AVERTISSEMENTS
Avant de commencer il faut dire deux choses: la pensée de l’Eglise catholique en générale et de saint Thomas d'Aquin en particulier est très précise et nuancée sur ces sujets. Cependant, toucher à ces sujets n'est pas sans danger. En un mot, il faut avancer formé, armé de la Sainte doctrine et sinon s'abstenir. Le risque étant, sinon, que beaucoup des "attrapés" par ce genre de choses, vont se croire autorisés à poursuivre (sans réellement étudier et approfondir) avec la bénédiction de l'Eglise... Cela dit, ne sous-estimons pas le malin qui se glisse très, très facilement dans ce domaine, comme disait Saint Paul: « il se revêt d’ange de lumière »...
La deuxième chose c’est que nous sommes fils de l’Eglise catholique et donc nous devons rentrer dans ces domaines avec la foi catholique et non pas avec la culture propre ou la propre tradition, qui, bien souvent mélange des éléments contraires à l’Évangile et à la doctrine chrétienne…Celui qui veut approfondir (connaître) ces sujets, mais qui n’a pas l’esprit prêt à obéir à la Sainte Eglise et au conseil d’un bon directeur spirituel (prêtre ou religieux), il ne lui convient pas de lire ces pages.
P. Silvio Moreno, IVE
Le monde des esprits est complexe. L’un des problèmes le plus fréquent dans notre société moderne, et en particulier chez les jeunes est sans doute celui de la communication avec les morts, l ‘âme en peine, défunts qui demandent nos prières, fantômes, etc. Que dire par rapport à cela?[1]
Le thème de l’apparition des défunts et de la communication avec l’au-delà, a toujours malheureusement suscité de l’intérêt et de la curiosité parmi les vivants. Cela a donné origine à la pratique de la nécromancie (ou divination avec les morts) et du spiritisme (connu aussi sous le nom de channeling). Depuis toujours l’homme cherche à prendre contact avec ceux qui sont morts. Il n’existe pas une seule civilisation qui n’ait ses formes de nécromancie. Le monde occidental moderne a curieusement consacré le renouveau du phénomène, au moment même où la révolution scientifique et industrielle battait son plein. Le père Gabriel Amorth, exorciste du diocèse de Rome écrit : «Au XIXè siècle, il était presque uniquement pratiqué par les adultes et l'on invitait un médium pour évoquer les morts. De nos jours, les autres formes de spiritisme dont nous avons parlé, prédominent et se répandent de façon importante. Mgr Casale, archevêque de Foggia et président du Cesnur (Centre d'études des nouvelles religions), a fait une enquête dans son diocèse: 36% au moins des jeunes des écoles supérieures ont pratiqué le spiritisme quelque fois; et 17% de ces mêmes jeunes sont convaincus d'avoir vraiment été mis en contact avec les défunts. À partir des données partielles que j'ai sur d'autres régions d'Italie, je pense que ces résultats peuvent être généralisés. D'autre part, avec les nouveaux systèmes (magnétophone, téléphone, ordinateur, télévision, écriture automatique...), le spiritisme peut être pratiqué individuellement, sans qu'il y ait nécessité d'être en groupe »[2].
De nos jours beaucoup de pratiques en relation avec les morts sont des différentes formes de spiritisme: par exemple le tableau OUIJA, l’écriture automatique, etc. Nombreux sont les cas où les personnes croient avoir été en contact ou en communication avec les esprits des défunts, que ce soit d’une façon bénéfique ou maléfique. Ces méthodes, malgré leurs extrêmes diversités, ont toutes quelques points en commun: elles ne peuvent être habituellement utilisées sans être précédées d’une forme de prières, d’évocation [extérieure] des esprits[3]. L’initiative vient donc de l’homme, fondée sur cette prière, l’esprit se manifeste même aux débutants. On a tous entendu parler de ces soirées de jeunes se terminant par une séance de spiritisme « pour s’amuser ». Il n’est pas rare que, malgré l’ambiance peu sérieuse, une manifestation ait lieu à partir du moment où une invocation a été lancée.
