La Fête-Dieu, appelée aussi Fête du Saint-Sacrement, Corpus Domini, Corpus Christi, est une fête religieuse catholique et anglicane, célébrée le jeudi qui suit la Trinité, c'est-à-dire soixante jours après Pâques. Actuellement, le nom officiel de la fête, dans l’Église catholique, est « Solennité du corps et du sang du Christ ». Cette fête commémore la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l'Eucharistie, c'est-à-dire sous les espèces (apparences sensibles) du pain et du vin consacrés au cours du sacrifice eucharistique (Messe).
Les origines de la Fête du Corps et du sang du Christ, célébrée le jeudi après le dimanche de la Sainte-Trinité (en France, le dimanche suivant, en vertu d'un indult papal), remontent au xiiie siècle. L'élévation de l'hostie, lors de la messe, manifestait déjà le désir de contempler le Saint-Sacrement. Mais l'impulsion décisive en vue d'une fête spécialement consacrée au Corps et au sang du Christ fut donnée par sainte Julienne de Cornillon et la bienheureuse Ève de Liège. Cette fête fut instituée officiellement le 8 septembre 1264 par le pape Urbain IV.
La Fête-Dieu est un jour férié dans certains pays catholiques. En vertu d'une dérogation prévue par les livres liturgiques dont l'application relève de l'autorité des évêques et des conférences épiscopales des pays concernés, elle est reportée au dimanche qui suit la Sainte-Trinité dans les pays où elle n'est pas inscrite au nombre des jours chômés (France, Italie - depuis 1977, etc.) La Fête Dieu se déroule le dimanche qui suit la Trinité, soixante jours après Pâques. Aussi appelée la Fête du Saint-Sacrement, elle célèbre la présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement de l’Eucharistie. Pendant la procession de la Fête-Dieu, le prêtre porte l’Eucharistie dans un ostensoir au milieu des rues et des places qui étaient autrefois richement pavoisées de draperies et de guirlandes. On abrite le Saint-Sacrement sous un dais porté par quatre notables. On marche habituellement sur un tapis de pétales de roses que des enfants jettent sur le chemin du Saint-Sacrement.
ORIGINE
L'histoire de la solennité s'inscrit dans le sillage du débat théologique suscité par l'hérésie de Bérenger de Tours qui niait la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Dans la bulle Transiturus qui institua la Fête-Dieu, le pape Urbain IV écrit qu'« il est juste néanmoins, pour confondre la folie de certains hérétiques, qu'on rappelle la présence du Christ dans le très Saint-Sacrement ». Les évolutions de la théologie sacramentelle et son développement dans les écoles du xiie siècle et du xiiie siècle ont été décisives. Le facteur déterminant qui a permis l'invention et la réception de la solennité de la Fête-Dieu a surtout été l'évolution de la religiosité populaire qui a accompagné ces évolutions théologiques grâce au développement de la prédication. Ce réveil s'accompagnait d'un désir de pouvoir contempler l'hostie pendant la messe : c'est à Paris, vers 1200, que l'existence de ce rite de « l'élévation », au moment de la consécration, est attestée pour la première fois.
GRANDES FIGURES AU XVIII S. EN RAPPORT A L'EUCHARISTIE
La foi de saint François d'Assise dans le Corps et le Sang du Seigneur apparaît dans sa Lettre aux fidèles. François rappelle, en une sorte de credo, l’essentiel du mystère de Jésus : la place centrale et récapitulative de l’Eucharistie : « Cette Parole du Père, si digne, si sainte et si glorieuse, le Père très haut l’envoya du ciel […] Lui qui fut riche par-dessus tout, il voulut lui-même dans le monde, avec la très bienheureuse Vierge, sa mère, choisir la pauvreté. Et près de la passion, il célébra la Pâque avec ses disciples et, prenant le pain, il rendit grâces et le bénit et le rompit en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps (Math. 26, 26) ». Ici, l’Eucharistie apparaît située à la charnière entre les deux temps forts du mystère du Christ: sa venue à nous dans le dépouillement de l’incarnation et son chemin pascal de remise totale entre les mains du Père. Pour François, incarnation rédemptrice, conversion de vie et réception de l’Eucharistie sont trois réalités profondément imbriquées.
