Les saints innocents
L’enfant juif,
L’enfant captif, dans la nuit succombe.
Il est mort sous l’étoile d’or.
Ecoutez pleurer Rachel
Au lendemain de Noel,
Souvenez-vous de ses fils
Traqués dans l’ombre.
L’Enfant Dieu
Est l’un d’entre eux,
Et les hommes tremblent.
Son amour les a pris de court.
A quoi sert de supplicier
Les innocents par milliers, quand le Royaume est à ceux
Qui leur ressemblent ?
Le vrai Roi
Se heurte aux lois,
Aux puissants du monde.
Quel péril leur annonce-t-il ?
Il vient rendre aux opprimés
La liberté bafouée, nous dresserons une croix
Pour lui répondre.
L’enfant né pour nous sauver
Rougira la terre :
Sang précieux de l’Agneau de Dieu.
L’innocent nous purifie,
Sa mort fait sourdre la vie,
Et le pécheur pardonné
Retourne eu Père.
La sainte famille n’était pas encore loin de Bethléem, lorsque Hérode s’aperçut qu’il avait été joué par les Mages. Ce barbare à peine dégrossi avait des rages d’épileptique. Il envoya aussitôt ses sbires massacrer tous les enfants males de Bethléem et des environs, au-dessous de deux ans. Cette mesure atroce ne paraitra pas incroyable, si l’on songe que le cruel despote avait successivement fait périr le vieux roi Hyrcan son beau-père, sa première femme Mariamne qu’il aimait tant, sa belle-mère Alexandra, son beau-frère Costobar, ses fils Alexandre et Aristobule, et qu’il n’attendait que la permission d’Auguste pour faire exécuter un troisième fils, Antipater. Josèphe raconte que le sanguinaire tyran avait enfermé dans le théâtre de Jéricho cinq mille notables, avec ordre exprès de les tuer, dés qu’il aurait rendu lui-même le dernier soupir, afin d’empêcher le peuple de se réjouir à sa mort. La vie humaine, en Judée comme ailleurs, comptait alors pour bien peu de chose. Ainsi, la vie d’un nouveau-né valait moins encore : le père était libre d’ne disposer à son gré. Après plus de deux mille ans les choses n’ont melherusement pas trop changés.
La fête des saint innocents, ces fleures des martyrs tranchées, au matin de leur vie, par le fer du tyran, comme des roses à peine écloses sont fauchées par l’orage, fut de bonne heure populaire. L’Eglise la célèbre aujourd’hui avec un mélange touchant de joie et de tristesse. Elle exulte avec les anges accueillant au ciel des élus, innocents comme eux ; elle pleure avec les mères inconsolables, parce qu’elles sont inconscientes de leur bonheur.
« Une voix s’est fait entendre à Rama, des cris et des lamentations sans fin : c’est Rachel qui pleure ses enfants ; elle est inconsolable, car ils ne sont plus ». Saint Matthieu cite Jérémie 31, 15. Rachel, mère de Benjamin et de Joseph père d’Ephraïm, fut enterrée sur le chemin d’Ephrata-Bethléem. Elle pleure sur la hauteur de Rama, au centre de la tribu de Benjamin, les calamités d’Ephraïm, dont Rama dominait le territoire. En effet, Jérémie déplorait en ces termes l’extermination des tribus du Nord ; mais ses lamentations étaient d’actualité dans toutes les catastrophes nationales et même dans les désastres particuliers. Le prophète avait dépeint Rachel gémissant à Rama, au centre de la tribu de son fils Benjamin, sur le sort calamiteux d’Ephraïm, autre fils de Jacob. L’évangéliste, par une sublime prosopopée, la représente se levant de sa tombe, aux portes de Bethléem, pour s’associer au désespoir des mères.
A Rome, la fête des saints innocents a lieu aujourd’hui dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, dont le trésor se glorifie de posséder plusieurs des corps des saints Innocents. Au XVIème siècle; Sixte-Quint en enleva une partie, pour les placer dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure, près de la Crèche du Sauveur.
En célébrant les Saints Innocents aujourd’hui, nous prions spécialement l’Auteur de la vie pour tous les parents et ceux qui ont rejeté et tué des enfants, spécialement par l’horrible crime de l’avortement et nous portons dans la célébration les amés innocentes de tous ces enfants.
P. Silvio Moreno, IVE