Introduction
L’année de la Miséricorde et les indulgences
Ecrivait le pape François concernant la prochaine année sainte de la miséricorde : « Le jubilé amène la réflexion sur l’indulgence. Elle revêt une importance particulière au cours de cette Année Sainte. Le pardon de Dieu pour nos péchés n’a pas de limite. Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour qui va jusqu’à détruire le péché des hommes. Il est possible de se laisser réconcilier avec Dieu à travers le mystère pascal et la médiation de l’Eglise. Dieu est toujours prêt au pardon et ne se lasse jamais de l’offrir de façon toujours nouvelle et inattendue. Nous faisons tous l’expérience du péché… La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché.…Vivre l’indulgence de l’Année Sainte, c’est s’approcher de la miséricorde du Père, avec la certitude que son pardon s’étend à toute la vie des croyants. L’indulgence, c’est l’expérience de la sainteté de l’Eglise qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ, en faisant en sorte que le pardon parvienne jusqu’aux extrêmes conséquences que rejoint l’amour de Dieu. Vivons intensément le Jubilé, en demandant au Père le pardon des péchés et l’étendue de son indulgence miséricordieuse »[1].
C’est à la suite de cette demande du pape François que nous avons voulu présenter en quelques lignes un résumé de la doctrine de l’Eglise sur les indulgences afin que nos fidèles puissent en avoir une intelligence plus claire et profonde. Il s’agit d’un trésor de l’Eglise et nous devons donc savoir l’utiliser pour notre bien et celui de nos frères.
Les sources de cette doctrine nous les trouvons tout d’abord dans la constitution apostolique de Paul VI «Indulgentiaroum doctrina» publiée en 1967, ensuite en 1968 l’Enchiridion des indulgences, publié par la Pénitencerie Apostolique (il y a eu 4 éditions latines et en 2000 la troisième édition française)[2], dans le code de droit canonique, le catéchisme de l’Eglise catholique et finalement un avis de la Pénitencerie Apostolique sur le don des indulgences en l’année jubilaire 2000. Et pour ce travail j’ajoute l’œuvre magnifique de Mgr. Jean Bautiste Bouvier, évêque de Mans: «Traité dogmatique et pratique des indulgences, des confréries et du jubilé » publié à Paris au XVIIIème siècle[3].
Définition
Le mot indulgence signifie ordinairement dans les Saintes Ecritures et dans les auteurs ecclésiastiques, rémission, condonation.
On donnait autrefois le nom d'indulgence à la rémission que les empereurs accordaient par bonté à certains criminels les jours de fêtes publiques.
L'indulgence dans l'usage de l'Eglise et des théologiens réunit ces deux sens, parce que c'est une rémission réelle que l'Eglise accorde par condescendance pour des œuvres faciles à remplir.
On la définit ordinairement dans le Code de Droit canonique[4] et dans le Catéchisme de l'Église catholique[5]: «L'indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l'action de l'Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints».
Nous disons: 1° La rémission de la peine temporelle, parce que l'indulgence ne remet jamais la peine éternelle. 2° Due aux péchés actuels, parce que le baptême s'administrant, d'après son institution, par forme de régénération, ne laisse aucune peine à subir. 3° Déjà remis quant à la coulpe ; on ne peut, en effet, obtenir la rémission de la peine temporelle due au péché, tant que le péché lui-même subsiste. 4° La sentence du prêtre, en remettant le péché dans le tribunal de la pénitence, remet aussi une partie de la peine temporelle, proportionnée aux dispositions du pénitent : l'indulgence est une rémission différente; c'est pour cela que nous disons qu'elle est une rémission faite hors le sacrement de Pénitence. 5° Par ceux qui ont le pouvoir de dispenser, etc ; car la concession de l'indulgence est un acte de juridiction; il suppose donc une autorité légitime dans celui qui l'exerce. 6° Le trésor spirituel de l'Eglise: ce trésor est la surabondance des satisfactions de Jésus-Christ et des saints qui n'ont point eu d'application.