Les évêques de la Toscane disent que « la pire expression de la divination, et la plus grave, est la nécromancie ou spiritisme, c'est-à-dire le recours aux esprits des morts pour entrer en contact avec eux et dévoiler l'avenir ou un de ses aspects. Les séances de spiritisme appartiennent à ce genre de magie. Au cours de ces séances, les participants et les médiums (édition moderne des anciens nécromanciens) s'efforcent d'invoquer les âmes de défunts (par exemple, de soi-disant enregistrements de voix d'outre-tombe): en réalité ils introduisent une forme d'aliénation par rapport au présent et font une mystification de la foi dans l'au-delà, généralement par des truquages, agissant de fait comme des instruments de forces du mal qui s'en servent souvent à des fins destructrices, destinées à confondre l'homme et à l'éloigner de Dieu »[4].
Mais, il faut savoir aussi que beaucoup des cas de spiritisme analysés par les scientifiques (métapsychique) ont résulté être frauduleux et beaucoup des autres sont restés dans le doute, sans exclure, bien sûr, une possible intervention diabolique, surtout après la considération des conséquences de ces types de pratiques: problèmes psychologiques, abandon de la foi chrétienne et présumées infections diaboliques (je reviendrai sur cela tout à l’heure)[5]. Cependant la fausseté de ces apparitions des défunts ne signifie pas, que le fait en soi-même ne soit pas possible.
Nous savons bien par notre foi catholique que les âmes des défunts ont une demeure éternelle: «chaque homme, dit le catéchisme de l’Église catholique, reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours »[6]. Cela fait partie de la révélation divine et a été défini par l’enseignement de l’Eglise et nous ne pouvons pas en douter sans pécher contre la foi.
Mais il nous faut aller plus loin. Pouvons-nous admettre l’existence d’un réel contact avec les morts? Pour répondre à cette question nous nous mettons de nouveau à l’école du grand théologien Saint Thomas d’Aquin. Il se pose clairement la question dans le supplément de la somme théologique en se demandant si les âmes qui sont au ciel ou en enfer peuvent-elles en sortir ? En toute clarté répond-t-il en disant qu’on peut donner deux sens à cette expression «sortir de l’enfer ou du paradis». En sortir définitivement, de telle sorte que le paradis ou l’enfer ne soit plus le lieu de l’âme. En ce sens, aucun de ceux que la sentence irrévocable a fait entrer au ciel ou en enfer ne peut en sortir, comme on l’expliquera plus loin.
En sortir pour un temps. Et ici il faut distinguer ce qui est possible selon l’ordre naturel ou l’ordre providentiel, car, comme le dit Saint Augustin, « autres sont les limites de la puissance humaine, autres les marques de la puissance divine; autres sont les faits naturels, autres les faits miraculeux ».
Selon l’ordre naturel, les âmes séparées, renfermées dans les demeures qu’elles ont méritées, sont complètement dissociées d’avec les vivants. En effet, les hommes qui vivent dans un corps et qui ne peuvent rien connaître indépendamment des sens sont incapables d’entrer en rapports immédiats avec ces âmes qui pourtant, semble-t-il, ne quitteraient leurs demeures que pour lier commerce avec les vivants.
Mais, selon l’ordre providentiel, il arrive que des âmes séparées sortent de leurs demeures et apparaissent aux hommes; c’est ainsi que Saint Augustin raconte que le martyr Saint Félix se montra aux habitants de Noie, alors qu’ils étaient assiégés par les Barbares. On peut croire la même chose des damnés dont Dieu permet l’apparition aux vivants dans le but de les instruire et de les terrifier[7], comme aussi des âmes du purgatoire qui viennent implorer des suffrages, ainsi que Saint Grégoire en cite de nombreux exemples[8].
