Lorsque nous parlons de la Passion du Christ, nous parlons bien évidement d’un grand acte de miséricorde. Mais si nous voulons nous arrêter là où il y a le plus de miséricorde, nous allons noter que le premier mot de pardon et de miséricorde de la part du Christ se fit entendre justement au moment de sa crucifixion : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’il font ». En qualité d’avocat et d’intercesseur, il fait appel à la miséricorde de son Père, en mettant en avant ce qui peut, en quelque sorte, atténuer le crime des coupables : « ils ne savent pas ce qu’ils font ». Signe d’étonnement, signe de contradiction, signe de miséricorde.
Etrange réalité : Prononcée en de pareilles circonstances et en faveur de tels criminels, cette parole a semblé si étrange que plusieurs copistes anciens l’ont barrée du texte des évangiles et que bon nombre de commentateurs, tout en l’acceptant, refusent de l’étendre aux ennemis déclarés du Sauver.
Que les soldats, exécuteurs aveugles d’une sentence dont ils sont incapables d’apprécier l’injustice, que le peuple, égaré par ses guides spirituels, soient dignes de pardon et d’excuse ça peut aller; mais que les princes des prêtres et des pharisiens, qui trament depuis si longtemps la mort du Juste, qui ont forcé la main à Pilate pour lui arracher une condamnation, ne sachent pas ce qu’ils font, cela n’est pas croyable. Et pourtant c’est bien pour eux aussi qu’il intercède auprès de son Père. Lui qui a commandé aux siens d’aimer les ennemis et de prier pour les persécuteurs, leur en donne l’exemple en ce moment suprême.
Presque au lendemain du déicide Saint Pierre ne craint pas de dire aux juifs : « Frères, je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos gouvernants ». En effet, la haine, leurs passions, les empêchait de mesurer l’énormité de leur crime, dont ils ne soupçonnaient pas les terribles conséquences. « S’ils avaient connu tout cela, dit Saint Paul, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire ».
En voyant dans ce contexte de la crucifixion, ces mots de pardon, nous découvrons trois caractéristiques qui doivent illuminer notre mission dans ce monde et déclencher en nous un « amour inconditionnel » pour le Seigneur.
-Tout d’abord Jésus demande à Dieu d’accepter leur conversion si jamais ils le font. En effet, Jésus ne demande pas leur pardon absolument et sans condition, il implore pour eux la grâce du repentir et un délai pour faire pénitence et se convertir. 40 ans se sont écoulés entre la mort de Jésus et la destruction de Jérusalem par l’armée de Tite.
- Christ prononce ses paroles de miséricorde pour que ses ennemis comprennent que lui aussi, il veut les pardonner. Pas seulement aux soldats qui sont en train de perforer férocement ses mains et ses pies par de grosse clous, mais aussi ces mots du pardon sont pour Pilate, Hérode, les flagellateurs, ses disciples qui l’ont abandonné et pour nous, pour nos péchés qui ont été la cause de sa souffrance et de sa mort.
-Finalement, le plus étonnant, même au bout de ses forces et de sa douleur, Christ nous aime d’un amour extraordinaire, d’une charité infinie, d’une miséricorde inépuisable. Pourquoi dis-je cela, parce que la douleur de la crucifixion est horrible. Le corps du crucifié en mettant plus de poids sur les clous dans les poignets, une douleur atroce déclenche au long de ses doigts et explose dans son cerveau (les clous dans les poignets mettent de la pression sur les nerfs médians). Cela veut dire que spontanément et naturellement toutes les énergies et toute l’attention du crucifié est concentrée sur les blessures qui produisent tels douleurs, en oubliant généralement, tout ce qui est autour de lui. Mais pour Jésus n’est pas ainsi. Bien au contraire il s’oublie soi-même, oublié sa douleur et pensent aux autres. Il ne pense pas seulement à ceux qui allait rester comme des orphelins, mais aussi aux ennemis : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’il font ».
Pourquoi tant de violence, tant d’injustice, de haine et de cruauté contre le Messie et aujourd’hui contre ceux qui lui appartiennent ? Pourquoi va-t-on jusqu’à transpercer le cœur même de l’amour ? Pour comprendre que nous devons pardonner, nous devons aimer et pardonner. C’est notre vocation, c’est notre mission.
P. Silvio Moreno, IVE