APPARITIONS, REVELATIONS ET DEVOTION MARIALES

APPARITIONS, REVELATIONS ET DEVOTION MARIALES

1. Qu’est-ce qu’une apparition ?

Manifestation visible d’un être invisible, préternaturel ou surnaturel… Pour le sujet qui nous occupe, intervention ponctuelle de Marie, mère de Jésus, qui se manifeste à une ou plusieurs personnes et dialogue avec elle(s), délivrant un message pour l’ensemble de la communauté. Le message délivré par la Vierge vise toujours à réactualiser la bonne nouvelle de l’Evangile, et - tout en rappelant que Dieu est le principe et le lieu final de toute paix - ce message est le plus souvent un appel à la conversion, à la pénitence et à la prière. Ainsi les apparitions de Lourdes, de la Salette, de Fatima et autres ce sont de « révélations privées » pour bien les distinguer de la Révélation publique contenue dans l’Ecriture Sainte et transmise à tous par la Tradition de l’Eglise. Bien que cette Révélation est close avec le nouveau testament, rien empêche que Dieu puisse continuer d’adresser des messages à certains, non pour compléter sa Révélation mais pour aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire[1].   

« Etant donné que la vue et le toucher sont les deux sens qui rendent compte de la façon la plus directe de la réalité objective, il se produit, dans l’apparition ce que les théologiens appellent "le sentiment de la présence". En fait, la personne témoin d’une apparition est convaincue d’être en contact immédiat avec l’objet qui s’est manifesté à elle, et non pas d’en subir une influence quelconque ou de se trouver face à une image, à une reproduction de cet objet »[2].

2. Critères retenus par l’Eglise

Gerson, auteur d’un traité sur le Discernement des esprits (De probatione spiritum), indiquait déjà au XIVème siècle (traité « sur la distinction des vraies et des fausses visions ») cinq signes permettant de reconnaître les véritables révélations :

- l’humilité,

- la discrétion,

- la patience du voyant,

- la vérité des révélations,

- la charité ou l’amour de Dieu,

« Il est des personnes tellement remplies des fantômes de l’imagination qu’elles croient voir réellement tout ce qu’elles pensent ». (Sainte Thérèse d’Avila, Château de l’Ame, Sixième Demeure).

« L’âme pure et simple, prudente et humble, doit employer toutes ses forces et toute sa diligence à repousser et à rejeter les révélations et les visions comme les plus dangereuses tentations ». (Saint Jean de la Croix, La Montée du Carmel, 2, chap.27).

C’est une prudence semblable qui préside aux décisions de l’Eglise, face à ces phénomènes surnaturels. Les critères qu’elle retient lors de ses examens sont de trois ordres :

- critère historique : examen approfondi des différentes sources relatives à l’événement, informations, témoignages, etc.

- critère psychologique : analyse de la personnalité du voyant (sur les plans intellectuel, psychique, spirituel…), et du contexte social, religieux… dans lequel il vit.

- critère théologique examen des conditions dans lesquelles se produit l’apparition, aspect physique et s’il y a lieu contenu des messages, etc. : orthodoxie (conformité à la foi et aux mœurs) et transparence (références à Dieu, au Christ, à l’Evangile, au service de Dieu et des hommes…) sont de rigueur. Les signes (guérisons, conversions, miracles, …) sont également étudiés avec soin.

Les experts de la 42ème semaine mariale à Saragosse en 1986 ont dénombré au moins 21.000 apparitions mariales depuis l’an 1000, mais l’Eglise n’en a authentifié officiellement qu’une quinzaine. Au cours de ce seul XXème siècle, il a été recensé près de 400 apparitions mariales (ou prétendues telles), et 200 pour la seule période de 1944 à 1993. Pour 7 d’entre elles, l’évêque local a reconnu le caractère surnaturel des faits : Fatima (1917, Portugal), Beauraing (1932, Belgique), Banneux (1933, Belgique), Akita (1973, Japon), Syracuse (1953, Italie), Betania (1976, Venezuela), et tout récemment Kibeho (1981, Rwanda), auxquelles il faut ajouter Zeitoun (1968, Egypte) et Shoubra (1983, Egypte), reconnus par le pape de l’Eglise copte. Dans 17 cas, l’évêque - indépendamment d’un jugement concernant le caractère surnaturel des faits - a autorisé l’expression d’un culte sur les lieux de l’apparition. Enfin, 79 d’entre elles ont reçu un jugement négatif.