Je voudrais ici citer comme exemple de grande valeur le compte rendu de Saint Jean Bosco par rapport à l’apparition de son cher ami Louis Comollo après sa mort. Le fait a été témoigné par beaucoup de séminaristes qui dormaient avec Don Bosco la nuit de l’apparition :
« Entre Comollo et moi, a-t-il raconté lui-même, existait une amitié très sincère jointe à une confiance illimitée. Assez souvent, nous parlions de ce qui pouvait, à chaque instant nous arriver, par exemple si la mort venait à nous séparer... Un jour nous en sommes venu à cet échange de promesses: « Celui qui d’entre nous mourra le premier, mettra l’autre, si Dieu le permet, au courant de son salut éternel ». Je ne me rendais pas compte de l’importance d’une telle promesse. Je dois avouer qu’il y avait beaucoup de légèreté. Quoi qu’il en soit je ne conseillerai jamais à personne d’agir ainsi. Nous l’avions cependant fait et même répété plusieurs fois, surtout pendant la dernière maladie de Comollo. Ses dernières paroles et son dernier regard me donnèrent la certitude qu’il ne manquerait pas à sa promesse. Beaucoup de mes compagnons avaient d’ailleurs connaissance de la chose. Comollo mourut le 2 avril 1839. Le lendemain soir avaient lieu ses funérailles solennelles en l'Eglise Saint-Philippe. Ceux qui connaissaient la promesse qui nous liait attendaient impatiemment sa réalisation. Moi-même, je ne vivais plus; et, de plus, j’espérais de l’événement un grand réconfort à ma peine. Ce soir-là, couché depuis un certain temps, je ne parvenais pas à m’endormir. J’étais persuadé que ce serait cette nuit-là que, dans notre dortoir qui comptait environ vingt séminaristes, se vérifierait la promesse. Il pouvait être environ onze heures et demie lorsque ce local fut soudain mis en émoi par un vacarme épouvantable qui semblait s’avancer dans les corridors. On eût dit un puissant chariot, tiré par un imposant attelage, qui s’approchait de la porte du dortoir. D’instant en instant, le bruit s’amplifiait tragiquement, faisant trembler le dortoir comme si c’eût été un coup de tonnerre. Epouvantés, les séminaristes sautèrent à bas de leur lit et se réfugièrent dans un coin, se réconfortant comme ils pouvaient. A ce moment, un coup de tonnerre encore plus effroyable que les précédents retentit et par trois fois on perçut distinctement la voix de Comollo: « Bosco, je suis sauvé ». Tous entendirent ces bruits; plusieurs entendirent les paroles de Comollo, mais sans en comprendre la signification; d’autres cependant, la comprirent tout aussi bien que moi. Pendant longtemps encore on parla de cet événement au séminaire. Ce fut la première fois, je l’avoue, que j’eus vraiment peur. Et même, mon épouvante fut telle que je tombai gravement malade et faillis en mourir.
Toutefois, continue Saint Thomas, il y a cette différence entre les saints et les damnés, les saints peuvent apparaître aux vivants quand ils veulent et non ainsi les damnés. De même, en effet, que les saints, pendant leur vie terrestre, reçoivent des grâces, dites gratuites, pour réaliser des guérisons et des prodiges dont le caractère miraculeux suppose une puissance divine et dont ceux qui n’ont pas reçu de pareilles grâces sont incapables, de même il n’est pas impossible que l’état de gloire dans lequel ils vivent confère aux âmes des saints une certaine puissance dont ils disposent à leur gré pour se rendre visibles. Quant aux damnés, ils ne peuvent le faire d’eux-mêmes, mais Dieu le leur permet quelquefois.
D’après la doctrine de Saint Thomas nous pouvons déduire par rapport aux sessions de spiritisme ce qui suit : soit les apparitions spiritistes sont frauduleuses et scandaleuses, comme cela a été démontré dans plusieurs cas, ou bien il s’agit d’une intervention diabolique toujours permise par Dieu pour châtier la malsaine curiosité des gens qui fréquentent ces types de pratiques condamnés par l’Eglise. En effet, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à la questions est-il permis de prendre part, soit avec médium soit sans médium, en usant du nom de l’hypnotisme, à des entretiens ou à des manifestations spirites, présentant même une apparence honnête ou pieuse, soit qu’on interroge les âmes ou les esprits, soit qu’on écoute les réponses faites, soit qu’on se contente d’observer, alors même qu’on protesterait tacitement ou expressément que l’on ne veut aucune relation avec les esprits mauvais? Elle répond impérativement: Non, sur tous les points[9]. Cette condamnation était accompagnée d’une menace d’excommunication.
