LOI NATURELLE ET MATURITE HUMAINE

LOI NATURELLE ET MATURITE HUMAINE

La Loi naturelle et la maturité humaine

P. Silvio Moreno, IVE

Il y a bien lointain, entre 150 et 160, en Afrique du nord, à Carthage, aujourd’hui Tunisie, nait un grand écrivain de langue latine : Quintus Septimius Florens Tertullianus, dit Tertullien. Il se convertit au christianisme à la fin du IIe siècle et devient la figure emblématique de la communauté chrétienne de Carthage. C’est lui qui écrit ce texte qui va nous permet de commencer notre réflexion : « Seul parmi tous les êtres animés, l’homme peut se glorifier d’avoir été digne de recevoir de Dieu une loi : animal doué de raison, capable de comprendre et de discerner, il réglera sa conduite en disposant de sa liberté et de sa raison, dans la soumission à Celui qui lui a tout remis » (Tertullien, Marc. 2, 4).

De quelle loi s’agit-il ?

La loi morale naturelle

Ecrivait Saint Jean Paul II : « Un autre thème important et urgent, que je voudrais soumettre à votre attention, est celui de la loi morale naturelle. Cette loi appartient au grand patrimoine de la sagesse humaine que la Révélation, à travers sa lumière, a contribué à purifier et à développer davantage. La loi naturelle, en elle-même accessible à toute créature rationnelle, indique les normes premières et essentielles qui réglementent la vie morale. Sur la base de cette loi, on peut édifier une plate-forme de valeurs partagées, autour desquelles développer un dialogue constructif avec tous les hommes de bonne volonté et, plus généralement, avec la société séculière. Aujourd’hui, à la suite de la crise de la métaphysique, dans de nombreux milieux, on ne reconnaît plus une vérité inscrite dans le cœur de chaque personne humaine. On assiste donc, d’une part, parmi les chrétiens, à la diffusion d’une morale à caractère fidéiste et, de l’autre, à l’absence de référence objective pour les législations, qui se basent souvent uniquement sur le consensus social, de telle sorte qu’elles rendent toujours plus difficile de parvenir à un fondement éthique commun à toute l’humanité »[1].

a. Existence d’une loi « naturelle »

L’existence d’une loi naturelle commune à tous les hommes c’est un postulat de la raison humaine. Si nous acceptons l’existence de Dieu et la création du monde par Dieu, nous devons accepter l’existence d’un plan divin, une loi, sur la création. Or, puisque toute loi se trouve d’une façon dans le législateur et d’une autre façon dans les destinateurs de la loi, nous concluons que la loi naturelle est une participation de la loi éternelle dans la créature rational (homme) : « La loi naturelle n’est rien d’autre que la lumière de l’intelligence mise en nous par Dieu ; par elle, nous connaissons ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Cette lumière ou cette loi, Dieu l’a donnée à la création » (S. Thomas d’A., dec. præc. 1). Jean Paul II, citant à Léon XIII, affirme : « la loi naturelle est écrite et gravée dans le cœur de chaque homme, car elle est la raison même de l’homme lui ordonnant de bien faire et lui interdisant de pécher… Il s’ensuit que la loi naturelle est la Loi éternelle elle-même, inscrite dans les êtres doués de raison et les inclinant à l’acte et à la fin qui leur sont propres ; et elle n’est que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde » (VS, 44).

Confirme l’existence d’une loi naturelle l’absurde de sa négation : en effet, sans une loi naturelle, toutes les opinions morales, même contradictoires, seraient possible, le vice et la vertu n’existeraient plus, et les hommes n’auraient plus une loi de fraternité et de respect mutuel.

