« La pornographie consiste à retirer les actes sexuels, réels ou simulés, de l’intimité des partenaires pour les exhiber à des tierces personnes de manière délibérée »[2]. Aussi « on entend par pornographie, au sein des média, la violation, grâce à l'usage des techniques audiovisuelles, du droit à la 'privacy' du corps humain dans sa nature mâle ou femelle. Cette violation réduit la personne humaine et le corps humain à un objet anonyme, destiné à un mauvais usage et dont l'intention est la jouissance concupiscente »[3]. La pornographie[4], bien que virtuelle, touche l'être humain dans l'une de ses fonctions physiques les plus puissantes : le sexe. Enflammant l'excitation primaire chez l'homme, facilitant la naturelle recherche du plaisir, elle lui donne à visionner - voire à développer – un usage désordonné de la propre sexualité.
Avec l’apparition d’internet et l’extraordinaire diffusion du porno à travers le web nous affrontons, selon l’opinion de Jill Manning, une espèce différente de porno dû à son accessibilité, facile obtention et anonymat ; ou bien aux six « i » selon Delmonico, Griffin, Moriarty en utilisant les mots anglais : intoxicating (intoxication), isolating (isolement), integral (total), inexpensive (économique), imposing (excitant), interactive (interactive) ; tout cela fait d’internet ou de la cyberpornographie une arme puissante de destruction massive[5].
Les effets sont nombreux, l'impact est important. « Personne ne peut se considérer exempt des effets dégradants de la pornographie et de la violence, ou à l'abri des dégâts causés par ceux qui se laissent inspirer par celles-ci. Les enfants et les jeunes sont particulièrement vulnérables et spécialement exposés à en devenir les victimes. La pornographie et la violence sadique déprécient la sexualité, pervertissent les relations humaines, asservissent les individus - en particulier les enfants et les femmes-, détruisent le mariage et la vie de famille, inspirent des attitudes anti-sociales et affaiblissent la fibre morale de la société »[6].
Il est donc évident qu'un des effets de la pornographie est le péché. Voyons quelques conséquences de ce mal.
a. Tout d’abord il s’agit d’un « isolement »: la solitude qu'engendre la consommation de pornographie est l'une de ses principales conséquences. En premier lieu parce que l'utilisation du numérique peut être chronophage. « Apporter un ordinateur chez soi équivaut précisément, le réseau d'Internet aidant, à apporter la place publique dans son salon ou dans sa chambre », affirme le docteur Jean-Charles Nayebi[7]. Le sexe n'y échappe pas. Or, c'est le plus souvent dans l'intimité qu'il se vit. Et la relation avec l'écran sépare son utilisateur du reste du monde. Acte solitaire, activité cachée, qui peut faire entrer dans un cercle vicieux.
b. Deuxièmement produite aussi une double vie : « Le sentiment des personnes qui viennent me voir est presque toujours décrit de la même manière : ils se sentent en désaccord avec l'image que les gens ont d'eux. Ils sont souvent bien insérés socialement, mais ils ont l'impression d'avoir une double vie », décrit la psychothérapeute Muriel Mehdaoui, qui officie dans les services du docteur Valleur à l'hôpital Marmottan à Paris. Le sexe virtuel est alors utilisé comme un apaisement, mais un soulagement solitaire. Et la consolation est souvent de courte durée.
c. Troisièmement il s’agit d’une drogue dure : la pornographie on line, loin d'être anodine, a une incroyable force pour générer une véritable addiction. « Une hormone particulièrement présente dans les mécanismes du plaisir est sécrétée par le cerveau : la dopamine. Celle-ci peut irriguer les différentes zones qui sont au centre de nos sensations, des émotions et de l'intellect», souligne le neuropsychiatre Michel Reynaud[8]. Or, «tous les produits entraînant l'addiction, comme les drogues, augmentent la sécrétion de dopamine. En temps normal, une fois le plaisir disparu, notre cerveau retrouve son état initial. Mais ce n'est pas le cas pour les sujets qui entrent dans la dépendance. Ce mécanisme vaut pour l'excitation sexuelle », poursuit le professeur Reynaud. Et, à l'inverse d'une drogue dure, la pornographie est omniprésente, légale et largement gratuite. Et le nombre de consultations pour des problèmes de dépendance explose. « Il y a différents degrés d'addiction. Certaines personnes peuvent se masturber jusqu'à quinze fois par jour et subir d'autres troubles très sévères, d'autres seront beaucoup moins touchées », explique Michel des Roseaux. Il explique aussi qu’à force d'augmenter les doses, la sensation de manque et le besoin de le combler finissent par échapper à la leur propre volonté. L'impact est d'autant plus fort chez les jeunes, « chez qui le câblage cérébral continue de se mettre en place », explique le professeur Reynaud. Les images de la pornographie s'impriment en eux plus facilement et plus vite. « L'intoxication répétée » par les images pourrait même produire des toxines dans le cerveau. Ces dernières détruiraient les inhibiteurs naturels destinés à contrôler nos pulsions, avançait il y a quelques années le docteur américain spécialisé dans l'addiction pornographique Judith Reisman[9].
d. Quatrièmement il se produit un dysfonctionnement dans le couple et cause de divorce : Certains malheureusement tentent de relativiser. « Terrain de découverte, d'expérimentation mais aussi de préparation, [la pornographie] est un adjuvant au désir et au plaisir », assure le consultant Bernard Girard, dans une étude intitulée « Comment comprendre l'explosion de la pornographie sur le Web ? ». Rien de plus erronée que cela.