Pourquoi l’Eglise est si catégorique dans la condamnation du spiritisme ? Parce que ses conséquences pour l’âme sont terribles. Les théologiens énumèrent trois conséquences :
Les premières d’entre elles sont psychologiques. Un rapport des hôpitaux psychiatriques de Paris, datant de la fin du siècle dernier, tire la sonnette d’alarme en affirmant que plus d’un psychotique sur deux fut adepte du spiritisme avant de sombrer dans la maladie mentale. Il semble donc y avoir un lien étroit entre ces pratiques et la folie. D’autre part, des témoignages rapportent un nombre incroyable de suicides dus à des névroses obsessionnelles graves.
Les psychiatres expliquent les conséquences psychologiques ainsi: pratiqué avec assiduité (et le besoin comme la passion naissent vite), le spiritisme se tourne en obsession, en idée fixe, en désordres mentaux. Il est vrai de dire des pratiques spirites ce que saint Augustin dit des pratiques magiques, qu’elles ont pour cause et qu’en même temps elle excite le désir immodéré d’expérimenter et de connaître, et ce désir, cette curiosité sans fin, provoquent dans l’âme l’attente fiévreuse, hallucinante, du merveilleux. Trop nombreux sont ceux dont ce breuvage empoisonné a égaré la raison.
Les effets du spiritisme concernent aussi la foi, domaine que l’Eglise a le droit et le devoir de protéger. Allan Kardec[10] fut le premier à réunir les dogmes principaux de la foi spirite. Dans son livre, les enseignements de l’Eglise sont niés. Les brochures spirites fourmillent d’erreurs théologiques. Elles constituent une sorte de syncrétisme entre des aspects chrétiens, et des aspects bouddhistes. Dieu n’est plus une personne mais un élément intelligent et universel duquel émanent tous les esprits. Le péché originel, jugé choquant, est remplacé par le dogme de la préexistence des âmes ou du péché personnel antérieur à l’incarnation. La réincarnation est une des doctrines fondamentales de ce mouvement. L’Eglise ne peut que constater l’entraînement presque fatal que subissent ses fidèles vers de telles doctrines. Chez la plupart, même si les expériences ne sont que des tentatives curieuses, presque des jeux, il apparaît une grande avidité pour les livres qui expliquent ces choses. Et la doctrine, qui parait si bien prouver par le fait que la table a répondu, que la planchette a frappé des coups, est admise comme incontestable.
Les effets du spiritisme concernent aussi la vie concrète des personnes: beaucoup d’entre elles se mettent à l’écoute avec une confiance aveugle de l’esprit qui finit par diriger leur existence. C’est à lui que l’on demande des mots d’ordre et que l’on soumet ses doutes. Les pires aberrations deviennent possibles dans de pareilles conditions et en l’absence voulue de tout contrôle. Devant les désastres du spiritisme sur la santé mentale, sur la foi et sur les mœurs, l’Eglise nous met en garde.
Beaucoup de personnes adeptes du spiritisme objectent à tout cela leur certitude d’avoir été un jour en contact avec l’un de leurs proches décédés. Un élève, écrit Arnaud Dumouch, me racontait un jour à propos de sa mère: « Elle m’a même rappelé une scène que nous deux, et nous deux seulement avions vécue ».
Un tel argument a de quoi impressionner et l’on comprend le désir de ces jeunes de prolonger leurs expériences spirites qui leur permettent de retrouver leurs chers disparus. Il faut pourtant être lucide: le démon, s’il veut entraîner les gens dans la dangereuse pratique du spiritisme, ne va pas se présenter à eux sous son aspect réel. On n’attire pas les abeilles avec du vinaigre mais avec du miel. Rien de plus facile pour lui que de se déguiser avec le visage d’une mère disparue. Saint Pierre affirme que l’esprit du mal voit tous nos actes: "Soyez vigilants, votre adversaire le diable, comme un lion rugissant va et vient à la recherche de sa proie". L’essentiel pour lui, au point de départ d’une aventure spirite, c’est de séduire ceux qui la pratiquent pour les inciter à recommencer. Il espère ainsi conquérir un pouvoir direct sur leur intelligence et sur leur vie, pour les perdre plus vite. Il espère dépasser le simple et habituel pouvoir de tentations, qu’il exerce habituellement et qui ne touche directement que l’imagination des hommes.