Cette loi est présente dans tous les êtres vivants. Dans les créatures irrationnelles (les plantes, les animaux) d’une façon instinctive et irréfléchi (par exemple ils vivent ensembles, mais ils ne savent pas ce que signifie l’amitié). Par contre, les créatures rationnelles (les hommes) c’est tout-à-fait différent : ils ont dans leur nature la même loi, mais en plus Dieu leur donne la lumière de la raison afin de pouvoir découvrir et lire cette loi et la liberté pour la réaliser. Signale le Concile Vatican II : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera (cf. Rm 2, 14-16) »[2]

Donc cette loi est une loi « divine » parce que promulguée par Dieu lui-même. Mais pourquoi loi naturelle ? Parce qu’elle :

-impose ce qui est accessible à la nature humaine raisonnable : commende de faire de choses bonnes en soi-même et interdit de faire de choses mauvaises en soi-même.

-est connu par la lumière intérieure de la raison, au-delà de toute révélation ou science particulière. Donc tous les hommes peuvent la connaitre par le fait d’avoir la même nature humaine.   

En conclusion : la loi « divine et naturelle » (GS 89, § 1) montre à l’homme la voie à suivre pour pratiquer le bien et atteindre sa fin. Cette loi est dite naturelle non pas en référence à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui l’édicte appartient en propre à la nature humaine.

b. Contenu de la loi naturelle

Maintenant nous nous demandons sur le contenu de la loi naturelle. Quel est le plain de Dieu en nous ? Nous répondons avec l’aide du grand docteur de l’Eglise Saint Thomas d’Aquin[3]. Une analyse attentive de la nature humaine nous permet de déchiffrer le contenu de la loi naturelle.  

Principe fondamental

-Le premier axiome indémontrable est que « l’on ne peut en même temps affirmer et nier » (principe de non contradiction), ce qui se fonde sur la notion d’être et de non-être.

-Le bien est la première notion saisie par la raison. En effet, tout ce qui agit le fait en vue d’une fin qui a raison de bien. C’est pourquoi le principe premier de la raison est celui qui se fonde sur la raison de bien, et qui est: « Le bien est ce que tous les êtres désirent ». C’est donc le premier précepte de la loi : il faut faire et rechercher le bien, et éviter le mal. C’est sur cet axiome que se fondent tous les autres préceptes de la loi naturelle. Il faut dire que nous devons faire le bien pas seulement comme une simple obligation, mais parce que le bien produit en nous une attraction toute particulière qui remplit tout notre être et qui nous perfectionne, alors que le mal produit en nous une forte et authentique répulsion. 

Quel bien et quel mal ?

Saint Thomas parle de trois inclinations de l’homme : en tant que substance, en tant qu’animal et en tant que rational (esprit et sociabilité).   

- En effet, en tant que substance l’homme se sent d’abord attiré à rechercher le bien correspondant à sa nature, en quoi il est semblable à toutes les autres substances, en ce sens que toute substance recherche la conservation de son être, selon sa nature propre. Selon cette inclination, ce qui assure « la conservation humaine » et tout ce qui empêche le contraire, relèvent de la loi naturelle. Concrètement :

a. Droit à la légitime défense

           b. Prohibition de la mort de l’innocent (avortement, euthanasie, etc.)        

           c. Amour naturel et spontané de nous-mêmes

          d. Amour des biens naturels comme la vie et la santé

      e. Recherche des moyens de subsistance : vêtement, nourriture, maison, travail, etc.

          f. Inclination à l’action et au repos nécessaire 

 - En second lieu, en tant qu’animal, il y a dans l’homme une inclination à rechercher certains biens plus spéciaux, conformes à la nature qui lui est commune avec les autres animaux : la perpétuation de l’espèce. Ainsi appartient à la loi naturelle ce que « la nature enseigne à tous les animaux », par exemple l’union du mâle et de la femelle, le soin des petits, etc. Il ne s’agit pas d’une simple inclination sexuelle, mais plutôt une tendance à l’amour entre l’homme et la femme et à l’affection entre les parents et les enfants (c’est là la notion du bien). Concrètement nous avons

a. Droit du mariage et ses obligations : transmission de la vie, éducation des enfants, etc.

b. Interdiction de l’homosexualité, masturbation, anti-conception, concubinage, fornication, relations extraconjugales, etc.      