La cascade d'images sexuelles et les fantasmes qu'elles font naître chez l'homme ne sont pourtant pas anodins. L'impact sur le ressenti des femmes, non plus. Ainsi, médecins et psychothérapeutes expliquent que la plupart des hommes qui viennent les consulter ont été surpris par leurs conjointes, lesquelles les incitent alors à aller voir un spécialiste. « Quand une femme découvre que son marie vit sa sexualité ailleurs, elle se sent trahie, car son conjoint prend du plaisir avec quelqu'un d'autre. Mais elle se culpabilise également, car elle pense ne pas répondre aux désirs de l'autre, relève Michel des Roseaux. L'homme aussi se sent coupable, car la consommation de pornographie peut produire un dysfonctionnement important du couple ». En effet, plus de la moitié des demandes de divorce, au moins aux Etats Unis disent relation au problème de la cyberpornographie.
Quant aux célibataires qui vont voir un thérapeute ou un psychologue, ils décrivent souvent un envahissement de la pornographie dans leur vie quotidienne : connexions très fréquentes, pensées sexuelles quasi permanentes, voire mise en danger professionnelle quand ils ne résistent pas à l'envie d'aller voir quelques photos ou vidéos au bureau.
e. Cinquièmement l'acte sexuel devient une masturbation à deux : par ailleurs, le porno cultiverait chez les hommes une vision mécanique de l'acte sexuel ainsi l'acte sexuel, plus qu’un acte de donation total à l’autre dans un véritable amour, il devient une masturbation à deux. Le but est de jouir le mieux possible et de faire jouir l'autre; c'est une performance sportive. Le fait est d'autant plus problématique que la pornographie donne une vision faussée de la sexualité, avec des hommes très fréquemment en position dominatrice sur une femme qui subit.
Les acteurs de films XXX passent inconsciemment pour des modèles de virilité à suivre. (...) « Il n'y a rien de normal là-dedans, mais les hommes qui consomment beaucoup la pornographie tentent de reproduire ces modèles », relève Michel des Roseaux. Cette peur de ne pas être à la hauteur peut forcer hommes et femmes à aller au-delà de leurs envies, qu'il s'agisse du temps consacré à l'acte sexuel ou des pratiques admises moralement. À l'inverse, l'absence temporaire de sexualité devient une honte, voire une peur, pour celui qui pense ne pas combler les désirs du conjoint.
f. Sixièmement dramatiques ce sont les conséquences pour la famille d’une personne cyberdépendante sexuelle. Fréquemment l’addiction sexuelle sur internet peut produire la rupture dans la famille, les divorces, les séparations. Dans d’autres cas, sans arriver à la séparation, se produit à l’interne de la famille une ambiance sale marquée par la violence, les discussions, les humiliations, des abus sexuels verbaux et même physiques. Ce type de familles est marqué constamment par le manque de dialogue, des conflits constants, d’isolement. Il ne faut pas oublier qu’une addiction peut générer au sein de la famille des co-addictions et co-dépendances. Patrick Carnes dit que « l’addiction sexuelle est une maladie familiale »[10]. Le même auteur signale aussi que beaucoup d’histoires addictives manifestent la transmission d’une addiction de génération en génération, pas comme quelque chose de génétiquement transmissible, mais comme création du côté de la personne addictive d’un milieu, des conditions pour que une addiction puisse se générer dans ses fils ou dans son entourage.
Une autre étude réalisée en 2000 par Jennifer P. Schneider sur les effets de la cyberdépendance sexuelle sur les familles indique les résultats suivants [11]:
-Tous les enquêtés se sont sentis blessés, trahis, abandonnés, refusés, dévastés ; tous ont expérimenté sentiments de solitude, de honte, d’humiliation, de jalousie, et de perte de l’auto-estime.
-La cyberdépendance sexuelle a été pour eux le principal facteur de séparation et divorce.
-Dans les 68% de couples enquêtés l’un ou l’autre de conjoints avait perdu l’envie de rapport sexuel matrimonial.
-Le partenaire (époux ou épouse) du cyberdépendant se comparait avec les images on line consultées par leur conjoint en se sentant sans espoir de pouvoir attirer à nouveau sexuellement leur attention.
-Les effets épouvantables sur leurs enfants comprenaient : 1- exposition à la pornographie cybernétique et l’instrumentalisation de la femme, 2- implication aux conflits de leurs parents, 3- toutes les souffrances dérivées de la rupture du lien matrimonial ou de la séparation.