Fondement biblique et théologique
Tout d’abord il nous faut le fondement biblique[6] : Jésus-Christ dit à saint Pierre: « Je vous donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt 16, 19); il fait la même promesse aux Apôtres collectivement, en leur parlant de l'autorité de l'Eglise : « En vérité, je vous le dis, toutes les choses que vous aurez liées sur la terre seront liées dans le ciel, et toutes celles que vous aurez déliées sur la terre seront aussi déliées dans le ciel ».
L'Eglise a donc le pouvoir d'ouvrir le ciel et de rompre tous les liens qui pourraient empêcher d'y pénétrer: les paroles de Jésus-Christ sont générales et n'indiquent aucune exception. Or, la peine temporelle est un lien spirituel qui empêche ou retarde l'entrée du ciel. Pourquoi l'Eglise ne pourrait-elle donc pas en délier le pécheur, en tout ou en partie, pourvu que, dans l'usage de ce pouvoir, elle suive les règles de la prudence, comme elle est obligée de le faire dans l'exercice de ses autres droits ?
Aussi saint Paul, usant de cette faculté envers l'incestueux de Corinthe qu'il avait frappé d'excommunication et soumis à «une pénitence publique », abrégea le temps de son épreuve, en lui remettant une partie de sa peine : c'est le sens que les théologiens catholiques donnent à son texte. Nous pouvons donc conclure, sans entrer dans de plus amples discussions, que le pouvoir qu'a l'Église d'accorder des indulgences est fondé sur l'Écriture sainte.
Ensuite pour bien comprendre la doctrine des indulgences nous devons partir des quelques vérités fondamentales théologiques :
L’existence du péché, sa gravité et ses peines.
Paul VI affirme que « comme l’enseigne la Révélation divine, à la suite du péché, des peines sont infligées par la sainteté et la justice divines, soit en ce monde par des souffrances, des misères, les épreuves de cette vie et particulièrement par la mort, soit dans l’au-delà par le feu et les tourments (l’enfer), ou par les peines purificatrices (le purgatoire). Les fidèles ont donc toujours été persuadés que l’on rencontre beaucoup d’amertume lorsque l’on s’engage dans la mauvaise voie, et que celle-ci s’avère nocive, parsemée d’épines et d’aspérités pour ceux qui la suivent »[7].
Que puissent demeurer et que de fait demeurent souvent des peines à subir ou des restes des péchés à purifier, même après que la faute ait déjà été remise, c’est ce que montre bien la doctrine du purgatoire : c’est là en effet que les âmes des défunts qui " sont morts vraiment repentis dans la charité de Dieu, avant d’avoir satisfait par de dignes fruits de pénitence pour ce qu’ils ont commis ou omis ", sont purifiées après la mort par des peines purgatives… Or, dit Paul VI, tous les hommes qui cheminent dans ce monde commettent au moins ce qu’on appelle les péchés légers et quotidiens: de sorte que tous ont besoin de la miséricorde de Dieu, pour être libérés des conséquences pénales des péchés.
Les peines temporelles et éternelles
Rappelons-nous d'abord qu'il y a deux sortes de péchés actuels, qu'on nomme aussi personnels, par opposition au péché d'Adam dans lequel nous sommes conçus: le péché mortel et le péché véniel.
Le péché mortel mérite une peine éternelle; car il est de foi que celui qui en serait coupable au moment de la mort, n'en eût-il qu'un seul à se reprocher, serait exclu de la société des saints, banni de la présence de Dieu, et précipité pour toujours avec les démons et les réprouvés.
Dieu, dans son infinie miséricorde, a bien voulu fournir à l'homme un moyen, mais un moyen unique, de sortir de l'abîme du péché, quand il y était tombé; le sacrement de pénitence, reçu avec un sincère repentir. Ainsi, le sacrement sans repentir, ou le repentir sans le sacrement quand on peut le recevoir, ne peut en aucune manière justifier devant Dieu l'âme coupable d'une seule de ses fautes.
Mais on pourrait se demander : lorsque le pécheur se convertit, fait pénitence et reçoit la grâce de la justification dans le sacrement de pénitence, reçoit-il, en même temps et nécessairement, la rémission de toute la peine due à ses péchés ? Mgr. Bouvier répond que non, et c'est un article de notre foi, consigné, en termes formels, dans le concile de Trente, sess. 14, canon 12e. La peine éternelle est remise sans restriction; mais il reste, pour l'ordinaire, une peine temporelle plus ou moins longue selon les péchés et les dispositions du pécheur, qu'il faudra subir dans cette vie ou dans l'autre.
