6 Aout : Solennité de la Transfiguration du Seigneur
Le Nouveau Testament
Dans les Évangiles, la Transfiguration se situe après la multiplication des pains, au moment où les disciples, Pierre en particulier, reconnaissent en lui le Messie. Jésus a déjà annoncé une fois qu'il doit mourir et ressusciter trois jours après, et qu'il doit se rendre à Jérusalem. Il l'annoncera encore deux fois après sa Transfiguration. Il semble que ce soit au cours de la fête des tentes juives que cet épisode se déroule.
Jésus, rendu sur une montagne avec ses disciples Pierre, Jacques et Jean, se trouve métamorphosé : l'aspect de son visage change et ses vêtements deviennent d'une blancheur éclatante. Aux côtés de Jésus se tiennent deux grandes figures bibliques: Élie et Moïse.
Le lieu traditionnel de la transfiguration est le mont Thabor près du lac de Tibériade en Israël.
Comme pour d’autres fêtes chrétiennes les Églises d'Orient ont les premières célébrée cette solennité, qui devint une grande fête universelle en Occident après la victoire de Belgrade en 1456 où l'avancée turque fut stoppée pour 70 ans. Nous y reviendrons tout à l’heure.
Origine
Dom Geranguer nous raconte que « la fête de la Transfiguration remonte aux temps les plus reculés chez les Orientaux. Elle est, chez les Grecs, précédée d'une Vigile et suivie d'une Octave; et l'on s'y abstient des œuvres serviles, du commerce et des plaidoiries. Sous le gracieux nom de rose-flamme, ROSAE CORUSCATIO, on la voit dès le commencement du IVème siècle, en Arménie, supplanter Diane et sa fête des fleurs par le souvenir du jour où la rose divine entrouvrit un moment sur terre sa corolle brillante. Précédée d'une semaine entière de jeûnes, elle compte parmi les cinq principales du Cycle arménien, où elle donne son nom à l'une des huit sections de l'année…
En Occident, les origines de la fête de ce jour sont moins faciles à déterminer. Mais les auteurs qui reculent son introduction dans nos contrées jusqu'à l'année 1457, où en effet Calliste III promulgua de précepte un Office nouveau de cette solennité enrichi d'indulgences… Calliste III crut l'heure venue de consacrer sur ce point le travail des siècles ; il fit de l'insertion solennelle et définitive de cette fête de triomphe au calendrier universel le monument de la victoire qui arrêta sous les murs de Belgrade, en 1456, la marche en avant de Mahomet II, vainqueur de Byzance, contre la chrétienté.
Mais au IX° siècle déjà, sinon plus tôt, les documents liturgiques, martyrologes et autres, fournissent la preuve qu'elle était en possession d'une solennité plus ou moins grande ou d'une mémoire quelconque en divers lieux. Au XII°, Pierre le Vénérable, sous le gouvernement duquel Cluny prit possession du Thabor, statue que «dans tous les monastères ou églises appartenant à son Ordre, la Transfiguration sera fêtée avec le même degré de solennité que la Purification de Notre-Dame» et la raison qu'il en donne, outre la dignité du mystère, est « l'usage ancien ou récent de beaucoup d'églises par le monde, qui célèbrent la mémoire de la dite Transfiguration avec non moins d'honneur que l'Epiphanie et l'Ascension du Seigneur »[1].
Le siège de Belgrade[2]
Après la chute de Constantinople en 1453, le sultan ottoman Mehmed II rassemblait des forces en vue de conquérir le Royaume de Hongrie. Son objectif immédiat était de s'emparer de la forteresse de la ville de Belgrade.
En pleine connaissance le pape Calixte III le 8 juin pour parer le danger turc, il prescrit une croisade de prières et demande que les cloches tintent trois fois le jour ("la cloche turque") et qu'à chaque fois l'on récite trois Pater et trois Ave.
Jean Hunyadi, un noble hongrois seigneur de la Transylvanie, qui s'était déjà battu pendant deux décennies contre les Ottomans, attendait leur attaque à Belgrade.
Le siège de Belgrade se transforma donc en une bataille majeure, au cours de laquelle Hunyadi conduisit une contre-attaque qui submergea le camp turc, contraignant le sultan Mehmed II, à lever le siège et à battre en retraite. Selon le pape Calixte III, ce siège « décida du sort de la Chrétienté »[3].
Hunyadi reçut l'appui du frère franciscain Jean de Capistran[4], qui prêchait le lancement d'une croisade. Grâce à lui, une armée de paysans et de fermiers, pour certains simplement armés de frondes et de faux, vint se ranger sous la bannière de Hunyadi, qui avait déjà réuni autour de lui quelques mercenaires et cavaliers. Au total, Hunyadi pouvait compter sur 25 à 30 000 hommes.