 - En troisième lieu, en tant que rationnel, on trouve dans l’homme un attrait vers le bien conforme à sa nature d’être raisonnable, qui lui est propre; ainsi a-t-il une inclination naturelle à connaître la vérité et à vivre en société. Chercher la vérité des choses est une inclination tellement naturelle que fait partie constitutive de l’intelligence de l’homme. A tout moment on se demande le pourquoi de toutes les choses. L’amour de la vérité est le désir proprement humain et c’est la base de toute la science. Concrètement :

            a. Droit à une bonne éducation

b. Droit de chercher la vérité sur Dieu et la religion : « En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes, c’est-à-dire doués de raison et de volonté libre… sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d’abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité »[4].

c. Droit social à l’amitié et au besoin de l’autre

d. Interdiction du mensonge, du vol, de l’injustice, etc.

c. Caractéristiques et fonction de la loi naturelle

-Présente dans le cœur de chaque homme et établie par la raison, la loi naturelle est universelle en ses préceptes et son autorité s’étend à tous les hommes. Elle exprime la dignité de la personne et détermine la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux. Nient cette vérité tous ceux qui soutienne le relativisme culturel ou géographique[5].  

-La loi naturelle est immuable et permanente à travers les variations de l’histoire ; elle subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le progrès. Les règles qui l’expriment demeurent substantiellement valables. Même si on renie jusqu’à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l’enlever du cœur de l’homme[6].

Par rapport à sa fonction la loi naturelle fournit :

-les fondements solides sur lesquels l’homme peut construire l’édifice des règles morales qui guideront ses choix.

-Elle pose aussi la base morale indispensable pour l’édification de la communauté des hommes.

-Elle procure enfin la base nécessaire à la loi civile qui se rattache à elle, soit par une réflexion qui tire les conclusions de ses principes, soit par des additions de nature positive et juridique.

d. Difficulté de la loi naturelle

Explique Saint Thomas : « Appartiennent à la loi naturelle d’abord quelques principes plus généraux qui sont connus de tous; ensuite quelques préceptes secondaires, plus particuliers, qui sont comme des conclusions proches de ces principes.

Quant aux principes généraux, la loi naturelle ne peut d’aucune façon être effacée du cœur des hommes, de façon universelle. Elle est cependant effacée dans une activité particulière parce que la raison est empêchée d’appliquer le principe général au cas particulier dont il s’agit à cause de la convoitise ou d’une autre passion.

Quant aux préceptes secondaires, la loi naturelle peut être effacée du cœur des hommes, soit en raison de propagandes perverses, de la façon dont les erreurs se glissent dans les sciences spéculatives au sujet de conclusions nécessaires; soit comme conséquences de coutumes dépravées et d’habitus corrompus. C’est ainsi que certains individus ne considéraient pas la criminalité comme un péché, ni même les vices contre nature, comme le dit encore S. Paul (Rm 1,24) »[7]. Cette difficulté postule justement le besoin moral de la grâce de Dieu et de la révélation divine, afin que toutes les vérités religieuses et morales puissent être découvertes de tous et sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d’erreur[8].

e. Les Commandements

La première révélation de Dieu aux hommes ce fut les dix commandements. Extraordinairement l’évêque d’Hippone affirme : « Dieu a écrit sur les tables de la Loi ce que les hommes ne lisaient pas dans leurs cœurs » (S. Augustin, Psal. 57, 1). Le Décalogue est donc une lumière offerte à la conscience de tout homme pour lui manifester l’appel et les voies de Dieu, et le protéger contre le mal.

Le Décalogue contient une expression privilégiée de la « loi naturelle » : « Dès le commencement, Dieu avait enraciné dans le cœur des hommes les préceptes de la loi naturelle. Il se contenta d’abord de les leur rappeler. Ce fut le Décalogue » (S. Irénée, hær. 4, 15, 1).