On peut y satisfaire par la prière, le jeûne, les aumônes et toutes sortes de bonnes œuvres surnaturelles; mais ceux qui mourront sans y avoir pleinement satisfait, la subiront dans les flammes du purgatoire
De même, le péché véniel, non expié en cette vie, devra l'être dans la vie future, non par les supplices de l'enfer, mais par les tourments temporels du purgatoire.
Tous ces points sont autant d'articles de la foi catholique, articles qu'il ne nous est pas permis de révoquer en doute, et qui d'ailleurs, quand on veut les discuter, sont appuyés sur des raisons invincibles[8].
Cette rémission de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée par le sacrement de la réconciliation a été proprement appelée " indulgence ". Et dans ces indulgences il y a une différence par rapport aux moyens de sanctifications : « dans l’indulgence, en effet, usant de son pouvoir de ministre de la rédemption du Christ Seigneur, l’Église non seulement prie, mais avec autorité, elle étend au fidèle bien disposé le trésor des satisfactions du Christ et des saints, pour la rémission de la peine temporelle »[9].
L’existence de la Communion de Saints
« Il existe donc certainement entre les fidèles — ceux qui sont en possession de la patrie céleste, ceux qui ont été admis à expier au purgatoire ou ceux qui sont encore en pèlerinage sur la terre — un constant lien de charité et un abondant échange de tous biens, grâce auxquels est apaisée la justice divine, tous les péchés du corps mystique tout entier étant expiés : tandis que la miséricorde de Dieu est inclinée au pardon, pour que les pécheurs contrits soient introduits plus tôt dans la jouissance complète des biens de la famille de Dieu »[10].
Voilà pourquoi « la fin que se propose l’autorité ecclésiastique en accordant des indulgences, est non seulement d’aider les fidèles à solder les peines de leur dette, mais aussi de les inciter à accomplir des œuvres de piété, de pénitence et de charité, particulièrement celles qui mènent à l’accroissement de la foi et au bien commun. Si les fidèles appliquent ensuite les indulgences en suffrage pour les défunts, ils exercent la charité au plus haut point et, tandis qu’ils pensent aux choses d’en haut, ils ordonnent de façon plus juste celles de la terre »[11].
Efficacités des indulgences
Les indulgences peuvent être considérées dans leurs effets relativement aux vivants et relativement aux morts.
Effets des indulgences par rapport aux vivants.
1° Le péché mortel, soit originel, soit actuel, ne peut être effacé que par le baptême, ou par l'absolution sacramentelle, mais jamais par la vertu de l'indulgence.
2° Il n'est pas moins certain que l'indulgence ne remet point la peine temporelle due au péché mortel, tandis que le péché n'est pas remis quant à la coulpe, c’est-à-dire sans avoir fait la confession; car si la peine due au péché peut en être séparée, c'est après que la tache imprimée dans l'âme est effacée, et non auparavant.
3° Quoique la rechute dans le péché ne fasse pas revivre les péchés déjà remis, il est cependant impossible qu'un homme ainsi retombé perçoive le fruit de l'indulgence pour les fautes passées; car le premier effet du péché mortel est de rompre toute union avec Jésus-Christ, d'infecter l'âme et de la rendre incapable d'aucun mérite proprement dit.
4° Selon le sentiment commun et le seul vrai, l’indulgence ne peut pas effacer le péché véniel. Elle ne peut même pas remettre la peine temporelle due à ce péché, tant qu'il n'est pas effacé lui-même par le Sacrement de pénitence.
5° Néanmoins, comme la pratique des œuvres surnaturelles jointe à un véritable repentir, suffit pour la rémission du péché véniel, on peut dire, dans un sens, que certaines indulgences remettent les péchés véniels, parce qu'elles font faire des œuvres pieuses qui excitent le pécheur au repentir de ses fautes.
