La Passion du Christ inspiratrice des martyrs
Spiritualité de la Passion des Perpétue et Félicité
Nous allons faire une comparaison entre la Passion de Perpétue et Félicité et la Passion du Christ. Cette dernière est la source et la force de la première.
Première constatation : Perpétue a conscience d’une profonde identité chrétienne, avant même d’être baptisée : « Nous étions encore avec nos gardes (à Thuburbo), raconte-t-elle, que déjà mon père m’entreprenait. Dans sa tendresse, il essayait à ébranler ma foi. -Père, lui dis-je, vois-tu le vase qui traîne par terre, cette cruche ou bien cette autre chose ? -Je le vois, dit mon père. - Peux-tu lui donner un autre nom que celui qu’il porte ? lui dis-je. -Non, répondit-il. - Et bien, moi de même, je ne puis me donner un autre nom que mon vrai nom : je suis chrétienne. Mon père fut exaspéré par cette parole, il se jeta sur moi, pour m’arracher les yeux. Il se contenta de me maltraiter et s’en alla, vaincu, avec les arguments du démon.
Christ a conscience de sa filiation divine et c’est cela la cause de sa passion. Il ne peut pas mentir ou nier cette vérité. Perpétue ne renie jamais de sa condition malgré l’insistance de son Père et le souci de son fils.
Deuxième constatation : Perpétue expérimente une grande patience dans l’adversité : « …C’est précisément pendant ce court laps de temps que nous fûmes baptisés. L’Esprit Saint, au sortir de l’eau, m’inspira de ne demander autre chose que la patience dans les tourments ».
Christ est un exemple de patience. Deux caractères, dit Saint Thomas d’Aquin, manifestent la grandeur de la patience ou bien souffrir patiemment de grands maux, ou endurer ceux qu’on pourrait éviter mais qu’on ne cherche pas à éviter. Or le Christ sur la croix a enduré de grandes souffrances… Et ses grandes souffrances, le Christ les a souffertes avec patience, lui qui, maltraité, dit saint Pierre (I, 2, 23) : ne faisait pas de menaces. En outre, le Christ aurait pu éviter ses souffrances, et il ne l’a pas fait… Grande fut donc la patience du Christ sur la croix. Aussi l’Apôtre écrit-il aux Hébreux (12, 1-2) : Courons avec patience vers le combat qui nous est préparé, les yeux fixés sur Jésus, l’auteur de notre foi qui la conduit à son achèvement, lui qui, alors que la joie lui était offerte, a souffert la croix sans regarder à la honte.
Troisième : Perpétue montre un amour plus grand que sa souffrance. Signe de son extraordinaire maturité. Pour nous, dans notre quotidien, il n’y a que deux possibilités : je me donne à l’autre, je pense à l’autre, au-delà de ma propre souffrance, ou bien je m’enferme en moi-même : « Pour moi je me mis à donner à téter à mon enfant qu’on m’avait apporté et qui était déjà tout languissant pour avoir été longtemps sans prendre la mamelle. Toute mon inquiétude était pour lui. Je ne laissai pas, toutefois, de consoler ma mère et mon frère ».
Christ dans sa passion, soigne l’oreille de Malchus, regarde tendrement Pierre après le reniement, s’occupe de sa mère et de son disciple bien-aimé, pardonne ses assassins et donne le paradis au bon larron.
Quatrième : Perpétue manifeste un grand désir du ciel. Elle eut en effet une vision qui lui révéla qu’elle était destinée au martyre. Elle le dit à son frère, et, tous deux, suivant l’expression de la sainte, commencèrent à se détacher entièrement des choses de la terre et à tourner leurs pensées vers l’éternité. La pensée de l’éternité au milieu de nos souffrances, de nos croix quotidiennes.
Christ promet le paradis aux apôtres pendant son discours final juste avant sa passion.
Cinquième : Consolation surnaturelle. « Quelques jours s’étant écoulés, celui qui commandait les gardes de la prison, il se nommait Pudens et était inspecteur, s’apercevant que Dieu nous favorisait de plusieurs dons, conçut une si grande estime pour nous, qu’il laissait entrer librement les frères qui venaient nous voir, soit pour nous consoler, soit pour recevoir eux-mêmes de la consolation ». Lorsque l’on accompli la volonté de Dieu jusqu’au dernière virgule, malgré les difficultés, et malgré nos imperfections, nous serons toujours source de consolation et d’encouragement pour les autres.
Sur le chemin de la croix Christ console les femmes de Jérusalem.
Sixième : Victoire chrétienne. Perpétue à la fin de sa vision du combat avec l’Egyptien, dit : « …Là mon songe finit, et je ne réveillai, pensant, en moi-même, que j’aurai à combattre, non les bêtes de l’amphithéâtre, mais les démons. Ce qui me console, c’est que la vision qui me prédisait le combat, m’assurait, en même temps, de la victoire ». Le Christ nous assure toujours de la victoire si nous combattons et si nous murons avec lui.
Chaque annonce de la passion dans les évangiles est accompagnée par l’annonce de la résurrection. Derrière la croix il y a toujours de l’espérance.
Septième : Une grande confiance et abandon en Jésus-Christ. L’un des geôliers dit à Félicité : « Si maintenant tu gémis pour si peu, que sera-ce donc le jour où tu seras livrée aux bêtes ». Félicité fit alors cette réponse : « Aujourd’hui, c’est moi qui souffre ce que je souffre, mais demain un autre sera en moi qui souffrira pour moi, car moi je souffrirai pour lui ».
Christ se confie dans les bras de son Père. « Père entre tes mains je remets mon esprit ».
Huitième : Nous constatons dans le récit de leur Passion un manque de mépris, de haine, de critique, de mécontentement. Bien au contraire, nous y voyons des prières, du pardon, de l’encouragement, de la consolation, de la douceur. Egalement dans la Passion du Christ. Antoine Chevrier écrit : « Je lis la Passion dans l’Evangiles depuis quelques jours. J’ai cherché exprès si je trouverais dans tout le récit évangélique une petite parole de blâme, de reproche, vis-à-vis des persécuteurs, des juges et des bourreaux de Jésus : pas une, pas même l’ombre de la plus petite critique. L’évangéliste aurait bien pu dire : le faible Pilate, les bourreaux le traitèrent avec cruauté ; non, rien, pas un mot qui sente le reproche, l’amertume, la peine vis-à-vis de ceux qui le font souffrir. Il n’y a que l’Esprit Saint qui puisse agir ainsi et se contenir en faisant un semblable récit. Comme cela nous prêche la mort à nous-mêmes, mort au corps, mort à l’esprit, mort à ce cœur, mort à tout nous-mêmes pour être des instruments dociles et souples entre ses mains ». (Lettre à une dame inconnue).
Le martyre auquel nous devons nous attendre, et je dis bien nous attendre, est celui d’une vie de martyr. C’est le martyre vivant de professer sa foi, de vivre notre christianisme catholique et de payer chèrement pour nos convictions catholiques. De plus en plus cette conviction devient réelle; l’Église catholique survivra seulement, seulement et uniquement, si nous avons des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs fidèles qui vivent, sans peur, une vie de martyr. La Passion du Christ est notre force, notre encouragement, notre grâce !