Vu les difficultés de l’homme par rapport à la loi naturelle les préceptes du Décalogue ont été révélés et cela pour atteindre une connaissance complète et certaine des exigences de la loi naturelle. En effet l’humanité pécheresse avait besoin de cette révélation : « Une explication plénière des commandements du Décalogue fut rendue nécessaire dans l’état de péché à cause de l’obscurcissement de la lumière de la raison et de la déviation de la volonté » (S. Bonaventure, sent. 4, 37, 1, 3).

Or, nous connaissons les commandements de Dieu par la révélation divine qui nous est proposée dans l’Église, et par la voix de la conscience morale. Mais, une question vienne à notre esprit : est-ce que nous connaissons vraiment les dix commandements ? Ou plutôt quelle idée avons-nous de la loi naturelle et des commandements de Dieu ? Malheureusement pour beaucoup l’idée est celle du fil de fer barbelé…le limite de notre agir. On ne peut pas passer au-delà parce qu’on se fait mal. Celle-là est la vision réductive des chrétiennes que des commandements de Dieu n’ont rien compris. Les dix commandements ne seront jamais un fil de fer barbelé parce que leur regard est tout-à-fait positif : ils nous montrent les « biens » qui vont perfectionner notre nature humaine et le mal qui peut la détruire. Nous le redisons encore une fois ils sont une manifestation positive et privilégiée de la loi naturelle. Un rappel de cette loi. Donc un acte miséricordieux de Dieu qui n’abandonne jamais l’ouvre de ses mains.

Comment les connaitre ? Premièrement il faut les savoir. Deuxièmement il faut les intérioriser et troisièmement il faut comprendre leur intime et indissoluble connexion.

-Il faut les savoir : c’est peut-être le plus facile, même si parfois nous trouvons de catholiques qui ne connaissent pas par cœur les commandements. Mais pour les savoir il faut également les méditer dans notre cœur.

 

1 Commandement

Vertu de la Foi, Esperance, Charité et la vertu de la religion.

 

2 Commandement

Vertu de louange et du sacrée.

 

3 Commandement

Vertu de la recréation, du repos et de la sobriété.

  

4 Commandement

Vertus familiales – Eglise domestique.

 

5 Commandement

Respect et amour de la vie humaine en toutes ses dimensions.

 

6 Commandement

Vertu de la chasteté, de la tempérance et affectivité ordonnée.

 

7 Commandement

Vertu de la justice et de la générosité.

 

8 Commandement

Vertu de la véracité et de l’amitié.

 

9 Commandement

Vertu de la chasteté dans la pensée et les désirs.

 

10 Commandement

Vertu de la pauvreté et de l’humilité.

-Intérioriser : c’est-à-dire comprendre la valeur interne de chaque commandement. Nous devons savoir que chaque commandement inclut un aspect positif (les biens qu’il faut protéger) et un aspect négatif (interdit les actes qui peuvent détruire ces biens). Les commandements protègent, défendent, et encouragent les biens fondamentaux de la personne humaine, sans lesquels la personne ne peut ni mûrir, ni se perfectionner, ni être heureuse. Donc éduquer aux commandements signifie les présenter comme aimables par la personne en sachant qu’ils contiennent l’objet de notre félicité. Dieu nous demande de vivre les dix commandements parce qu’en eux se trouve notre bien et notre félicité. Il s’agit d’une conviction profonde dans notre intelligence et notre volonté. L’immaturité psychologique ou affective, morale et spirituelle généralement trouve ses racines dans une mauvaise compréhension des commandements. Donc il faut apprendre à vivre les commandements.

