuvre éducative est, pour les parents, et les éducateurs, de transmettre à leurs enfants et aux jeunes la conviction que la chasteté est possible dans leur état de vie propre et qu'elle apporte la joie, la paix. La joie vient de la conscience de la maturation et de l'harmonie de sa propre vie affective, qui, étant don de Dieu et don de l'amour, permet de réaliser le don de soi dans le cadre de sa propre vocation.
Troisièmement, l’éducation ne sera jamais efficace si l’on ne construit pas, mais pour construire il faut tout d’abord poser les fondations de la construction. Ces fondations ce sont la grâce de Dieu et l’amour de Jésus-Christ.
-La grâce de Dieu : l'aide de Dieu ne nous manque jamais, si chacun fait l'effort nécessaire pour correspondre à la grâce de Dieu.
-Vigilance et prière[13] : Les moyens recommandés par le divin Rédempteur lui-même pour protéger efficacement notre vertu sont une vigilance assidue et attentive, grâce à laquelle nous faisons soigneusement ce qui est en notre pouvoir: Veillez et priez afin que vous n’entriez point en tentation ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible. Pour cela il faut avant tout que nous veillions sur les mouvements des passions et des sens, et que nous les maîtrisions par une austérité volontaire de vie et les pénitences corporelles de façon à nous soumettre à la juste raison et à la loi de Dieu.
-Conserver le calme devant les tentations qui ne sont pas un péché, mais fuir toute occasion de péché. Pour éviter l’impureté et cultiver la chasteté, il est très important de fuir les occasions de péchés. Vous me demanderez quelles sont les occasions de péché. Et bien je vous donnerai un exemple qui nous aidera à bien comprendre ce que nous voulons dire.
Cet exemple est tiré de l’expérience de l’abbé Grosjean. C’est une drôle histoire mais tristement réelle :
« - Mon père, je suis heureux, elle vient me voir ce week-end. Elle monte à Paris, de Lyon c’est rapide, on va avoir du temps pour échanger…
- Génial ! Tiens, dis-moi… tu as trouvé une chambre d’hôtel pas trop chère pour elle ?
- Euh… non… à Paris, ça coute trop cher, je suis étudiant, je n’ai pas un sou.
- Elle va loger chez une de tes amies du coup ?
-Euh… ce n’est pas vraiment ce qui est prévu. En fait, elle doit loger chez moi.
- Ah, c’est cool. Tu as une chambre d’ami ?
-Ben non… j’ai juste une chambre d’étudiant, vous savez.
-Du coup, tu vas dormir dans le salon ?
-Ah non, c’est que c’est vraiment qu’une chambre d’étudiant. La taille d’un lit. Le salon c’est dans ma chambre. Comme ma douche et ma cuisine… 10m2, quoi, la taille d’un lit.
-Ah… et tu as prévu de dormir par terre ?
- Euh… sans vous mentir… ce n’était pas trop prévue… Mais… mon Père, qu’est-ce que vous allez imaginer ? Il ne se passera rien, je vous promets !
- Tu te fous de moi ! Tu es fou amoureux d’elle, elle est magnifique et folle amoureuse de toi… vous allez passer deux nuits dans un lit une place, trop petit pour toi… et tu vas me faire croire que vous allez vous contenter de jouer au Monopoly ? Tu me prends pour un c… ou tu es c… ? »[14].
Pas d’explication. Vous êtes intelligents. On dit « à force de jouer avec le feu, on finit par se brûler ».
-La prière : « Il ne faut jamais oublier que la chasteté parfaite est un don supérieur qui vient de Dieu. Saint Jérôme dit nettement à ce sujet: «Cela a été donné, à ceux qui l’ont demandé, qui l’ont voulu, qui ont peiné pour l’obtenir. Celui qui demande recevra, celui qui cherche trouvera, et à celui qui frappe, il sera ouvert». Saint Ambroise ajoute que de la prière dépend la constante fidélité des vierges envers le divin Époux. Et saint Alphonse de Liguori, avec son ardente piété, enseigne qu’il n’y a rien de plus nécessaire et de plus sûr pour vaincre les tentations contre cette belle vertu de la pureté que de se réfugier aussitôt près de Dieu dans la prière »[15].