En conséquence, il n’y a plus à s’étonner de voir l’esprit se présenter à ceux qui sont sincèrement chrétiens comme encore plus chrétien qu’eux. A ceux qui viennent de perdre un proche, il apparaît comme ce proche en personne; ceux que dévore la curiosité, il manifeste sa présence par des phénomènes fascinants, des tables qui s’envolent, des objets qui lévitent, des annonces du futur; à ceux qui sont ambitieux, il n’hésite pas à révéler son pouvoir, étant certain d’être consulté de nouveau par celui qui voit les résultats. Quand il aura affaire à des personnes fragiles psychologiquement, il agira plus directement par la terreur, se présentant comme l’ange des ténèbres et s’amusant à les effrayer ou à les poursuivre (d’où certaines folies).
Dans chacun de ces cas, s’il réussit à s’attirer une proie, il s’efforcera de l’entraîner petit à petit à sa perte (perte de la foi, de la moralité ou même de la raison).
Que devons-nous dire aux personnes qui s'adonnent au spiritisme? Je réponds avec un texte très important du P. Gabriel Amorth dans le livre cité plus haut: «Nous nous trouvons là, face à un choix précis: si nous voulons rester dans la vérité et ne pas suivre des chimères, nous devons faire ce que la foi suggère. Si nous désirons, par contre, le faux confort de ceux qui trompent ou qui se trompent eux-mêmes, il n'y a que l'embarras du choix parmi les voies tortueuses.
Nous pensons que le lecteur cherche la vérité. Arrêtons-nous alors un moment sur trois affirmations fondamentales:
1. « Celui qui interroge les morts est en abomination à Dieu ». Plutôt que de rapporter de nombreuses citations bibliques, je préfère répéter, marteler s'il le faut, cette dure condamnation du Deutéronome (18, 12), avec l'espoir qu'elle reste imprimée dans la mémoire. Pour comprendre pleinement la valeur de ces paroles, il est nécessaire de croire en Dieu; croire que Dieu est un Père infiniment bon, qui veut notre bien; croire que tous les interdits que Dieu nous ordonne (comme les interdits du Décalogue) sont pour notre bien.
Dieu aime toutes ses créatures, les vivantes et les mortes. Si le dialogue avec les défunts était utile, était bon, Dieu serait le premier à le mettre en avant. S'il l'interdit aussi fermement, c'est parce qu'il sait qu'il est maléfique, qu'il est un moyen de s'éloigner de lui, de s'éloigner de la vérité, qu'il nuit à la foi. Pour qui connaît la Révélation divine, il suffit de savoir que Dieu ne veut pas, pour éviter ce qu'il interdit. Celui qui ne connaît pas la Révélation ne désobéit pas à Dieu s'il fait du spiritisme, mais cela ne le protège absolument pas des conséquences nuisibles.
2. Dieu peut permettre qu'un défunt se présente à un vivant, qu'il lui parle, ou qu'il ait un contact direct avec lui. Nous en trouvons des exemples dans la Bible et dans la vie des saints. Il s'agit de cas extraordinaires, donc très rares. Il y a cependant une différence sensible qu'il faut souligner: dans tous les cas, c'est une initiative libre de Dieu, ce n'est jamais le résultat de l'habileté ou des expédients humains... Ainsi dans le cas des apparitions de la Vierge Immaculée dans la grotte de Massabielle; les trois enfants de Fatima n'ont rien fait pour obtenir l'apparition de la Vierge à la Cova da Iria. Les faits se sont déroulés par pure initiative divine, dans les circonstances et les limites établies par Dieu.
