Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 18,21-35. En ce temps-là, Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. […] C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur».
Je voudrais commencer notre méditation avec une histoire réelle qu’illumine l’évangile que nous méditons. Dans son récent voyage en Colombie (septembre 2017) le Pape François fait face à un témoignage éloquent : C’est Pastora Mira Garcia, une dame colombienne, qui annonce qu’elle « remercie Dieu » d’avoir pu « pardonner l’impardonnable ». Elle a déposé aux pieds du crucifix mutilé, qui présidait la rencontre, la chemise que sa jeune fille assassinée avait offert à son petit frère, lui aussi torturé et assassiné. Son père avait été assassiné alors qu’elle avait 6 ans, et son premier mari a également été assassiné. Toute sa famille touée par la guerrilla. Plus encore, elle a soigné, une fois vieux et malade, celui qui avait tué son père. Elle a hébergé un jeune des groupes paramilitaires qui a reconnu son fils aux photos de la chambre et lui a avoué avoir été de ceux qui l’avaient torturé et tué. Mais elle a pardonné ! Et le pape François, incroyablement ému, commente son expérience de pardon en disant : « Pastora Mira, tu l’as très bien dit : tu veux déposer toute ta souffrance… aux pieds de Jésus crucifié pour qu’elle soit associée à la sienne et soit ainsi transformée en bénédiction et en capacité de pardon pour briser le cycle de violence qui a prévalu en Colombie. Et tu as raison : la violence engendre la violence, la haine engendre plus de haine et la mort plus de mort. Nous devons briser cette chaîne qui parait inévitable, et cela est possible seulement par le pardon et une réconciliation concrète ».
Jésus nous demande explicitement et sans hésitation qu’il faut toujours pardonner : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ».
En effet, l’un des piliers de la communauté chrétienne et de la vie chrétienne est le pardon. C’est essentiel pour les chrétiens. Cela fait la différence dans le monde des religions. La faculté de pardonner, est la plus belle et la plus grande chose que Dieu nous ait donnée. C'est un trésor du christianisme: « Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux, souligne le pape François, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire ».
La miséricorde et le pardon ont une énorme capacité de maturation. C’est-à-dire manifestent la maturité d’une personne, et la produise. Dans la mesure où une personne pardonne, elle mûrit, grandit et se perfectionne psychologiquement et spirituellement. Dans la mesure où elle garde rancune, haine, sa vie spirituelle et psychologique recule incroyablement. Pour cela il ne faut pas oublier que le pardon est le moyen obligatoire pour atteindre la paix du cœur et l’équilibre dans la vie chrétienne. Le pardon est la condition nécessaire pour vivre heureux.
Mais c’est quoi pardonner ? D’abord pardonner ne signifie pas défendre, justifier l’agresseur ou l’offenseur. Le pardon suppose que ce qui nous est arrivé était un mal et que cela ne doit pas se répéter. Le pardon ne signifie pas oublier l’affaire douloureux, bien au contraire le véritable processus de pardon commencer par guérir la mémoire : redonner du sens à ce qui s’est passé (avec l’aide de Dieu et de la foi). Le pardon ne signifie pas dire seulement extérieurement « je te pardonne ». Le pardon ne signifie pas non plus la réconciliation. Le pardon c’est le premier pas dans le processus de réconciliation.
Donc positivement le pardon implique : 1. L’abandon du ressentiment et de la rancune envers la personne qui nous a blessés. 2. La renonce à se venger de l’injustice reçue. 3. L’effort de répondre à l’offenseur, si besoin est, avec bonté, générosité et amour (voir l’exemple de Pastora Mira). 4. Finalement prier devant Dieu tous les jours pour la conversion de la personne qui nous a offensés. Il faut savoir offrir l’eucharistie pour la conversion de la personne qui nous a fait du mal. C’est une grande œuvre de charité.
Ainsi le pardon sera-t-il définitif lorsque nous n’aurons plus besoin de répéter « je te pardonne », mais tout simplement « ça y est, je t’ai pardonné ».
Aide-moi, Seigneur, à pardonner comme tu nous pardonnes ; Aide-moi à pardonner tout de suite, sans garder un seul instant la moindre animosité ; A pardonner du fond du cœur, non seulement en paroles mais de toute la force de ma volonté ; A pardonner définitivement, sans plus jamais revenir sur les évènements du passé ; A pardonner humblement, dans la persuasion que j'ai beaucoup à me faire pardonner ; A pardonner généreusement, en prenant la résolution d'aimer davantage celui qui m'a fait du mal, et en priant pour lui; Aide-moi à pardonner, Seigneur, et forme dans mon coeur la grandeur d'un pardon semblable au tien !
P. Silvio Moreno, IVE