Efficacité de l'indulgence relativement aux morts
Il se présente naturellement trois choses à examiner, savoir, si l'indulgence peut être appliquée aux morts, de quelle manière elle leur sert, et ce qu'il faut faire pour la leur appliquer.
Nous allons, en conséquence, diviser cet article en trois paragraphes.
I. De l'application de l'indulgence aux morts.
Nous ne discuterons point ici la question dogmatique de l'existence du purgatoire. Cette vérité catholique a été crue dans tous les siècles, chez les Juifs comme chez les Chrétiens. Supposons donc, comme un point indubitable, que les âmes justes, qui, en quittant la vie présente, sont souillées de fautes vénielles, ou n'ont point entièrement satisfait à la justice de Dieu pour les fautes mortelles remises, iront se purifier, pendant un temps qu'il nous est impossible de déterminer, dans le lieu qu'on appelle purgatoire, et seront sauvées comme par le feu. Il n'est pas moins certain que ces âmes punies par le Dieu qu'elles aiment, sont dans la communion des Saints; qu'elles peuvent être soulagées dans leurs souffrances par les prières des vivants, par les aumônes, par les autres bonnes œuvres, et spécialement par l'oblation du divin sacrifice de la Messe. La question présente est de savoir si elles peuvent l'être par le moyen des indulgences.
Actuellement tous les catholiques sont unanimes sur cet article qui appartient à la foi :
1° L'Église accorde des indulgences applicables aux morts: donc elle croit que les morts peuvent être soulages par ce moyen.
2° Ce que l'Eglise fait actuellement n'est point une innovation; elle l'a fait de tout temps. Elle le faisait au XIIIème siècle, comme l'atteste saint Thomas[12].
3° Sixte IV condamna, en 1478, la doctrine de Pierre d'Osma, qui soutenait que le Pape ne peut ni remettre les peines du purgatoire, ni dispenser des canons de l'Église universelle. Une proposition de Luther, contradictoire de la nôtre, fut condamnée par Léon X en 1520. Ricci avait renouvelé l'erreur de Pierre d'Osma et de Luther, dans son synode de Pistoie, en soutenant que l'application de l'indulgence aux morts n'était qu'une chimère. La bulle « Auctorem fidei » condamne cette proposition comme fausse, téméraire, offensant les oreilles pieuses, injurieuse aux souverains Pontifes, à la pratique et aux sentiments de l'Eglise universelle.
4° Il est de foi qu'on peut offrir pour les morts le saint sacrifice de la Messe, les prières, les aumônes et autres bonnes œuvres: or l'indulgence, outre les œuvres pieuses qu’il faut faire pour la gagner, n'est que l'application des satisfactions de Jésus-Christ et des Saints.
II. De quelle manière l'indulgence sert aux morts.
Les âmes des fidèles, détenues dans le purgatoire, quoi que appartenant à l'Eglise, ne sont plus sous la juridiction ecclésiastique : le Pape et les évêques ne peuvent donc, en vertu de leur autorité divine, les délier directement de leurs péchés ou de la peine due à leurs péchés. Par conséquent, ils ne peuvent pas faire que les indulgences leur soient appliquées per « modum absolutionis », comme aux vivants, mais seulement per « modum solutionis et sufragii » ; c'est-à-dire qu'en vertu de la concession faite par le Pape, le fidèle qui remplit les conditions prescrites, offre à Dieu des satisfactions suffisantes, puisées dans le trésor infini de l'Eglise, le prie d'y avoir égard dans sa miséricorde, et de remettre à l'âme qu'il lui recommande la peine due à ses péchés.
Mais Dieu accepte-t-il toujours le prix qui lui est offert, de sorte qu'une indulgence appliquée aux morts leur remettre la peine due à leurs péchés, si elle est plénière, ou une portion correspondante à l'indulgence, si elle est partielle ?
Là-dessus les auteurs sont partagés : un grand nombre soutiennent l'affirmative, comme on peut le voir dans Ferraris, art. 3, n° 16, et dans Collet, p. 252.
D'autres, aussi en grand nombre et très estimables, parmi lesquels se trouvent Estius, Sylvius, Théodore du Saint-Esprit, le père Alexandre, Billuart, etc., prétendent, au contraire, que Dieu n'accepte les indulgences gagnées à l'intention des morts que par pure miséricorde, sans y être tenu en justice.
