A l’époque du sac de Rome par les Goths (vandales), vers l’an 410, des clameurs s’élevaient de toutes parts contre le Christianisme et les chrétiens; on leur attribuait les désastres de l’empire, et c’était pour plusieurs une occasion de scandale. Les temps ne sont pas différents aujourd’hui. L’église et les chrétiens sont souvent accusés des désastres de notre monde et dans nos files beaucoup se scandalisent. Saint Augustin prémunit son troupeau, et à nous aussi, contre ce danger. Il montre que s’il y a des afflictions dans le monde il n’y a point de scandale proprement dit pour le disciple fidèle du Sauveur. Il répond à une question actuelle : comment, dit-il, se scandaliser de ce qui arrive aujourd'hui? Jésus-Christ n’a-t-il pas prédit ces calamités? Une belle réflexion pour tous ceux qui se scandalisent et souffrent en voyant tomber dans l’eau dans un monde corrompu tant de projets et de bonnes illusions.
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« Pourquoi te troubler? Les calamités publiques agitent ton cœur comme était agitée la barque où dormait le Christ. Voilà bien, ô homme sensé, voilà la cause du trouble de ton cœur. Ce bateau où sommeillait le Christ est un cœur où la foi est endormie. Que t’apprend-on en effet, chrétien, que t’apprend-on de nouveau? Sous le règne du Christianisme le monde est dévasté, le monde touche à sa fin. Ton Maître ne l’avait-il pas dit que le monde serait dévasté? Ne t’avait-il pas dit que le monde aurait une fin! Tu le croyais quand il le prédisait, et maintenant que se vérifient ses prédictions, tâte troubles? Ainsi la tempête gronde dans ton cœur; prends donc garde au naufrage, réveille le Christ. «Par la foi, dit l’Apôtre, le Christ habite dans vos cœurs». Le Christ, par la foi, habite dans ton cœur. Si donc tu as la foi, tu possèdes le Christ, cette foi est-elle vigilante? …Réveille-toi donc, ranime-toi, dis: «Nous périssons, Seigneur». Ah! que ne nous disent pas les païens, et ce qui est plus brave, que ne nous disent pas les mauvais chrétiens? Levez-vous, Seigneur, nous sommes perdus. Que ta foi s’éveille, et le Christ commence à t’adresser ainsi la parole. Pourquoi te troubler, dit-il? Ne t’ai-je pas prédit tout cela? Or je te l’ai prédit pour te porter, à avoir bon espoir quand viendraient les épreuves et à n’y succomber pas. Tu t’étonnes de voir le monde toucher à sa fin? Etonne-toi plutôt de le voir parvenu à cet âge avancé. …Dans sa vieillesse l’homme est donc rempli de misères, et le monde dans sa vieillesse est aussi rempli de calamités.
Mais pour toi Dieu a-t-il fait peu; lorsque dans la vieillesse du monde il a envoyé le Christ pour te rajeunir quand tout tombe de vétusté? Ignores-tu que ce fait a été signalé d’avance dans la race d’Abraham, dans Celui de la race d’Abraham que l’Apôtre appelle le Christ? …De même donc qu’Abraham a eu un fils dans sa vieillesse, ainsi le Christ devait venir à l’époque de la décrépitude du monde. Il est venu effectivement au moment où tout vieillissait, et il t’a rajeuni. La création, l’univers, ce qui doit périr courait à sa ruine, et les calamités ne pouvaient que se multiplier. Le Christ est donc venu te consoler au milieu de ces douleurs et te promettre un éternel repos. Ah! garde-toi de vouloir t’attacher à ce vieux monde et ne refuse pas de te renouveler dans le Christ. Le Christ te dit: le monde s’en va, le monde est vieux, le monde succombe, le monde est déjà haletant de vétusté, mais ne crains rien, ta jeunesse se renouvellera comme celle de l’aigle (Ps 102, 5)».
Saint Augustin, Sermon 81