3. La bonté objective du message ne justifie pas l'origine; en un mot cela n'est pas suffisant pour dire si la provenance est bonne ou mauvaise. À de nombreuses reprises, j'ai fait remarquer que Moïse, grâce à la puissance de Dieu, accomplit devant le pharaon les mêmes prodiges que ceux exécutés par les mages de la Cour, avec la force du diable. Mais avant tout, j'aimerais faire remarquer comme le démon parle bien quand il rencontre le Christ, durant sa vie publique: « Nous savons qui tu es: le Fils de Dieu » (Marc 3, 11) et autres signes de reconnaissance similaires. Il est intéressant aussi de savoir ce qui arriva à Saint Paul, lors de son prêche à Philippes. Une possédée le suivait sans cesse et le démon criait: « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent la voie du salut » (Actes 16, 17). S'il ne s'agit pas d'une nouvelle exacte, et sacro-sainte, dites-le-moi. Pourtant, l'auteur en est le démon et il ne perd jamais ses projets de vue; c'est pourquoi Jésus, comme Saint Paul, le font taire ».
Une conversion effrayante
Le cas du Bienheureux Bartolo Longo peut nous aider à comprendre que de cette réalité nous pouvons toujours nous en sortir avec l’aide de la foi et de la grâce.
Bartolo naquit le 11 février 1841 dans le sud de l'Italie. Son père était un médecin fortuné. Sa mère avait une profonde dévotion mariale. Élève brillant et chahuteur, il désirait devenir avocat et entama dès 16 ans des études de droit. A cette époque, le corps professoral de l'université de Naples était anticlérical et positiviste. Sous cette influence, Bartolo Longo s'éloigna des sacrements et de la prière mais la question de la divinité du Christ ne cessait pas de le tourmenter. Un confident l'invita alors à une séance de spiritisme.
Le 29 mai 1864, lors d'une séance, Bartolo interrogea "l'esprit":
«Jésus-Christ est-il Dieu?»
- «Oui», répondit le médium.
«Les préceptes du Décalogue sont-ils vrais? »
- Oui, sauf le sixième (Tu ne commettras pas d'adultère).
«Laquelle des deux religions est la vraie: la catholique ou la protestante?»
- Toutes deux sont fausses, répondit le médium.
Bartolo devint un fervent adepte du spiritisme. Il écrira: «L'esprit mauvais qui m'assistait, voulait s'emparer de mon âme formée à la piété depuis mes premières années et me demander l'adoration et l'obéissance aveugle. Il se faisait passer pour l'archange Michel, m'imposant la récitation des psaumes et des jeûnes rigoureux. Il réclamait que son nom, comme signe de puissance et de protection, fût écrit en tête de tous mes papiers et que je le portasse sur mon cœur, inscrit en chiffres rouges dans un triangle de parchemin».
Physiquement épuisé par ses pratiques spirites, Bartolo Longo avait l'esprit de plus en plus égaré. C'est alors qu'il rencontra un ami d'enfance fort pieux et qu'il respectait. Mis au courant, celui-ci lui conseilla de se repentir et de se confesser. «Tu veux donc mourir dans une maison de fous et, de plus, être damné?» Il l'incita à rencontrer un saint prêtre, le Père Radente. La nuit qui suivit ces recommandations, Bartolo vit, en songe, sa mère passer près de son lit en lui recommandant tendrement de revenir au Christ. Le lendemain, Bartolo très ému entra dans une église dédiée au très Saint Rosaire pour y rencontrer le Père Radente. Celui-ci sut trouver les mots. La confession fut sincère et profonde.
Par la suite, Bartolo affirmera à ceux qui ne croient pas à l'action du démon dans le spiritisme: «Je l'ai expérimenté, et c'est par un miracle de la Très Sainte Vierge que j'en ai été délivré». Une nouvelle vie, au service de la Sainte Vierge, commence pour lui. Il se met à réciter chaque jour le Rosaire, prière à laquelle il sera fidèle jusqu'à la fin de sa vie. Bartolo entre dans le Tiers-Ordre dominicain [Tiers-ordre : Bartolo n'est pas religieux, il reste laïc], sous le nom de "fratel Rosario" (frère Rosaire). Il a 31 ans. Sous la direction du Père Radente, il s'initie à l'étude des oeuvres de saint Thomas d'Aquin. Pendant ce temps, il continue d'exercer la profession d'avocat. Mais sa santé délabrée ne lui permet plus un travail régulier. Des personnes charitables s'inquiètent de lui. La comtesse Marianna de Fusco, devenue veuve, l'invite à venir s'établir chez elle en tant que précepteur de ses enfants. Elle possède, à côté des ruines de l'ancienne Pompéi, près de Naples, des terres dont elle n'a pas la possibilité de s'occuper. Pour lui rendre service, "fratel Rosario" s'offre à les administrer. Il prend alors conscience de l'effrayante misère spirituelle et matérielle de cette région.