Fin juillet 1456, les paysans-croisés engagèrent une action spontanée et contraignirent Capistran et Hunyadi à tirer parti des événements. En dépit des ordres de Hunyadi, des assiégés sortirent des murs de Belgrade à demi détruits et attaquèrent les soldats ottomans. Immédiatement, d'autres Chrétiens rejoignirent le combat et ce qui était un incident isolé se transforma en une véritable bataille.
Jean de Capistran, qui tentait d'ordonner un repli, se vit entouré de 2 000 Croisés. Il prit alors la décision de se mettre à leur tête et les lança contre les lignes ottomanes en criant : « Le Seigneur, qui a fait le commencement, prendra soin de la fin ». Au même moment, Hunyadi lança une charge à partir du fort pour s'emparer des canons turcs.
Selon les chroniqueurs, les Turcs, paralysés par la surprise, prirent la fuite. Le sultan lui-même s'engagea dans la bataille et se battit avec un chevalier en combat singulier ; il reçut une flèche dans la cuisse et tomba inanimé. Profitant de l'obscurité, les Turcs battirent en retraite, transportant leurs blessés. Le sultan reprit conscience dans la ville de Sarona. Apprenant que son armée avait été mise en déroute, que ses chefs avaient été tués et tout l'équipement abandonné sur place, il tenta prendre du poison mais en fut empêché. Il rentra alors à Constantinople.
C’était le 6 aout 1456. Après cela le pape Calixte III confirma cette date de la fête de la transfiguration en la rendant universelle pour toute l’Eglise.
Sa signification
Benoît XVI explique que cette transfiguration est le signe de la résurrection. Il écrit : « Saint Augustin résume ce mystère en utilisant cette très belle expression, il dit : "Ce qu’est ce soleil pour les yeux de la chair, Jésus l’est pour les yeux du cœur" (Sermons 78, 2 : pl 38, 490) »[5].
Et le père Raniero Cantalamessa prédicateur de la maison pontificale en suivant cette même idée nous donne des enseignements pratiques de cet épisode : « La Transfiguration est un mystère aussi pour nous. Un mystère qui nous touche de près. Saint Paul, dans la deuxième lecture dit : Le Seigneur « transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». Le Thabor est une fenêtre ouverte sur notre avenir. Il nous garantit que l’opacité de notre corps se transformera un jour en lumière ; mais c’est aussi un projecteur pointé sur notre présent; qui met en lumière ce que notre corps est déjà, malgré sa misérable apparence : le temple de l’Esprit Saint.
Le corps n’est pas, pour la Bible, une négligeable appendice de l’être humain ; ni une partie intégrante. L’homme ne possède pas un corps, il est corps. Ce corps qui a été créé directement par Dieu, adopté par le Verbe dans l’incarnation et sanctifié par l’Esprit dans le baptême. L’homme biblique est émerveillé par ce corps humain: « Je reconnais le prodige, l’être étonnant que je suis. C’est Toi qui m'as tissé dans le sein de ma mère. Etonnantes sont tes œuvres » (Ps 139). Le corps est destiné à partager, pour l’éternité, la même gloire que l’âme. « Corps et âme seront deux mains jointes en adoration pour l’éternité, ou deux poignets emmenottées pour une captivité éternelle » (Ch. Péguy). Le christianisme prêche le salut du corps, et non la libération du corps, comme faisaient, dans l’Antiquité, les religions manichéennes et gnostiques et comme le font encore aujourd’hui certaines religions orientales.
Mais que dire à ceux qui souffrent ? À ceux qui doivent assister à la « défiguration » de leur propre corps ou de celui d’un être cher ? Ce message de la Transfiguration est peut-être pour eux le message le plus réconfortant : « Il transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ». Corps humiliés dans la maladie et dans la mort seront rachetés. Jésus, lui aussi, sera bientôt « défiguré » dans la passion, mais il ressuscitera avec son corps glorieux, ce corps avec lequel il vivra pour l’éternité et que nous retrouverons après la mort, comme le dit notre propre foi »[6].
[1] Cf. Dom Geranguer, l’année liturgique : la transfiguration du Seigneur.
[2] Cf. Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, tome quinzième (depuis l’an 1431, jusqu’en 1473), livre 111, Paris, 1726.
[3] Cf. Mantran Robert (dir), Histoire de l'Empire ottoman, Paris: Fayard, 1989, page 91.
[4] Jean de Capistran (24 juin 1386 - 23 octobre 1456) était un Franciscain italien qui prêcha dans l’Europe entière. Il a été canonisé en 1690 ; il est fêté le 23 octobre. En 1984, Jean-Paul II nomma saint Jean de Capistran patron des aumôniers militaires.
[5] Cf. Benoit XVI, Angélus du 4 mars 2012.