-Les sacrements : si les enfants et les jeunes expérimentent les effets de la grâce et de la miséricorde de Dieu dans les sacrements, en particulier l’eucharistie et la réconciliation, ils seront en mesure de bien vivre la chasteté comme un don de Dieu, pour sa gloire et pour l'aimer, Lui et les autres hommes.
-L'assistance ou direction spirituelle, même s'il n'est pas obligatoire qu'elle coïncide avec le rôle du confesseur, constitue une aide précieuse pour l'illumination progressive des étapes de la maturation et pour le soutien moral.
-La dévotion à Marie : « Pour garder une chasteté sans tache et parfaite, et pour la faire grandir, il existe un moyen remarquable et qui n’a cessé de faire ses preuves au cours des siècles: c’est une dévotion solide et fervente envers la Vierge Mère de Dieu. D’une certaine manière, tous les autres moyens se trouvent contenus dans cette dévotion; celui qui en est animé sincèrement et profondément est sans aucun doute poussé à veiller attentivement, à prier et à s’approcher avec fruit du tribunal de la Pénitence et de la Table sainte »[16].
Cependant beaucoup disent ne pas avoir la force de vivre la chasteté. Pire encore, d’autres, dont des membres de l’Eglise, comme par exemple le Cardinal Kasper, (promoteur de plusieurs théories erronées pour les familles en difficultés) pensent explicitement que la plupart des chrétiens qui se préparent au mariage ou qui vivent des situations matrimoniales difficiles (pensons par exemple aux divorcés remariés) ne sont pas capables de faire et de vivre ce que l’Eglise a toujours demandé (« l’héroïsme n’est pas fait pour le chrétien moyen » disent-ils), c’est-à-dire la vertu de chasteté.
Quelques théologiens[18] ont eu le courage d’affirmer qu’il serait difficile d’exiger de la part des fiancés et des couples d’aujourd’hui, voir même des jeunes, la pratique de la vertu de chasteté, et une vie de pureté qui, sans un charisme particulier de l’Esprit, deviendrait téméraire.
Que dire alors de tous les textes du magistère de l’Eglise qui encouragent la pratique de la continence et de la chasteté : sont-ils téméraires ? Que dire aussi de toutes les familles partout dans le monde qui ont décidé d’être fidèles à ces enseignements évangéliques sans avoir forcement ce charisme particulier de l’Esprit ? Que dire de tous les jeunes qui cherchent à vivre l’amour pur ? Y-a-t-il un test afin de savoir si l’on a ou pas ce charisme pour ne pas pécher de témérité ?
Que dire alors du récent discours du Pape François aux jeunes de Turin ?Je cite : « …Et maintenant je sais que vous êtes de bons jeunes, permettez-moi de vous parler franchement. Sans faire le moraliste, je voudrais dire un mot qui ne plaît pas, un mot impopulaire. Le pape aussi, parfois, doit prendre des risques pour dire la vérité. L’amour est dans les faits, dans la communication, mais il est très respectueux des personnes, il n’utilise pas les personnes, l’amour est chaste. A vous, jeunes de ce monde, un monde hédoniste, où seul le plaisir est plébiscité, où ne comptent que « vivre bien » et « faire la belle vie », je dis : soyez chastes, soyez chastes ! Nous avons tous traversé des moments où cette vertu était difficile à tenir, mais c’est le chemin à suivre pour aller vers un amour authentique, un amour qui sait donner la vie, qui n’essaie pas d’utiliser l’autre pour son plaisir. C’est un amour qui considère que la vie de l’autre est sacrée: je te respecte, je ne veux pas t’utiliser. Cela n’est pas facile. Nous savons tous combien il est difficile de surmonter cette conception « facile » et hédoniste de l’amour. Pardonnez-moi si je dis une chose à laquelle vous ne vous attendiez pas, mais je vous demande: faites l’effort de vivre un amour chaste ».
