LE VIDE EXISTENTIEL ET LA TRANSFIGURATION DE NOTRE VIE

LE VIDE EXISTENTIEL ET LA TRANSFIGURATION DE NOTRE VIE

Jésus se concentre sur la formation de ses disciples. Au petit groupe des douze, il annonce la grande épreuve qui va arriver. Il a fui la Palestine, où l’ambiance est désormais dangereuse, pour se réfugier au Liban, vers Césarée de Philippe. Là, à l’écart des foules et des scribes, il a suscité la profession de foi de Pierre… puis, immédiatement, il a dit : « il faut que j’aille à Jérusalem… souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort, et le troisième jour ressusciter » (Mt 16, 21). Pierre, lui aussi, tente à nouveau Jésus en refusant cette perspective de la mort. Alors, Jésus le rabroue et promet que la gloire viendra effectivement, mais après la croix. C’est dans ce contexte tragique qu’intervient la scène que nous allons méditer.

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux (métamorphoser) ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre (épiskiazo), et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » (egeirein). Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité (egeirein) d’entre les morts. »

Métamorphoser : il s’agit d’une transformation beaucoup plus profonde que celle du visage seulement. Jésus apparait avec une autre forme.

Episkiazo : Le couvrir de son ombre, en grec, n’apparait que deux fois dans tout le Nouveau Testament : ici et au jour de l’Annonciation. Selon les exégètes ce mot fait allusion à l’un des mots hébreux les plus prestigieux : la « shékinah », c’est la « Demeure », la « Présence de Dieu ».    

Egeirein : Le lectionnaire n’a pas osé utiliser le mot exact. Car, très volontairement, Matthieu a utilisé le même mot grec que signifie relever, pour dire que Jésus « relève ses amis », et « ressuscite ».

A la lumière de cet évangile revenons sur deux faits importants. D’abord, beaucoup de chrétiens se disent « croyants non pratiquants ». Quand on leur demande de préciser leur pensée, ils disent : « Mais je crois en Dieu!». Le grand dommage, c’est que cette croyance n’a absolument rien de chrétien. Croire en Dieu n’est aucunement spécifique des baptisés. Les juifs et les musulmans croient en Dieu sans être chrétiens. Par contre c’est la foi en Jésus-Christ qui distingue les baptisée… et aujourd’hui dans notre évangile nous avons une accumulation de signes qui révèlent la nature divine de ce Jésus : la montagne, la métamorphose, la lumière, la nuée qui couvre de son ombre, la voix qui vient du ciel et la crainte sacrée des témoins, et le prosternement de la face contre terre. Il s’agit donc d’un Jésus, Dieu qui s’est fait homme, qui fait la différence.  Ainsi la vraie et authentique foi chrétienne n’est pas une vague affirmation de l’existence de Dieu, mais l’audacieuse proclamation, surtout dans notre temps, que la gloire du Dieu unique et véritable est sur le visage et la personne d’un homme réel et concret, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme.

Mais également cette transfiguration annonce la nôtre et donne sens à notre vie. Saint Irénée de Lyon écrivait en 198 : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ». La transfiguration éclaire, en effet, la question la plus importante de nos vies d’hommes : la vie a-t-elle un sens ? Où va-t-elle ? C’est la transfiguration, au mois pour les chrétiens, qui doit remplir le vide existentiel qui est très répandue dans la société moderne surtout parmi les jeunes et les enfants chrétiens. Ecrivait Victor Frankl : « Le vide existentiel peut prendre plusieurs aspects. La recherche d’un sens à la vie est parfois remplacée par la recherche du pouvoir, incluant sa forme la plus primitive, soit le désir de gagner toujours plus d’argent. Dans d’autres cas, c’est la recherche du plaisir qui y est substituée ». Ainsi dans son expérience Viktor Frankl en est convaincu : c’est en cherchant ce sens profond de leur vie que ses patients retrouveront progressivement volonté et joie de vivre. « Lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore », écrit-il.

Justement pour nous les chrétiens la réponse au sens de notre existence est Jésus-Christ transfiguré : l’être humain, si fragile qu’il soit, n’est pas destiné au trou noir de la tombe… l’homme est destiné à être transfiguré en Dieu. Donc il a une mission en ce monde : « Se fixer un but à poursuivre permet de retrouver sa force intérieure » écrivait encore Frankl. « Nous attendons le Seigneur Jésus qui transfigurera nos pauvres corps, à l’image de son Corps glorieux », écrivait Saint Paul aux Philippiens (3, 20). Ma mission alors en ce monde est de préparer ma transfiguration en Jésus-Christ ! Telle est donc la densité éternelle, le sens que prend chacun de nos actes humains : nos choix ne sont pas indifférents, ils pèsent d’un poids d’éternité.   

P. Silvio Moreno, IVE

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