-Intime connexion : pour cela nous devons comprendre cette unité et connexion des commandements. Nous devons observer les dix commandements dans l’ensemble. Nous ne pouvons pas dire, « je suis un homme de bien, parce que je n’ai jamais volé ou tuer quelqu’un ». Courage j’aimerais lui dire, il te manque encore 8 commandements pour être un homme de bien. « C’est donc l’ensemble de la Loi qui sauvegarde pleinement la vie de l’homme. Cela explique qu’il est difficile de rester fidèle au « tu ne tueras pas » quand on n’observe pas les autres « paroles de vie » (Ac 7, 38) auxquelles ce commandement est connexe. En dehors de cette perspective, le commandement finit par devenir une simple obligation extrinsèque, dont on voudra voir bien vite les limites et à laquelle on cherchera des atténuations ou des exceptions »[9].           

f. Jésus-Christ et l’amour des commandements

Or, selon la tradition chrétienne, la Loi sainte montre ce qu’il faut faire, mais ne donne pas de soi la force, la grâce de l’Esprit pour l’accomplir. A cause du péché qu’elle ne peut enlever, elle reste une loi de servitude. La Loi ancienne est donc une préparation à l’Evangile.

La Loi nouvelle ou Loi évangélique est la perfection ici-bas de la loi divine, naturelle et révélée. Elle est l’œuvre du Christ et s’exprime particulièrement dans le Sermon sur la montagne (substantiellement le chapitre 5 au 7 de l’évangile de Saint Mattieu). Dans ce sens il est intéressant de remarquer que c’est une loi de bonheur : Heureux… « La parole clé de l’enseignement de Jésus, écrit Jean Paul II, est une annonce de joie : « Heureux… » L’homme est fait pour le bonheur. Votre soif de bonheur est donc légitime. Le Christ a la réponse à votre attente. Il vous demande donc de lui faire confiance. La joie véritable est une conquête, qui ne s’obtient pas sans une lutte longue et difficile. Le Christ possède le secret de la victoire »[10].    

La Loi nouvelle est la grâce du Saint-Esprit donnée aux fidèles par la foi au Christ. Elle use du Sermon du Seigneur pour nous enseigner ce qu’il faut faire, et des sacrements pour nous communiquer la grâce de le faire. La Loi évangélique accomplit donc parfaitement les commandements de Dieu.

La Loi nouvelle est appelée une loi d’amour parce qu’elle fait agir par l’amour qu’infuse l’Esprit Saint plutôt que par la crainte ; une loi de grâce, parce qu’elle confère la force de la grâce pour agir par le moyen de la foi et des sacrements ; une loi de liberté parce qu’elle nous fait enfin passer de la condition du serviteur qui ignore ce que fait son Maître à celle d’ami du Christ.

Au fond nous devons comprendre et faire comprendre une grande vérité cachée dans les paroles de notre Seigneur : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime ; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père et je l’aimerai et je me manifesterai à lui » (Jn 14, 21-24). Vérité cachée parce que beaucoup comprennent cette phrase de façon incomplète. Notre Seigneur nous dit que le même amour que nous avons pour lui nous poussera à aimer également ses paroles et commandements. Il est toujours question d’amour. Pour celui qui aime vraiment les commandements ne sont pas des obligations à accomplir, ou des conditions, sinon des vrais chemins d’amour et de bonheur. Pour cela l’éducation aux dix commandements consiste aussi dans le fait de savoir « tomber amoureux » des vertus qu’ils nous proposent.

A la fin du sermon de la montagne, Jésus dit : Quiconque écoute ma parole et la met en pratique ressemble à l’homme sage qui bâti sa maison sur le roc. La pluie tombe, les torrents viennent, les vents soufflent et s’abattent sur cette maison ; mais elle tient bon, parce qu’elle est bâtie sur le roc. Et celui qui écoute ma parole sans la mettre en pratique ressemble à l’insensé qui bâtit sa maison sur le sable. La pluie tombe, les torrents viennent, les vents soufflent et s’abattent sur cette maison ; alors elle s’écroule et sa ruine est complète (Mt 7, 24 - 27).

Dans la version selon S. Luc, il varie ses expressions et subordonne ses phrases. Comme il fait tout converger vers l’idée de fondement, il n’indique qu’une seule cause de ruine : les eaux débordantes qui s’attaquent surtout aux fondations.

