« La Sagesse de Dieu se manifeste dans le cosmos,
dans la variété et la beauté de ses éléments,
mais ses chefs-d’œuvre, ce sont les saints ».
(Benoit XVI, 3 juin 2007)
1. Béatification et Canonisation. Quelle procédure ?
La décision pontificale pour une béatification et une canonisation (il s’agit d’un acte magistériel du Saint-Père) n’intervient qu’au bout d’un processus long et complexe, et qui débute dans le diocèse où le candidat est décédé. Un groupe de fidèles - appelé Acto Causae – s’adresse à un prêtre - un postulateur - pour qu’il dépose une demande auprès de l’évêque de ce diocèse. Ce dernier, après avoir analysé les pièces du dossier – vie, écrits, preuves de miracles, etc. - va formuler, environ deux ans après, une requête officielle auprès de la Congrégation des causes des saints, qui se tient au Vatican. Si la Congrégation juge que le candidat mérite d’être canonisé, elle donne son accord - la nulla obsta - et commence l’évaluation des preuves : c’est le contrôle de la légitimité, une étape qui peut durer une douzaine d’années ou plus.
Lors des trente dernières années, la Congrégations des causes des saints a pour ainsi dire « produit » plus de saints que durant les trois siècles précédents : 500 depuis 1978, contre 302 entre 1574 et 1978. Avec 482 canonisations entre 1978 et 2005, saint Jean-Paul II s’affirme même comme un champion de la catégorie, lui qui avait simplifié en 1983 une procédure inchangée depuis six siècles avec la constitution « Divinus perfectionis Magister », qui simplifiait la canonisation et a permis de donner un nouvel élan au culte des saints. Ainsi, par exemple, de 50 ans en 1917, le délai pour entamer une enquête après la mort d’une personne est passé à cinq ans. Et dans le cas de Jean-Paul II, ce délai a même été abrogé par Benoît XVI, pour répondre aux demandes des fidèles.
Les « procédures » pour canoniser une personne, ont été élaborées au fil des siècles avant d’arriver jusqu’au nous telles qu’elles sont aujourd’hui. Elles sont d’ordre canonique et disciplinaire, et diffèrent donc du Dogme, ou Dépôt de la Foi, qui ne peut changer. Elles sont élaborées par l’Eglise qui a la tâche, confiée par le Seigneur, de gouverner, d’enseigner et de sanctifier le Peuple de Dieu, tandis que le dogme est une Vérité révélée par Dieu, dans les Ecritures et la Tradition, que l’Eglise accueille, médite, approfondie et a le devoir de transmettre ensuite avec fidélité aux hommes, non pas comme une « idéologie » quelconque, mais comme une vérité vivante qui illumine le chemin des hommes dans leur recherche de Dieu et du salut de leurs âmes. Or, quelles sont ces procédures ?
I. « Serviteur de Dieu » : C’est la première étape vers la canonisation. Dans l’Église catholique, à l’origine et jusqu’à une période très récente, serviteur de Dieu était une appellation non-réglementée, susceptible d’être utilisée pour n’importe quelle personne ayant une certaine piété. Depuis 2007, ce titre porte une signification déterminée, et l’évêque le donne au candidat pour la béatification et ensuite la canonisation. Lorsque l’évêque et le saint Siege accepte de commencer un déterminé processus de canonisation la personne en question est déclaré serviteur de Dieu.
II. Vénérable : Est appelé Vénérable le Serviteur de Dieu dont « l’héroïcité des vertus » a été reconnue par l’Église. L’évêque nomme une commission canonique (historiens, théologiens) qui fait une étude critique de ses écrits et les condense dans un document transmis à Rome à la Congrégation pour les causes des saints, qui mène l’instruction finale. Si la Congrégation accepte le dossier, elle nomme un rapporteur chargé de faire une synthèse (appelée la Positio) de toute la documentation (biographie, vertus, miracle, etc.). Le collège de cardinaux ensemble avec le Pape étudie alors la positio et se prononce sur l’héroïcité des vertus (foi, espérance, charité, vertus morales, cardinales, etc.). Donc le «décret d’héroïcité des vertus» fait du serviteur de Dieu un vénérable.
III. La béatification : La béatification est l’acte solennel par lequel le pape déclare qu’un culte public peut être accordé à un serviteur de Dieu. A partir de Paul V (1605 – 1621), la béatification a été concédée comme une anticipation d’une canonisation prévue. D’abord simple décret, la déclaration de béatification s’est entourée d’une cérémonie qui a pris de plus en plus d’ampleur. Depuis 1971, la cérémonie de béatification est présidée par le pape lui-même et, de ce fait, ne se distingue plus guère, dans les apparences, de la canonisation. Depuis les réformes de Paul VI en 1969 et de Jean-Paul II en 1983, la procédure en vue de la béatification a été grandement allégée. Mais Benoit XVI autorisa à faire les béatifications dans les diocèses.