Pourquoi parfois un jugement négatif ? Il y a une raison théologique : «Les anges déchus gardent leur noble nature d’ange et, de par leur supériorité d’être, leur supériorité d’action. Puisque par leur nature ils sont supérieurs aux hommes, leur domination sur la matière dépasse celle que possèdent les hommes à tel point que certaines de leurs actions paraissent des miracles. L’homme dépourvu de science et d’expérience n’arrive pas à les distinguer des miracles proprement dits : œuvres de forces dépassant celles de la créature. Aussi Satan a-t-il été appelé « le thaumaturge prestigieux ». Sa puissance est étonnante, quand il se sert de moyens créés, et surprenante est la puissance des gens qui s’appuient sur lui, aussi saint Thomas d’Aquin a-t-il pu écrire : « Tous les faits qui, dans ce monde, tombent sous l’expérience des sens, peuvent être produits par les démons agissant non seulement par leurs propres forces, mais aussi en se servant des forces de la nature »[3]. Voilà pourquoi il nous faut donc cultiver la vigilance, la prudence, et surtout... l’humilité !

3. Positions de l’Eglise sur les Apparitions

« Il faut savoir que l’approbation donnée par l’Eglise à une révélation privée n’est pas autre chose que la permission accordée, après un examen attentif, de faire connaître cette révélation pour l’instruction et le bien des fidèles. A de telles révélations, même approuvées par l’Eglise, on ne doit pas et on ne peut pas accorder un assentiment de foi (dogme) ; il faut seulement, selon les lois de la prudence, leur donner l’assentiment de la croyance humaine, pour autant que de telles révélations soient probables et croyables pour la piété. [...] En conséquence, on peut ne pas accorder son assentiment à de telles révélations et s’en détourner, pourvu qu’on le fasse avec la modestie convenable, pour de bonnes raisons et sans intention de mépris »[4].

« Les apparitions ou révélations ne sont ni approuvées ni condamnées par le Saint Siège, mais seulement permises comme pouvant être crues pieusement et de foi humaine selon les données et la valeur des témoignages »[5].

« En cette matière l’Eglise use d’une telle prudence qu’elle ne permet point que l’on relate ces traditions dans des écrits publics, sinon avec de grandes précautions et après insertion de la déclaration imposée par Urbain VIII. Encore ne se porte-t-elle pas garante, même dans ce cas, de la vérité du fait. Simplement elle n’empêche pas de croire des choses auxquelles les motifs de foi humaine ne font pas défaut »[6].

Il faut aussi lire les critères et normes de discernement des apparitions et révélations établies par la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 27 février 1978.

4. Pourquoi ces apparitions ?

Ce que ces messages multipliés de Notre-Dame viennent rappeler, tout en alertant notre monde en danger, c’est toujours Dieu. Les apparitions nous rappellent à la fois la transcendance et la familiarité de Dieu, son irremplaçable présence, sa Providence divine. Dieu a délégué Marie auprès du Fils de Dieu, pour le familiariser avec les hommes. Il la délègue auprès des hommes pour les familiariser avec Dieu. Elle est une délégation privilégiée de la Miséricorde de Dieu parmi les hommes. Elle a reçu pour cela, au pied de la Croix, sa vocation de Mère des hommes. Ainsi la Vierge penchée sur la crèche, la Vierge de Cana et la Vierge des apparitions, c’est la même, comme disait si bien sainte Catherine Labouré. Elle continue d’intercéder pour nous auprès du Christ en disant : « Ils n’ont plus de vin ». Elle continue de nous répéter, comme aux serviteurs de Cana, en nous montrant le Christ : Tout ce qu’il vous dira, faites-le (Jean 2,5).