Le P. Ferdinand Prat, S.J. explique que cette parabole se passe d’explication, l’expérience quotidienne en étant le meilleur commentaire. Quand on voulut élever au Cœur de Jésus, sur le mont des Martyrs à Paris, un monument impérissable de la reconnaissance française, on décida de creuser jusqu’à la roche vive, quelle qu’en fût la profondeur, autant de puits que la basilique devait compter de piliers. Ces puits, comblés de maçonnerie cimentée à la chaux hydraulique, étaient destinés à soutenir les puissantes arcades qui supporteraient l’édifice. C’était changer une montagne de terre en une montagne de pierre. Il fallait pour cela des années et des millions ; or on était pressé et l’on ne savait pas alors si les millions viendraient. Plusieurs blâmèrent l’audace du pieux cardinal Guibert qui avait signé le projet. Pourtant il avait agi en homme sage ; il imitait Celui qui a choisi le Rocher pour y édifier son Eglise.

Le travail afin de vivre la loi naturelle et les commandements de Dieu et la loi nouvelle, demande de creuser avec patience et sacrifice notre montagne de terre et de boue pour lui donner un fondement de pierre solide : Christ-Jésus. C’est ainsi que notre édifice ne pourra plus tomber à cause des eux débordantes de ce monde. Qui veut bâtir pour l’éternité doit donner à son œuvre un fondement inébranlable.

Osez donc, chers jeunes, les dix commandements et la loi naturelle. C’est le chemin vers l’éternité, le contraire c’est le chemin de la médiocrité… et de la perdition. Que notre épitaphe à la fin de nos jours soit celui de l’homme eternel et non pas de l’homme médiocre :  

A ceux qui intéressent

Jean Médiocre est décédé aujourd’hui

Ne en 1935 d’une famille médiocre et sans transcendance.

Education : fréquenta les études nécessaires sans jamais avoir fait plus.

Mariage : Il se marié avec Esperance Grise.

Enfants : Jean Médiocre fils et Lucie Médiocre Grise.

Livre préféré : « Ne jamais risquer ».

Biographie : végéta jusqu'à l’âge de 65 ans, sans aspirations, ni commandements, ni projets dans sa vie. Il n’osa jamais rien, même pas ce que Dieu avait écrit dans sa nature.

Funérailles : Son corps repose dans l’oublie au cimetière de l’homme médiocre.

Il a très peu demandé à la vie et la vie lui a très peu donné.

 

 

 

[1] Saint Jean Paul II, discours aux participants à l'assemblée plénière de la congrégation pour la doctrine de la foi, vendredi, 6 février 2004.  

[2] Cf. Concile Vatican II, Gaudium et Spes, n. 16.

[3] Cf. Somme Théologique, I-II, 94, 2-3.

[4] Dignitatis Humanae, n. 2.

[5] « On ne peut nier que l’homme se situe toujours dans une culture particulière, mais on ne peut nier non plus que l’homme ne se définit pas tout entier par cette culture. Du reste, le progrès même des cultures montre qu’il existe en l’homme quelque chose qui transcende les cultures. Ce « quelque chose » est précisément la nature de l’homme : cette nature est la mesure de la culture et la condition pour que l’homme ne soit prisonnier d’aucune de ses cultures, mais pour qu’il affirme sa dignité personnelle dans une vie conforme à la vérité profonde de son être. Si l’on remettait en question les éléments structurels permanents de l’homme, qui sont également liés à sa dimension corporelle même, non seulement on irait contre l’expérience commune, mais on rendrait incompréhensible la référence que Jésus a faite à « l’origine », justement lorsque le contexte social et culturel du temps avait altéré le sens originel et le rôle de certaines normes morales (cf. Mt 19, 1-9) » (VS, n. 53).

[6] Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1958.

[7] Somme Théologique, I-II, 94, 6.

[8] Pie XII, Humani generis, DS 3876 ; Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1960.

[9] Saint Jean Paul II, Evangelium Vitae, 48.

[10] Saint Jean Paul II, XVIIème journée mondiale de la Jeunesse, Toronto, 25-07-2002.

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