En principe, un bienheureux ne peut pas être choisi comme patron titulaire pour la dédicace d’une église, ce « privilège » étant réservé aux seuls canonisés.
Les miracles sont examinés en trois réunions de niveau différent : celle des experts (ou groupe de médecins, s’il s’agit de guérisons), celle des théologiens, enfin celle des cardinaux et évêques membres de la Congrégation. Un seul miracle est requis pour une béatification, et le martyre en dispense. Il peut arriver que le miracle reconnu ne soit pas forcement une guérison. On en trouve déjà des exemples dans l’histoire moderne de l’Eglise.
A considérer aussi :
* Du point de vue scientifique, les miracles sont généralement des guérisons examinées selon les critères établis au XVIIIème siècle par le pape Benoît XIV. Seules sont prises en compte les maladies organiques graves et il faut que la guérison ne puisse pas être expliquée scientifiquement, qu’elle se soit produite de manière instantanée, immédiate et inattendu, ou du moins avec une rapidité inexplicable (compte tenu des thérapies ou traitements administrés au malade), et que la guérison soit complète et durable.
* Du point de vue théologique, il convient de démontrer qu’il y a eu concomitance entre l’obtention du miracle et l’invocation du Serviteur de Dieu à cette intention.
IV. La canonisation : C’est l’acte solennel par lequel le pape décrète qu’un Serviteur de Dieu, déjà compté parmi les bienheureux, doit être inscrit au catalogue des saints (c’est à dire le martyrologe romain) et vénéré dans l’Eglise catholique. On voit immédiatement ce qui différencie béatification et canonisation. Avec la première, le culte d’un nouveau bienheureux est concédé à une cité, un diocèse, une région ou une famille religieuse : avec la canonisation, la sentence est définitive, et le culte est étendu à toute l’Eglise.
Dans la procédure actuelle, déterminée par la constitution apostolique Divinus perfectionis magister (1983), il est demandé l’examen d’un miracle nouveau intervenu après la béatification et cela même dans le cas d’un martyr. L’examen des miracles pour une canonisation se fait selon les mêmes règles que pour une béatification. Dans la plupart des cas, le miracle allégué est un miracle de guérison. Mais il peut se trouver que le miracle ne soit pas une guérison.
En général, le culte se traduit par l’attribution d’un jour de commémoration au calendrier liturgique, autant que possible celui de la mort terrestre (ou « naissance au Ciel », selon l’expression classique du martyrologe) de la personne.
Pour les catholiques, le culte des saints s’appel « dulie » et il n’est pas à confondre avec la commémoration des défunts. Les bienheureux et les saints participent à la Vie éternelle. Dans la foi, une communion spirituelle s’établit avec eux ; c’est la communion des saints. Cette croyance fait partie du credo. (Voir aussi le Code de droit canonique de 1983, canons 1186-1187 et suivants).
2. Des cas particulier
A côté de la canonisation solennelle, plus habituelle, il existe une autre forme de canonisation dite « équipollente », et beaucoup plus rare. Il s’agit de cas de personnages anciens, dotés déjà d’un culte local plus ou moins étendu, et dont l’étude est confiée à la section historique de la Congrégation pour la cause des saints. Aucun miracle n’est requis, mais entre en ligne de compte la renommée des miracles accomplis avant ou après la mort du personnage, et rapportés par des auteurs dignes de foi. Dans de tels cas, la canonisation se fait par la publication d’une bulle, sans autre cérémonie, mais avec tous les effets d’une vraie canonisation.
3. Le pape François ouvre une nouvelle voie vers la béatification
Par le motu proprio Maiorem hac dilectionem, le pape François ouvre une nouvelle voie vers la béatification. Dans une lettre apostolique en forme de motu proprio rendue publique mardi 11 juillet 2017, le pape François a introduit l’« offrande de la vie » comme nouvelle modalité de béatification aux côtés de l’héroïcité des vertus et du martyre : « Il est certain que l’offrande héroïque de la vie, suggérée et soutenue par la charité, exprime une vraie, pleine et exemplaire imitation du Christ et, par conséquent, mérite cette admiration que la communauté des fidèles réserve habituellement à ceux qui ont accepté volontairement le martyre du sang ou ont exercé à un degré héroïque les vertus chrétiennes ».
Concrètement, les postulateurs d’une cause en béatification pourront, à côté de la reconnaissance de l’héroïcité des vertus d’une personne ou de son martyre (sa mort « en haine de la foi » C’est la cause et non la souffrance qui fait le martyr), demander celle de l’offrande de sa vie.
Le Motu Proprio précise que l’offrande de la vie, afin qu’elle soit valide et efficace pour la béatification du Serviteur de Dieu, doit répondre aux critères suivants: a. offrande libre et volontaire de la vie et acceptation héroïque propter caritatem d’une mort certaine et à court terme; b. lien entre l’offrande de la vie et la mort prématurée; c. exercice, au moins au degré ordinaire, des vertus chrétiennes avant l’offrande de la vie et, ensuite jusqu’à la mort; d. existence de la fama sanctitatis et signorum, au moins après la mort; e. nécessité d’un miracle pour la béatification, advenu après la mort du Serviteur de Dieu et par son intercession.