Voilà pourquoi une sexualité non maîtrisée a tendance à devenir de plus en plus compulsive, obsessionnelle et destructrice.
g. La pornographie favorise aussi le développement de la violence et de la criminalité sexuelle. Les policiers le savent et en conséquence, quand ils découvrent un stock de matériel pornographique au domicile d'un délinquant sexuel présumé, lors d'une perquisition, ce matériel, considéré comme une pièce à conviction, est mis sous scellés.
Selon une enquête faite dans les prisons, 82 % des pédophiles avouent le rôle déterminant de la pornographie sur leurs pensées et leurs comportements. Dans 40 % des crimes sexuels, le criminel avoue avoir utilisé du matériel pornographique juste avant de passer à l'acte[12]. Dans notre société hyper-érotisée, les images sexuelles omniprésentes n'influencent pas que les criminels potentiels. Elles nous atteignent tous, et spécialement les enfants et les jeunes. Une des autres conséquences est la montée de l'impuissance masculine dans les pays industrialisés.
h. Finalement les conséquences morales : «Elle offense la chasteté parce qu’elle dénature l’acte conjugal, don intime des époux l’un à l’autre. Elle porte gravement atteinte à la dignité de ceux qui s’y livrent (acteurs, commerçants, public), puisque chacun devient pour l’autre l’objet d’un plaisir rudimentaire et d’un profit illicite. Elle plonge les uns et les autres dans l’illusion d’un monde factice. Elle est une faute grave. Les autorités civiles doivent empêcher la production et la distribution de matériaux pornographiques »[13].
Il y a des exemples de personnes qui passent 4 heures sur internet entre rien faire et la pornographie, 4 heures par jour cela fait 120 heures par mois et 1440 heures par an : un total de 60 jours-deux mois- dédié à voir du porno. Ce type d’addiction peut détruire par an un mois de vie utile de la personne cyber et porno-dépendante.
[1] Je reprends dans ce point quelques idées présentées par Greiling Ludovic en Le Point, 8 janvier 2014 et Fuentes Miguel, Pornografia y Pornopatia, San Rafael, 2012.
[2] Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 2354.
[3] Conseil pontifical pour les communications sociales, pornographie et violence
dans le média une réponse pastorale, n. 9.
[4] Selon les nouvelles données par Religionlibertad.com le 30 octobre 2015 le phénomène de la pornographie n’est pas du tout indiffèrent. En effet les statistiques nous indiquent que: 25% du réseau internet est à caractère pornographique. 4 millions de sites en parlent et ce sont aux environs de 146 millions de pages virtuelles visitées chaque jour et classifiées comme pornographiques. Et par rapport au commerce de ce marché il faut dire qu’il est facturé annuellement aux environs de 100 mil million de dollars. Voilà pourquoi ce marché dépasse largement les marques plus importantes telles que Google, Facebook, Microsoft, etc. (Zenit, 15 novembre 2015).
[5] Manning, Jill, La influencia de la pornografía en la mujer: hallazgos científico-sociales y observaciones clínicas, en: Los costes sociales de la pornografía; Cooper, A., Delmonico, D. L., & Burg, R., 2000. Cybersex users, abusers, and compulsives: New findings and implications. Sexual Addiction & Compulsivity, 7(1-2), 5–29.
[6] Pornographie et violence dans le média une réponse pastorale, n. 10 - 11.
[7] Cf. Nayebi, Jean-Charles, La cyberdépendance en 60 questions, éd. du Retz, 2007. Il est l’auteur de l'un des rares livres consacrés à la dépendance à l'Internet.
[8] Cf. Reynaud, Michel, On ne pense qu'à ça, Paris, 2009.
[9] Dans ce sens on peut lire les dernières études faites par J. Schiebener, C. Laier et M. Brand en Journal of Behavioral Addictions en mars 2015, avec le titre : “Getting stuck with pornography? Overuse or neglect of cybersex cues in a multitasking situation is related to symptoms of cybersex addiction”; et en Behavioral Sciences publié le 18 septembre 2015 l’article “Neuroscience of Internet Pornography Addiction: A Review and Update” signé par T. Love , C. Laier , M. Brand , L. Hatch et R. Hajela. (Zénit, 15 novembre 2015). Ils confirment avec la neuroscience l’extrême danger cérébral produit par la consommation de la pornographie.
[10] Cf. Carnes, Patrick, Out of Shadows. Understanding Sexual Addiction, Minnesota, 2001, p. 95.
[11] Réponses de 91 femmes et 3 hommes entre 27 et 57 ans. Cf. Schneider Jennifer, Effects of cybersex addiction on the family: Results of a survey. Sexual addiction and compulsivity 7: p.31-58, 2000; Sexual Recovery Institute, www.sexualrecovery.com/resources/articles.
[12] Cf. Commission Meese sur la Pornographie, 1986.
[13] Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 2354.