Que faire en face de tant de besoins? Il commence par fonder une confrérie du Très-Saint-Rosaire; il parcourt la campagne, entrant dans les fermes pour apprendre aux gens à prier, distribuant médailles et chapelets. Peu à peu, la pratique religieuse revient. Puis, sur les conseils de l'évêque, il construit une église qu'il fait consacrer à Marie. Il installe au-dessus du maître-autel un tableau de la Sainte Vierge qui ne tarde pas à faire tomber du ciel une véritable pluie de miracles. Léon XIII dira: «Dieu s'est servi de cette image pour accorder des grâces innombrables qui ont ému l'univers». Avec l'affluence des pèlerins auprès du nouveau sanctuaire, arrivent les ex-voto de reconnaissance et aussi les aumônes. Bartolo en profite pour fonder un orphelinat où il recueille orphelines et enfants de prisonniers, leur assurant ainsi une éducation, un métier et une instruction religieuse. Trois ans après cette fondation, il écrit aux criminologues de l'époque, selon lesquels les enfants de criminels deviendraient certainement des criminels: «Qu'avez-vous fait, vous, en enlevant le Christ des écoles? Vous avez produit des ennemis de l'ordre social, des subversifs. Au contraire, qu'avons-nous gagné, nous, en mettant le Christ dans les écoles des fils de détenus? Nous avons transformé en jeunes gens honnêtes et vertueux ces malheureux que vous vouliez abandonner à leur triste misère ou jeter dans un asile de fous!».
Cependant la collaboration de Bartolo avec la comtesse de Fusco fait jaser et leur attire à l'un et à l'autre une véritable campagne de calomnies. Ils consultent Léon XIII qui leur répond: «Mariez-vous. Et personne n'aura plus rien à dire». Aussi, le 19 avril 1885, Maître Barthélemy Longo épouse-t-il la comtesse de Fusco. Ces épousailles demeurent virginales, à l'image de celles de Marie et de Joseph, ce qui n'empêchera pas les deux époux de s'aimer profondément en Dieu. Grâce à eux, l'œuvre de Pompéi se poursuit et s'étend. Bientôt c'est une trentaine de maisons qui se construisent autour du sanctuaire, puis un hôpital, une imprimerie, une gare, un observatoire, un bureau de poste, etc. La misère de jadis a fait place à une laborieuse prospérité. «On est bien obligé de parler de miracle», s'écrie un jour celui qui autrefois avait initié Bartolo au spiritisme[11].
Conclusion
Dans la recrudescence actuelle du spiritisme, n'y-a-t-il pas en fait beaucoup de peur devant notre incarnation et son cheminement:
-peur de la maladie,
-peur de la mort,
-peur de la séparation qu'elle entraîne,
-peur de l'au-delà sur lequel nous n'avons pas prise,
-peur de notre propre cheminement, à construire, dans le souffle de l'Esprit, au travers de l'humilité de notre condition incarnée. Il est tellement plus facile d'être guidé à coup de messages venus d'en-haut, qui nous dispenseraient de cet état d'insécurité que sont la foi et la vie de foi,
-peur de l'ordinaire de nos vies, en nous réfugiant dans le merveilleux,
-peur de l'avenir.
Comme tout ce qui relève des phénomènes extranaturels, car on y cherche volontiers- et parfois désespérément- un substitut à une religion que l'on a perdue, ou bien une évasion de notre monde envahi par la technique et le matérialisme ou encore un refuge et une sécurité contre les angoisses et les incertitudes du présent et de l'avenir.