Malheureusement, l’un des problèmes qui est la base de situations difficiles au cours des fiançailles et du mariage est la « méfiance » sur la possibilité de vivre la vertu de chasteté. La mentalité désormais installée chez nos jeunes est celle de penser que c’est impossible, que cela n’a pas d’importance puisque tout le monde le fait.
C’est vraiment dommage de ne pas encourager les jeunes d’aujourd’hui et les jeunes couples à vivre la continence et la chasteté selon leur propre état de vie. Et cela dépend aussi de nous les prêtres qui parfois n’avons pas le courage d’en parler à haute voix. Il faut l’avouer: cette mentalité s’impose grâce aussi à notre silence.
Le fait de ne pas prêcher aujourd’hui l’importance et la nécessité de cultiver cette vertu et de savoir s’efforcer afin d’y parvenir avec la grâce de Dieu, signifie abandonner les personnes à l’esclavage du sexe, des rapports sexuels pré-matrimoniaux, des relations adultérines, à la contraception, etc. Serait-ça la pastorale dont nous parlons tant aujourd’hui, c’est-à-dire l’office amoureux du pasteur qui guide et protège ses brebis ?
Le Christ appelle toutes les personnes selon leur propre état de vie, soit célibataire, soit mariée, soit séparée, à vivre la chasteté dans la joie, la générosité et la sincérité. Et il donne la grâce nécessaire pour vivre cette vertu. Dans les Evangiles, Jésus proclame cet appel et cette promesse, mais avec un avertissement fort : ce qui est cause du péché doit être « arraché» et « jeté loin, car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier n’aille pas dans la géhenne » (Mt 5, 27-32). En effet dans le Sermon sur la Montagne, la chasteté est l’âme et le cœur de l’enseignement de Jésus sur le mariage, le divorce et l’amour conjugal.
Notre Seigneur, lors de la prédication du sermon sur la montagne, avait pleinement confiance que tous ses auditeurs (en tout temps) auraient la force de vivre cet héroïsme. Autrement, pourquoi aurait-il prononcé de telles exigences, sachant que les gens ne pourraient pas les accomplir ?
Notre Seigneur, clairement, ne faisait pas confiance à la seule nature de l’homme, mais à sa grâce donnée à tous ceux qui veulent lui rester fidèle. Donc la continence, qui est une façon de vivre la chasteté, n’est pas seulement un charisme particulier de l’Esprit, mais une vertu à portée des mains pour tous ceux qui veulent vivre le vrai amour.
Certes, sans la grâce de Dieu, il est impossible d’accomplir la loi naturelle, vu notre état de nature blessée par le péché originel. Voilà pourquoi nous devons faire confiance à Dieu qui nous donnera les grâces nécessaires pour accomplir ce qu’il nous demande: « Demandes-tu la continence ?, écrivait Saint Augustin, donne-nous ce que tu demandes et commande ce que tu veux »[19]. Et le Concile de Trente complète cette phrase en disant : « Car Dieu ne commande pas des choses impossibles (1 Jn. 5. 3.) ; mais en commandant, il avertit de faire ce que l'on peut, de demander ce qu'on ne peut pas faire ; il aide, afin qu'on le puisse »[20].
Il n’est pas difficile pour nous aujourd’hui de nous rendre compte que la culture actuelle ne soutient pas la chasteté comme possible, bien au contraire, elle la proclame même dangereuse dans certaines cultures dont elle est complètement abolie. Cependant nous savons, et nous le savons par la foi et par la sagesse des païens, que la chasteté est d’une importance extrême. Particulièrement la virginité pour les femmes. C’est pour cette raison que les peuples barbares violaient les femmes des ennemis, mais condamnaient à mort ceux qui touchaient leurs vierges, considérées comme sacrées. Et les romains de la décadence, qui divorçaient aussi souvent qu’ils changeaient de vêtement, exigeaient que ce soient les vierges vestales qui gardent le feu sacré et assurent ainsi l’existence même de l’empire.