Sainte Claire († 1253), également en raison d'un genre d'iconographie qui a eu un vaste succès à partir du xviie siècle, est souvent représentée l'ostensoir à la main, par allusion au fait que, déjà très malade, elle se prosternait, soutenue par deux sœurs, devant le ciboire d'argent contenant l'hostie, placé devant la porte du réfectoire, où devait s'abattre la furie des troupes de l'Empereur.
Saint Thomas d'Aquin († 1274) a marqué la pensée catholique par son art de la synthèse, la profondeur de sa réflexion et sa capacité d'exposition pédagogique de la foi. Il se distingua par sa dévotion et son amour de l’Eucharistie qu'il célébrait chaque jour après avoir servi la messe d'un de ses confrères. Quand il célébrait l’Eucharistie, des larmes coulaient sur ses joues. Il fut chargé par le pape Urbain IV de rédiger le texte de l'office et de la messe de la nouvelle solennité promulguée en 1264 par la bulle Transiturus. On lui attribue donc la rédaction du Pange lingua avec le Tantum ergo (adaptée d'hymnes liturgiques catholiques déjà existantes), le Lauda Sion et tout le reste des pièces liturgiques latines prescrites par la liturgie de la fête.
PREMICES A LIEGE
C'est en grande partie à Julienne de Cornillon que l'on doit la Fête-Dieu : à partir de 1209, elle eut de fréquentes visions mystiques. Une vision revint à plusieurs reprises, dans laquelle elle vit une lune échancrée, c'est-à-dire rayonnante de lumière, mais incomplète, une bande noire la divisant en deux parties égales. Elle y vit la révélation qu'il manquait une fête dans l'Église. La fête du Saint-Sacrement devait être instituée pour ranimer la foi des fidèles et expier les fautes commises contre ce Sacrement. À partir de cette période, elle œuvra pour l'établissement d'une fête solennelle en l'honneur du Très Saint Sacrement. Elle fut aidée pour cela par la Bienheureuse Ève de Liège, recluse. En 1222, Julienne fut élue prieure du Mont-Cornillon et continua les démarches pour l'instauration de la Fête-Dieu, demandant conseil à d'éminentes personnalités de l'époque, tels que Jean de Lausanne, chanoine de Saint Martin, Jacques Pantaléon, archidiacre de Liège et futur Pape Urbain IV, Guy, évêque de Cambrai, et aussi des théologiens dominicains, dont Hugues de Saint Cher. Les bourgeois de Liège s'opposaient à la fête car cela signifiait un jour de jeûne en plus pour la population et certains religieux considéraient que telle fête ne méritait pas pareil budget. L'opposition à la fête devenant plus forte après 1246, Julienne dut quitter son couvent et passa de monastère en monastère. Elle trouva refuge en plusieurs abbayes cisterciennes.La fête fut célébrée pour la première fois par le prince-évêque Robert de Thourotte.
Tombé malade à Fosses, craignant de n'avoir pas le temps de confirmer la fête à sa principauté, il recommanda l'institution de la fête au clergé qui l'entourait et en fit célébrer l'office en sa présence, à Fosses même. Il y mourut, le 16 octobre 1246, sans avoir pu tenir un synode général et y publier son mandement. Cependant, à partir de 1246, la Fête-Dieu fut introduite d'abord dans le diocèse de Liège à la Basilique Saint-Martin de Liège. Elle mourut le 5 avril 1258 à Fosses-la-Ville, entre Sambre et Meuse, et fut inhumée dans l'abbaye cistercienne de Villers-La-Ville.
Le signe de confirmation de cette demande de Julienne se réalise à Bolsena en 1263. Ce miracle est relaté par les fresques de la Cathédrale d'Orvieto. Un prêtre de Bohême, Pierre de Prague, avait fait un pèlerinage et avait de grands doutes spirituels notamment sur la présence du Christ dans l’Eucharistie. Lors d’une messe célébrée par le prêtre, lors de la consécration, l’hostie prit une couleur rosée et des gouttes de sang tombèrent sur le corporal et sur le pavement. Le prêtre interrompit la messe pour porter à la sacristie les saintes espèces. Le Pape Urbain IV vint alors constater ce qui était survenu.