5. Quelques dévotions et apparitions particulières

Pour question du temps je voudrais seulement m’arrêter sur les deux grandes dévotions au Maghreb célébrées en Avril-Mai : Notre Dame d’Afrique et Notre Dame de Carthage et sur la grande apparition de Fatima célébrée elle aussi en Mai.

ALGER

30 AVRIL : NOTRE DAME D’AFRIQUE (dévotion populaire)

Mgr Antoine-Adolphe Dupuch, premier évêque d’Alger (1838-1845) avait demandé aux Dames du Sacré-Coeur en 1839 une copie de la statue « Virgo Fidelis » de Bouchardon, qui se trouvait à la rue Varenne à Paris. Cette statue de bronze fut amenée à Alger. Du temps de Mgr Augustin Pavy, prédécesseur de Mgr Lavigerie à Alger de 1846 à 1866, on a commencé, en 1856 à l’appeler « Notre-Dame d’Afrique ». La basilique dont la construction avait commencé le 2 février 1858, fut consacrée par Mgr Lavigerie le 2 juillet 1872 sous le vocable : « Notre-Dame d’Afrique ». (Pour plus de détails cfr. Souv. Hist. n°42, février 1990). Ensuite il a couronné la statue le 30 avril 1876 et a imposé « La Prière à N.D. d’Afrique" aux membres de la Société des pères blancs, le 25 décembre de la même année 1876, par une circulaire.

Le Cardinal Lavigerie avait confié en 1873 le ministère à la Basilique à ses missionnaires. Ceux-ci le remirent au clergé diocésain en septembre 1897. La Société l’a repris le 7 décembre 1930. La basilique Notre-Dame d’Afrique, qui se dresse sur un promontoire dominant de 124 m la baie d'Alger, a été achevée en 1872. Elle est aussi visitée par de nombreux musulmans. Femmes, jeunes filles et grands-mères, parfois seules, parfois avec leurs enfants ou les maris, entrent « prier Notre-Dame ». La statue de la Vierge, en bronze, est habillée d’une robe opulente brodée dans le style de Tlemcen.

L’évêque émérite d’Alger Mgr Tessier explique que ce qui, dès le début, allait donner à Notre-Dame d’Afrique sa signification particulière, ce fut l’affluence à ce sanctuaire de la population algérienne musulmane. Très tôt, en effet, elle devait s’associer à l’humble pèlerinage de Notre-Dame du Ravin, avant de venir visiter Lalla Meriem dans la basilique même. L’inscription de l’abside est d’ailleurs présente jusqu’à ce jour pour donner cette dimension de la prière dans la basilique : « Notre Dame d’Afrique priez pour nous et pour les musulmans»[1].

CARTHAGE

24 Mai : NOTRE DAME DE CARTHAGE (dévotion populaire)

Cette dévotion et mémoire liturgiquement facultative nous tous nous la connaissons bien. En 1881, le Père Delattre, Père Blanc et archéologue, découvre dans les ruines de la basilique Damous el-Karita, à Carthage, un bas-relief de marbre blanc en deux parties, très endommagé, où il identifie l’Adoration de l’Enfant-Jésus (avec la Vierge Marie) par les Mages et l’Apparition de l’ange aux bergers. Il date le bas-relief du IVème siècle. Plusieurs essais de reconstruction de la partie supérieure du bas-relief, la mieux conservée, furent réalisés très tôt. La plus fidèle fut exécutée, semble-t-il, sous les indications du P. Delattre, sans que l’auteur en soit connu. Elle est actuellement dans la chapelle Lavigerie, à la paroisse Saint Cyprien de Carthage à La Marsa. Sauveur Figlia s’inspira de cette reproduction pour sculpter en 1914, en marbre de Carrare, l’actuelle statue de Notre Dame de Carthage. La statue se trouvait à la basilique primatiale Saint-Louis de Carthage jusqu’en 1964. Elle est maintenant à la Cathédrale de Tunis.

La dévotion à N. D. de Carthage, en cette terre africaine, n’a pas son origine dans une apparition célèbre ou dans des miracles éclatants, comme il en est parfois pour tant d’illustres sanctuaires mariaux dans le monde. Ce qui portait les fidèles chrétiens vers son autel à la Primatiale et aujourd’hui à la Cathédrale de Tunis, c’est leur foi en son intercession et en sa bonté, stimulée par les exemples des premières générations chrétiennes. Ce souvenir qui envahisse notre intelligence est comme une exhortation muette mais touchante encore aujourd’hui, à conserver, à amplifier et à même de stimuler notre piété mariale.