Pouvons-nous penser alors que la chasteté est une vertu privilégiée pour un groupe select de chrétiens ? Le Christ enseigne que la chasteté est possible, même dans les situations les plus difficiles, parce que la grâce de Dieu est plus forte que le péché. Et donc toute éducation morale et sexuelle doit partir de cette prémisse.
Conclusion
Tout ce que nous avons dit est tellement important que de cette tâche éducative qui a sa place dans le dessein de Dieu, dans la structure même de la sexualité, dans la nature intime du mariage et de la famille, dépend en large part l'ordre moral et l'harmonie conjugale de la famille et, de ce fait, dépend aussi le bien même de la société. Pour cela nous comprenons bien pourquoi les différents lobbys travaillent à la destruction de la sexualité et de la famille : ils contribuent ainsi à la destruction de la société et une fois la société détruite, il n’y a plus de valeur, plus de histoire, plus d’avenir.
Je termine avec un texte de l’Apôtre Saint Paul très important qui fonde la tache éducative dans le domaine de la chasteté et en générale de la sexualité. C’est la Parole de Dieu. Puissions-nous la méditer, comprendre et mettre en pratique : «Tout m’est permis », dit-on, mais je dis : « Tout n'est pas bon ». « Tout m’est permis », mais moi, je ne permettrai à rien de me dominer. Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments ; or Dieu fera disparaître et ceux-ci et celui-là. Le corps n’est pas pour la débauche, il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps; et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera nous aussi. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Vais-je donc prendre les membres du Christ pour en faire les membres d’une prostituée? Absolument pas! Ne le savez-vous pas? Celui qui s’unit à une prostituée ne fait avec elle qu’un seul corps. Car il est dit : Tous deux ne feront plus qu’un. Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit. Fuyez la débauche. Tous les péchés que l’homme peut commettre sont extérieurs à son corps ; mais l’homme qui se livre à la débauche commet un péché contre son propre corps. Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps (1 Cor 6, 12-20).
Le Père de Blignières a cette phrase : « Que les femmes soient des femmes est la condition sine qua non pour que les hommes soient des hommes »[21].
P. Silvio Moreno, IVE
[1] Conférence donnée par le P. Silvio Moreno, IVE aux jeunes filles de la Cathédrale de Tunis le dimanche 15 novembre 2015.
[2] Cf. Saint Thomas, Somme Theologique, II-II, q.151, a.4
[3] Cf. Groeschel, The Courage to be Chaste, p. 70-74.
[4] Conseil pontifical pour la famille, vérité et signification
de la sexualité humaine: des orientations pour l'éducation en famille, n. 22.
[7] Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, 2521.
[9] Cf. P. Silvio Moreno, Cyberdépendance et cyberpornographie, Tunis 2015.
[13] Cf. Pie XII, Sacra Virginitas, n. 50-51.
[14] Cf. Grosjean, Aimer en vérité, p. 97.
[15] Pie XII, Sacra... n. 60.
[17] Je suivrai librement quelques idées du P. Miguel Fuentes, Salvar el matrimonio o hundir la civilización; aportes para el sínodo de la familias 2015, San Rafael, 2015, p. 92-98.
[18] Garrigues Jean-Miguel, O.P, “Chiesa di puri” o «Nassa composita”?, Intervista di Antonio Spadaro S.I., La Civiltà Cattolica, n. 3959, (junio 2015), 508.
[19] San Agustín, Confesiones, X, 29, 40.
[20]Concilio de Trento, Decreto sobre la justificación, c. 11; DH 1536.
[21] Louis-Marie de Blignières, « Le rôle décisif du père dans l’éducation », Priorités éducatives, DMM, 2014, p. 240