Quoi qu'il en soit en de cette discussion spéculative, on ne peut jamais être assuré d'avoir délivré une âme du purgatoire par le moyen de l'indulgence, et cela pour plusieurs raisons : 1° parce que le premier sentiment n'est qu'une opinion plus probable à la vérité, mais qui ne peut donner aucune certitude; 2° parce que, même dans ce sentiment, il se trouve plusieurs raisons de douter si l'effet de l'indulgence a été produit tout entier: il peut arriver que la cause pour laquelle elle a été accordée ne soit pas suffisante, que celui qui veut la gagner n'ait pas les dispositions requises; que, par oubli, ignorance ou autrement, il omette une ou plusieurs des conditions prescrites. De plus, comme l'indulgence ne remet point le péché, même véniel, quant à la coulpe, une âme qui aurait obtenu la rémission de toute la peine temporelle due à ses péchés pardonnés, ne serait pas pour cela délivrée du purgatoire; car elle pourrait avoir des fautes vénielles qui exigeraient encore de longues satisfactions.
On peut donc regarder comme suspectes les indulgences qui promettent la parfaite délivrance d'une âme du purgatoire, et le savant Maldonat a eu raison de blâmer des inscriptions de cette nature que l'on a vues quelquefois sur des autels privilégiés.
Au reste, si, comme nous n'en pouvons douter, il existe des indulgences authentiques annoncées sous ce titre, elles se réduisent à une indulgence suffisante pour délivrer une âme du purgatoire, supposé qu'elle lui soit appliquée tout entière; par conséquent, à une indulgence plénière.
Mais dès que nous ne pouvons savoir jusqu'à quel point l'application réelle de cette indulgence a lieu, notre observation demeure dans toute sa force. Ainsi un mort pour lequel on a souvent prié, fait des aumônes, célébré la sainte messe, gagné des indulgences plénières, peut encore avoir besoin de notre assistance.
III. De ce qui est requis pour que l'indulgence soit appliquée aux morts.
1° L'indulgence étant un acte de juridiction, dépend de la volonté du supérieur qui a le pouvoir de l'accorder. Dès lors il faut, sous peine de nullité, ne pas aller audelà de ce que le supérieur a eu l'intention de faire. Ainsi, une indulgence accordée pour les vivants, n'est point applicable aux morts : c'est le sentiment commun des théologiens. Pareillement, une indulgence accordée pour les morts, comme celle d'un autel privilégié, ne peut être gagnée par les vivants pour eux-mêmes ni leur être appliquée par un autre. Si elle était déclarée applicable aux vivants et aux morts, on ne pourrait la gagner simultanément pour soi et pour un défunt. Cette confusion dans l'intention ferait même que l'indulgence ne serait appliquée ni à l'un ni à l'autre.
2° L'application de l'indulgence est un acte humain, qui suppose un choix libre: celui qui veut la gagner doit donc avoir dans l'esprit une personne déterminée, et la recommander spécialement à Dieu. Il est bien plus sûr d'avoir une intention précise. On pourrait sans difficulté se proposer le soulagement de l'âme la plus abandonnée, de celui pour qui l'on est le plus obligé de prier, etc.
[1] François, Misericordia vultus, n. 22.
[2] Nous utilisons ici la deuxième édition française publiée en 1999.
[3] Nous utilisons ici la huitième édition publiée à Paris en 1843.
[4] CDC, can. 992.
[5] CEC, n. 1471.
[6] Jean Bautiste Bouvier, Traité dogmatique et pratique des indulgences, des confréries et du jubilé, Paris 1843, p. 9-10.
[7] Paul VI, Indulgentiarium doctrina, n.2. Les parenthèses sont à nous.
[8] Cf. Jean Bautiste Bouvier, Traité dogmatique et pratique des indulgences, des confréries et du jubilé, Paris 1843, p. 3-6.
[9] Indulgentiarium doctrina, n. 8.
[10] Indulgentiarium doctrina, n. 5.
[11] Indulgentiarium doctrina, n. 8.
[12] Cf. In 4 Dist. cap. 45, art. 3, q. 2.