1. Première image du fils pécheur
Ce fils est l’image même que les pharisiens se faisaient du pécheur. Important de considérer pour mieux comprendre l’image du père et du fils ainé.
A. Fils révolté, revendiquant son Independence, il représente bien l’athéisme de tous les temps: profiter des biens de Dieu sans le reconnaitre, être loin de Dieu, faire ce qu’on veut sans contrôle : « ni Dieu ni maitre ». Ce n’est pas seulement d’aujourd’hui.
B. De plus ce fils d’Israël est descendu au plus bas de l’abjection. Il s’est vendu comme esclave à un païen, et donc, il ne pratique plus le Sabbat, ni les rites d’alimentation : il élève des porcs, animal impur, interdit, répugnant.
C. Même du simple point de vue humain, il n’est pas moral de vivre ainsi : c’est un débauché, un dégradé, en régression vers l’animalité. Il vit lui-même comme un porc : le fric, la bouffe, le sexe, moi…moi…
2. Seconde image du père miséricordieux
Le second tableau, où le Père entre en scène, est caractérise par une extrême délicatesse de touche et un art achevé de suggérer à l’esprit du lecteur beaucoup plus de choses que les mots n’en peuvent exprimer. Ses actions :
-Comme il était encore loin, son père l’aperçut
-fut saisi de compassion
-il courut se jeter à son cou
-il le couvrit de baisers...
Cette façon de pardonner est un don. Tout d’abord c’est la façon de pardonner de Dieu, et plus encore. Le père de la parabole attend son fils, mais il ne va pas le chercher. Dieu, qui sait tout, ne perd jamais de vue le pécheur, il le suit dans ses égarements, il le sollicite par sa grâce, il n’omet rien pour le ramener jusqu’à la dernière minute. Le pécheur ne chercherait pas Dieu, si Dieu ne l’avait cherché le premier. Rien de plus touchant que l’accueil du père du prodigue, son empressement à courir au-devant de son fils, son émotion, ses larmes, sa paternelle étreinte ; combien plus touchant est l’accueil que Dieu réserve au pécheur repentant qui revient vers lui avec un esprit humble, qui reconnait ses fautes et qui demande pardon!
3. Troisième image des bénéfices du pardon de Dieu
Le Père lui donne le plus beau vêtement pour l’habiller : Il « revêt » à nouveau son âme d’innocence, car la confession, accompagnée d’une bonne contrition, lui rend tout ce que le péché lui avait fait perdre, en y ajoutant la grâce du sacrement.
Une bague au doigt : Il contracte avec elle une alliance, éternelle de sa nature qu’il ne violera pas le premier, Dieu est toujours fidèle.
Des sandales aux pieds : Il lui garantit les secours qui l’empêcheront, si elle en fait usage, de se blesser et de se souiller au chemin de la vie.
Le veau gras pour manger et fêter : Enfin, dit le P. Prat, n’ayant plus rien à donner, il se donne lui-même dans l’eucharistie, scellant et consommant la réconciliation dans ce banquet sacré. « Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé ».
Quelqu’un pourrait cependant penser que nous avons dépassé la nature du langage parabolique. On suivant l’opinion du P. Prat, nous disons seulement que, si l’on transpose la parabole pour l’appliquer à Dieu, ces choses viennent naturellement à l’esprit.
4. Quatrième image de l’enfant ainé jaloux et fâché
Cette réflexion ne serait pas complète sans tenir compte de la réaction du fils aîné. Il est assez négligé par les lecteurs et prédicateurs. Qui représente-t-il? Après avoir retracé le tableau du pécheur repentant et réconcilié avec Dieu, Jésus nous donne maintenant une description du caractère des Pharisiens et de leurs homologues spirituels.
Le fils aîné s’est montré hostile devant le retour de son frère. En fait, il était furieux et jaloux. Durant toutes ces années de fidèle ‘service’, il n’a jamais été visiblement récompensé. Or voilà que son frère revient, après avoir gaspillé sa fortune et le père lui organise un festin. « Où est la justice dans tout cela », demande le fils aîné. « L’immoralité de mon frère aurait-elle plus de mérite que ma loyauté? ». Il y avait en effet une apparente injustice. Il n’a pas compris cependant que le père a traité le fils conformément à la miséricorde qui cherche à réparer le mal qui l’envahi, et non pas comme il le méritait humainement parlent. Son père lui pardonna et le réintégra en tant que fils, même s’il ne méritait plus de l’être. C’est ainsi que la justice miséricordieuse de Dieu agit avec ceux qui se repentent véritablement.
Sainte Thérèse de l’enfant Jésus exprime cette grande vérité en disant : « Quelle joie de penser que Dieu est juste, c’est-à-dire, qu’il tient compte de nos faiblesse, qu’il connait parfaitement la fragilité de notre nature humaine! Pourquoi donc avoir peur? Ah! Le Dieu infiniment bon qui s’est daigné pardonner avec tant de miséricorde tous les péchés du fils prodigue, ne se montrera-t-il juste envers moi qui suis toujours à son coté? »[1].
Nous avons naturellement tendance à nous identifier au fils prodigue qui est accueilli affectueusement par le père. Mais pour être honnête, avouons qu’il y a en chacun de nous un peu de l’esprit du fils aîné. Qui d’entre nous n’a jamais critiqué ceux dont la vie n’était pas à la hauteur de nos valeurs? « Ton fils », dit l’aîné. Façon cachée de lui dire: « C’est de ta faute ». « Ton frère », lui répond le père. Oui, nous dit le Père divin maintenant, c’est mon fils, mais c’est aussi ton frère, aussi vrai que tu es « mon enfant ». Si lui est mon fils et que toi tu es mon enfant, il est ton frère. Alors aime-le, pardonne-le, comme je l’aime et je le pardonne, comme je t’aime et je te pardonne, et autant que moi!
P. Silvio Moreno, IVE
[1] Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, écrits autobiographiques, 8.