Une société qui n'est plus spirituelle, devient spirite. L'histoire humaine le vérifie. A l'heure actuelle, les chrétiens sont particulièrement sollicités pour rendre compte de leur espérance. Avec le constat d'échec que font nos sociétés face à l'effondrement des illusions matérialistes athées, face à la désespérance laissée dans les cœurs par notre XXème siècle occidental super-consommant, un défi pastoral nous est lancé. «Voici que, de nouveau, des peuples afflueront, venus de la multitude des villes. On se dira d'une ville à l'autre: 'Allons implorer le Seigneur, allons chercher la face du Seigneur de l'univers; moi, en tout cas, j'y vais.' Des peuples nombreux et des nations puissantes viendront à Jérusalem implorer le Seigneur de l'univers et chercher sa face. Ainsi parle le Seigneur de l'univers: En ces jours-là, il y aura pour un Juif dix hommes de toute langue et de toute nation, qui le saisiront par son vêtement et lui diront: 'Nous allons avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous." (Zacharie 8,20-23).
La foi est en mesure de répondre à l'interrogation angoissante de l'homme sur son propre avenir. Il revient aux chrétiens d'en témoigner. « Ne me retiens pas! » dit Jésus Ressuscité à Marie de Magdala. « Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu ».
[1] Je suivrai ici librement quelques idées dans: Fuentes, Miguel Ángel, Santidad, superchería y acción Diabólica, EDIVE, 2011, p. 191-199 ; Arnaud Dumouch, L’Eglise et les phénomènes paranormaux, théologie, 1988. Consultation on line: http://lesparanormaux.free.fr/: le chapitre dédié à la nécromancie et le spiritisme et les fantômes et revenants ; la doctrine de Saint Thomas d’Aquin : S.Th, Suppl., 69,3 ; cf. I, 89, 8 ad 2 ; 2 Sent., d. 6 a.3 ad 5.
[2] Je suivrai également quelques idées au sujet du spiritisme présentées par le Père Dom Gabriele Amorth (exorciste du Diocèse de Rome, président de l'Association internationale des exorcistes. Le 6 juin 1986, il devint exorciste sous le patronage de CANDIDO AMANTINI et à la suggestion du cardinal POLETTI. Il affirme dans sa biographie avoir pratiqué plus de 50.000 exorcismes) dans son livre Esorcisti e Psichiatri, Bologne 2006 (7 ed.) Ce livre explique justement avec beaucoup de clarté les critères qui permettent de distinguer une maladie d'un phénomène maléfique, ce qui n'empêche pas que certains maux organiques, en particulier des tumeurs au cerveau ou des kystes, peuvent être guéris par des exorcismes car «le démon a aussi le pouvoir de provoquer des maladies» (p.123).
[3] Cette évocation n’est pas la simple prière (invocation) qu’on peut faire quand on prie. Il s’agit d’une demande ayant pour objet une manifestation extérieure de cet esprit. Elle est souvent accompagnée de rites d’apparences magiques.
[4] Cf. Magie et démonologie, n. 9.
[5] On peut lire avec profit l’étude réalisé par Joseph de Tonquédec, « Quelques aspects de l’action de Satan en ce monde », en : Etudes Carmélitains (1948), 493-504.
[6] Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, n.1022.
[7] Avec la finalité d’éviter le péché qui pourrait les entrainer dans les mêmes souffrances qu’eux.
[8] IV Dialogue, c. 30, 40 et 55.
[9] Cf. Réponse de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, le 24 avril 1917 : DS 3642.
[10]Allan Kardec (1804-1869) est considéré comme le père de Spiritisme en France. Son vrai nom était Hyppolyte Léon Denizard Rivail. Le pseudonyme est provenu de communications médiumniques. Ces deux noms " Allan " et " Kardec " lui ont été donnés comme ayant été ses noms dans des incarnations précédentes. Il est mieux connu pour le livre des Esprits, publié pour la 1ère fois en 1856 et devenu un classique du genre.
[11] Extrait de : Dom Antoine Marie osb, abbé, « Bartolo Longo » dans
http://alexandrina.balasar.free.fr/bartolo_longo.htm