« Il s’agit d’une nouvelle façon de valoriser un témoignage chrétien héroïque qui n’avait pas, jusque-là, de procédure particulière, car il ne correspond ni tout à fait au cas du martyre, ni à celui des vertus héroïques », explique dans L’Osservatore romano Mgr Marcello Bartolucci, secrétaire de la Congrégation des causes des saints.
C’est ainsi que, en 1995, le Père Damien de Veuster, mort en 1889 de la lèpre alors qu’il s’occupait des lépreux d’Hawaï avait été béatifié après avoir été proclamé « martyr de la charité ». C’est le cas aussi pour Maximilien M. Kolbe.
4. La sainteté en la pensée de Benoit XVI
- Que veut dire être saint ? Qui est appelé à être saint ? On est souvent porté encore à penser que la sainteté est une destination réservée à de rares élus. Saint Paul, en revanche, parle du grand dessein de Dieu et affirme : «C'est ainsi qu'Il (Dieu) nous a élus en lui (le Christ), dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour» (Ep 1, 4). Et il parle de nous tous.
- La sainteté, la plénitude de la vie chrétienne ne consiste pas à accomplir des entreprises extraordinaires, mais à s'unir au Christ, à vivre ses mystères, à faire nôtres ses attitudes, ses pensées, ses comportements. La mesure de la sainteté est donnée par la stature que le Christ atteint en nous, par la mesure dans laquelle, avec la force de l'Esprit Saint, nous modelons toute notre vie sur la sienne.
Comment pouvons-nous parcourir la voie de la sainteté ? Puis-je le faire avec mes propres forces ? La réponse est claire : une vie sainte n’est pas principalement le fruit de notre effort, de nos actions, car c’est Dieu, le trois fois Saint (cf. Is 6, 3), qui nous rend saints, c’est l’action de l’Esprit Saint qui nous anime de l’intérieur, c’est la vie même du Christ ressuscité qui nous est communiquée et qui nous transforme. La sainteté a donc sa racine ultime dans la grâce baptismale. Saint Paul souligne de manière très puissante la transformation que la grâce baptismale accomplit dans l’homme et il arrive à créer une terminologie nouvelle, forgée avec le préfixe «co»: co-morts, co-ensevelis, co-ressuscités, co-vivifiés avec le Christ: notre destin est indissolublement lié au sien. Mais Dieu respecte toujours notre liberté et demande que nous acceptions ce don et vivions les exigences qu’il comporte, il demande que nous nous laissions transformer par l’action de l’Esprit Saint, en conformant notre volonté à la volonté de Dieu.
Quelle est l’âme de la sainteté ? «Dieu est charité et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui (cf. 1 Jn 4, 16). Il est essentiel de ne jamais laisser passer un dimanche sans une rencontre avec le Christ Ressuscité dans l’Eucharistie ; cela n’est pas un poids en plus, mais une lumière pour toute la semaine. Il ne faut pas commencer ni finir une journée sans avoir au moins un bref contact avec Dieu. Et, sur la route de notre vie, suivre les «panneaux routiers» que Dieu nous a communiqués dans le décalogue lu avec le Christ, qui est tout simplement l’explicitation de ce qu’est la charité dans des situations déterminées. Telle est la véritable simplicité, grandeur et profondeur de la vie chrétienne, du fait d’être saints.
- Conclusion : Nous sommes tous appelés à la sainteté : elle est la mesure même de la vie chrétienne. « Je voudrais, écrit Benoit XVI, inviter chacun à s’ouvrir à l’action de l’Esprit Saint, qui transforme notre vie, pour être nous aussi comme des pièces de la grande mosaïque de sainteté que Dieu crée dans l’histoire, afin que le visage du Christ resplendisse dans tout son éclat. N’ayons pas peur de tendre vers le haut, vers les sommets de Dieu ; n’ayons pas peur que Dieu nous demande trop, mais laissons-nous guider dans chacune de nos actions quotidiennes par sa Parole, même si nous nous sentons pauvres, inadéquats, pêcheurs : c’est Lui qui nous transformera selon son amour ».
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Sources
- Site officiel de la Congr. pour les Causes des saints
- Communication de la Congr. pour les Causes des saints du 29 septembre 2005 (la béatification, qui reste un acte pontifical, a lieu dans le diocèse concerné).
- Instruction Sanctorum Mater de la Congr. pour les Causes des saints du 17 mai 2007 pour le déroulement des enquêtes diocésaines.
- François, Motu proprio "Maiorem hac dilectionem"
- Benoit XVI, Audience générale le 13 avril 2011