Le pape alors, ancien confesseur de sainte Julienne de Cornillon, institua officiellement la fête du Corpus Domini par la bulle "Transiturus de hoc mundo" le 8 septembre 1264. Il la fixa au jeudi après l’octave de la Pentecôte et confia la rédaction des textes liturgiques à saint Thomas d'Aquin. Cependant la Fête-Dieu ne fut reçue dans toutes les églises latines qu'au temps de Clément V, à l'époque du Concile de Vienne (1311 - 1312) où il renouvela la constitution d'Urbain IV.
LES INSISTANCES LITURGIQUES
Dans le cycle liturgique de cette année, les trois lectures et le psaume orientent la méditation du fidèle vers la dimension sacrificielle de l’Eucharistie, sans supprimer les autres dimensions de ce mystère : fraction du pain, repas communautaire, présence réelle, communion. Ces dimensions sont reprises dans les deux autres cycles liturgiques. Les textes de saint Thomas d’Aquin sont les mêmes chaque année et nous font ainsi pénétrer au cœur du mystère. Ce qui est souligné cette année, c’est que l’Eucharistie est un sacrifice de louange et d’action de grâces comme l’étaient les sacrifices de l’Ancienne Alliance, parce qu’elle est un sacrifice de réconciliation dans le sang de l’Agneau offert et immolé, un sacrifice de l’Alliance entre Dieu et son Peuple.
L’Evangile de saint Marc nous met dans le contexte de la nuit pascale. Il nous donne la vie, comme le Père nous donne la vie qu’il a offerte pour nous et qui est désormais victorieuse de la mort. Le Christ donne l’ordre de célébrer ce mémorial jusqu’au jour du Royaume de Dieu, car cette victoire n’est pas celle que d’un jour.
« De même que le Christ ressuscité est présent, bien que nos yeux ne voient que du pain, de même toute l’Eglise est concernée par l’eucharistie, même si nous ne sommes que quelques-uns. L’Eglise catholique toute entière, celle du temps présent et celle de tous les temps, dans une communion des « saints » qui dépasse toute frontière. » (Jacques Perrier). Ceux qui participent à l’eucharistie, unis au Christ, représenté par le prêtre, offrent à Dieu l’acte sauveur par excellence, la Croix et la Résurrection. Ils s’y associent eux-mêmes, ils y associent la « multitude » pour laquelle le sang de l’Alliance a été versé.
C’est ainsi que, depuis le soir du Jeudi-Saint et depuis le Calvaire, chaque célébration eucharistique est significative et signifiante de la présence permanente, réelle et agissante du Christ mort et ressuscité. Saint Thomas le dit dans les oraisons de ce jour, selon sa concision merveilleuse et plein de richesse, car il était poète, docteur et mystique. Mais il est à noter que, contrairement à la tradition liturgique qui adresse toute prière au Père, par Jésus, ton fils bien-aimé, il s’adresse directement au Christ, au Fils de Dieu venu parmi les hommes pour les ouvrir à la vie éternelle qui est la sienne.
« Donne-nous de vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang que nous puissions recueillir, sans cesse, le fruit de ta rédemption. »
« Fais que nous possédions, Seigneur Jésus, la jouissance éternelle de ta divinité, car nous en avons dès ici-bas l’avant-goût, puisque nous recevons ton corps et ton sang. »
SOURCE
Jean Bertholet: Histoire de l'institution de la Fête-Dieu, Liège, 1746.
Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Fête-Dieu » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie,
Fondation Anne-Gabrielle et Nicola-V. Bretz-Heritier :Fête-Dieu à Savièse, histoire d'une communauté solidaire fidèle à ses valeurs et à ses traditions" Editions de la Chevignine, CH-1965 Savièse, 2008,ISBN 978-2-9700615-0-2.