PORTUGAL

13 MAI : NOTRE DAME DE FATIMA (apparition et révélation)

Puisque nous célébrons en cette année 2017 le centenaire des apparitions de Fatima, nous allons faire ici un petit résumé. Pour manque de temps nous ne pourrons pas rentrer dans tous les détails.

Notre-Dame de Fátima est le nom sous lequel est invoquée la Vierge Marie apparue à trois enfants (François, Jacinthe et Lucie) à Fátima, petit village du centre du Portugal, à six reprises au cours de l’année 1917. Ces apparitions, dont le message porte sur la prière et les fins dernières, ont d’abord été l’objet de méfiance, aussi bien de la part des autorités civiles que des autorités religieuses. En 1930, la reconnaissance de ces apparitions par l’Église catholique romaine renforce le succès populaire de ce qui devient un grand centre mondial de pèlerinage.

La première chapelle des apparitions est construite en 1919 sur le lieu des apparitions, par les habitants du village, et la première grande église (église Notre-Dame du Rosaire) est débutée en 1928. Ces apparitions mariales ont marqué l’Église catholique : la consécration du monde (et de la Russie) au Cœur immaculé de Marie, réalisée par le pape Jean Paul II le 25 mars 1984, a été faite, « en réponse à la demande de la Vierge de Fátima ».

La dévotion à la Vierge de Fátima, très populaire parmi la population portugaise, s’est répandue dans le monde entier. Une congrégation religieuse l’Apostolat Mondial de Fatima (reconnue par le Vatican) a été fondée pour transmettre et diffuser le message spirituel que la Vierge donna aux voyants. Elle compte plusieurs millions de membres dans le monde.

La fête de Notre-Dame de Fátima a été fixée par le Saint-Siège à la date du

Les apparitions (chronologie des apparitions)

A. À FATIMA (Portugal) François, Jacinthe et Lucie

Les trois premières apparitions, en 1915

APPARITIONS DE NOTRE-DAME

13 mai 1917 : « Je suis du Ciel »

B. À PONTEVEDRA (Espagne) Sœur Lucie

10 décembre 1925 : Dévotion réparatrice des premiers samedis

C. À TUY (Espagne) Sœur Lucie

13 juin 1929 : La demande de Notre Dame de consacrer la Russie

Lucie écrit à Pie XII au sujet de la consécration du monde avec mention spéciale de la Russie. Voici les passages essentiels :

29 mai 1930 : Les blasphèmes des hommes contre le Cœur Immaculé de Marie

Selon sœur Lucie (dans son dernier livre publié en 2006), tout le message sous-jacent aux apparitions de Notre-Dame de Fatima est le suivant : « Pendant l’intégralité du message, en commençant par les « apparitions de l’Ange », nous trouvons un appel à la prière et au sacrifice offert à Dieu par amour et pour la conversion des pécheurs. Pour moi, cet appel est la norme fondamentale de l’ensemble du message, qui commence en nous introduisant dans un objectif de foi, d’espérance et d’amour : « Mon Dieu, je crois, je l’adore, je l’espère, et Je t’aime ». C’est ici que se trouve la base fondamentale de toute notre vie surnaturelle : vivre de foi, vive d’espérance, vivre d’amour ».

P. Silvio Moreno, IVE

[1] Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique n. 66-67.

[2] Cf. Encyclopédie catholique, in « Les Apparitions de la Vierge », M. Centini, Ed. De Vecchi, Paris, 1999.

[3] Laurent Volken, Les Révélations dans l’Eglise, Mulhouse, 1961.

[4] Benoît XV, « De servorum Dei beatificatione », livre II, chap.XXXII, n. 11.

[5] Congrégation des Rites - Réponse à l’Archevêque de Santiago du Chili, 6 février 1875.

[6] Pie X, Encyclique « Pascendi », 8 septembre 1907.

 

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